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Yahé : « Ce jour-là, je n'avais plus de son, ni d'image »

Par Rugbyrama
  •   Marie-Alice Yahé lors de la présentation des capitaines avant le tournoi féminin 2014.   Marie-Alice Yahé lors de la présentation des capitaines avant le tournoi féminin 2014.
    Marie-Alice Yahé lors de la présentation des capitaines avant le tournoi féminin 2014. Actionplus / Icon Sport
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Marie-Alice Yahé l’ex-Capitaine du XV de France féminin a été contrainte en 2014, trois mois avant le début du Mondial organisé en France, de mettre un terme à sa carrière, après avoir subi « des KO à répétition ». Désormais consultante Canal +, elle revient sur cet épisode douloureux et porte un regard éclairé sur l’action des joueurs britanniques.

Rappelez-nous les circonstances de votre arrêt de carrière en 2014 à seulement 29 ans !

En 2013, j’ai enchaîné plusieurs K-O. J’en avais fait un notamment contre l’Italie avec l’équipe de France. Ce jour-là, je n’avais plus de son, ni d’image. J’étais restée sur le terrain, mais j’annonçais n’importe quoi sur les combinaisons. Et c’est une de mes partenaires qui a alerté le médecin. Je suis donc sortie et j’ai passé une batterie d’examens. Le plus étrange, c’est que j’ai développé des angoisses, des peurs. Je me souviens du jour où j’ai dû quitter l’hôpital, impossible de monter dans l’ascenseur. Je suis devenue complètement claustrophobe du jour au lendemain. À l’époque, les médecins avaient déjà hésité à stopper ma carrière. Sur un autre K-O, le plancher orbitaire avait été fracturé, le nerf optique touché. Ce jour-là, j’avais fait un K-O à retardement. Je n’avais pas perdu connaissance sur le terrain, mais après être sortie du terrain. Puis, à trois reprises dans le camion des pompiers. Suite à ce K-O, les médecins s’inquiétaient des différents symptômes qui duraient dans le temps, notamment les maux de tête. J’ai quand même repris la saison en septembre mais je pense que je n’aurai pas dû.

Vous avez pourtant continué à jouer à ce moment-là…

Oui et puis est arrivé ce dernier K-O à l’entraînement à Marcoussis. Un K-O, juste improbable. J’ai pris dans la figure un simple ballon lancé à la main par une entraîneur à trois mètres de moi. Mes partenaires ont cru à un malaise vagal mais c’était bien une nouvelle commotion. Là, tout s’est mélangé : « burn out », dépression et sentiment de mal-être permanent. Je ne sortais même pas de la maison pour aller jusqu’à la boîte aux lettres. Ça a duré deux ou trois mois. Les médecins m’ont clairement dit que tout était en lien avec les différentes commotions que j’avais subies. Je n’en ai pas fait énormément mais de façon très rapprochée.

Que s’est-il passé en suivant ?

J’ai eu de nombreux rendez-vous avec différents neurochirurgiens. Tous ont été unanimes : je devais mettre fin à ma carrière, le risque de devenir un légume était trop grand. Pourtant, au début, j’ai cru que ça ne serait que temporaire. Et puis, tout s’est enchaîné. Le professeur Decq qui travaille avec la FFR a pris la décision pour moi parce que je ne voulais pas arrêter. Je l’ai détesté à l’époque…

Et maintenant ?

Je le remercie de tout mon cœur. Je ne sais pas dans quel état je serais aujourd’hui si on ne m’avait pas arrêté. Les médecins ont protégé ma vie de femme et de maman.

Et comment allez-vous aujourd’hui ?

J’ai fait beaucoup de sophrologie et d’hypnose pour traiter différents symptômes. La bonne nouvelle, c’est que je reprends l’ascenseur (rires). Maintenant, les maux de tête sont très fréquents, les angoisses aussi. Quand je commente sur Canal +, je bosse constamment sous Doliprane car la lumière des projecteurs me provoque des migraines. Je n’ai plus de repères dans l’espace non plus. Et si je m’amuse à faire des roulades avec mon fils, il peut m’arriver de vomir.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris l’action que de nombreux joueurs britanniques envisagent de mener contre World Rugby ou leur fédération ?

Je peux les comprendre s’ils ne se sont pas sentis protégés par leur fédération. Moi, ce n’est pas le cas. Au contraire. La FFR m’a protégé en décidant de mettre fin à ma carrière.

Pensez-vous qu’une telle démarche puisse arriver en France ?

Pourquoi pas ? Mais aujourd’hui, le protocole mis en place préserve quand même la santé des joueurs. Le fait qu’un médecin indépendant soit présent sur les terrains pour prendre la décision de faire sortir un joueur définitivement permet d’éviter les excès aperçus parfois dans le passé. C’est une avancée majeure. Le médecin de club était trop soumis aux impératifs sportifs. J’en ai croisés beaucoup qui, sous l’influence des managers ou d’une situation sportive qui l’imposait, ont trop laissé faire. Et puis, il y a encore beaucoup à faire dans la prise de conscience de la part des joueurs. Quel que soit le niveau de pratique, un KO, ce n’est pas qu’un moment drôle qu’on raconte aux copains. Il faut le prendre au sérieux. Ça peut mettre fin à une carrière, mais ça peut aussi gâcher une vie tout entière.

Vous êtes hors-jeu !

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