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Dans les coulisses du fiasco toulonnais

Par Pierrick Ilic-Ruffinatti
  • Les joueurs du RCT rassemblés avant un match face à Bayonne.
    Les joueurs du RCT rassemblés avant un match face à Bayonne. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Les joueurs du RCT ont refusé de participer à une compétition qu’ils avaient érigée en priorité. Verdict : match perdu sur tapis vert. Sanction légitime ou injustice?

Cette rencontre entre Toulon et les Scarlets devait donner lieu à un duel entre deux outsiders de la poule A, vainqueurs de leur première journée et candidats affichés aux phases finales. Au lieu de ça, c’est un fiasco monumental qui s’est joué à Llanelli, opposant l’EPCR au RCT sur fond de protocole sanitaire. Le point de départ ? L’annonce jeudi soir d’un cas de Covid (et de deux cas contacts) chez les Gallois, lors des résultats de tests révélés, qui n’entraînaient pas — contrairement à d’autres rencontres du week-end - d’annulation de la rencontre. Dans l’incompréhension, et craignant que la rencontre n’exporte le virus dans leur effectif, les Toulonnais qui avaient rallié le pays de Galles plus tôt dans la journée demandaient plus de précisions à l’EPCR, pour s’assurer que le virus ne circulerait pas entre les deux équipes.

Vendredi matin, à quelques heures de la rencontre, la situation s’emballait. Sans nouvelle de l’instance organisatrice de la compétition, alors même que plusieurs rencontres étaient déjà annulées pour des cas de coronavirus, Bernard Lemaitre prenait contact avec Vincent Gaillard, sur les coups de 12 h 30. « Je lui explique qu’au regard des conditions actuelles, il y a un risque de ne pas pouvoir jouer le match. D’une part, nous n’avons reçu aucun éclaircissement, d’autre part l’EPCR n’a pas statué. Enfin, nous attendions des réponses bien plus tôt dans la semaine. Je lui ai demandé de se mettre un peu à notre place… » Pourquoi toutes les équipes touchées par la Covid doivent déclarer forfait, sauf Llanelli ?

Ollivon annonce à Collazo que les joueurs ne veulent pas disputer le match

En urgence, une commission se réunit alors, afin de délibérer sur la tenue ou non du match. Après de longues minutes de discussion avec une commission médicale indépendante, l’EPCR décide que la rencontre pourra finalement se tenir. « Vers 16 heures, on me recontacte pour me dire que l’EPCR a reçu toutes les assurances sanitaires de la part des autorités galloises et que le match est maintenu. » La fin des discussions en coulisses pour faire place au terrain ? Pas encore. Entre-temps, l’inquiétude est même montée de plusieurs crans dans les rangs toulonnais. Lors de leur reconnaissance du terrain, le matin du match, « nos joueurs ont croisé leurs adversaires qui étaient sur place. Forcément, ils ont discuté. Certains leur ont dit qu’ils étaient décimés, qu’il y avait plein de cas positifs et qu’ils allaient jouer avec une équipe bis… »

Après quelques discussions au sein d’un groupe qui commence à prendre conscience de ce qui se joue en coulisse, c’est alors le capitaine d’un soir, Charles Ollivon, qui s’en va annoncer à Patrice Collazo que le groupe en majorité ne se sent pas de jouer cette rencontre. Et alors qu’il avait mis un point d’honneur à protéger ses joueurs du virus depuis le début de saison (un seul cas dans les rangs toulonnais), Patrice Collazo en informe son président. Solidaires, les Toulonnais conviennent que sans garantie « suffisante », ils ne joueront pas la rencontre.

L’EPCR oppose que Toulon connaissait le protocole mis en place pour la compétition. L’instance européenne se considère dans son bon droit mais, malgré tout, multiplie les propositions pour éviter l’issue radicale d’un forfait du RCT : repousser la rencontre à dimanche, pour laisser le temps aux Gallois de refaire des tests PCR ? Permettre au RCT d’attendre quelques jours pour faire venir des joueurs « volontaires » ? Rien n’y fait. Bernard Lemaitre se montre ferme et refuse en bloc. « Que dire aux mecs ? « Certains refusent d’être contaminés, y a-t-il des volontaires ? » C’est un non-sens. C’est abracadabrant, non professionnel… J’ai pris mes responsabilités, j’ai confirmé à l’équipe que nous n’allions pas jouer ce match, leur donnant alors l’autorisation de rentrer à Toulon. [… ] Vous comprenez bien qu’on ne pouvait pas rester deux jours de plus à Llanelli pour faire plaisir à l’institution et compenser les insuffisances qui ont eu lieu dans cette affaire. Il y a eu des problèmes d’organisation, l’EPCR n’a pas pris ses responsabilités et ils voulaient me contraindre à prendre les miennes 1 h 30 avant le match ? J’ai donc refusé, expliquant que les joueurs étaient dans le bus, prêts à repartir en France. » Si Toulon refuse un report au dimanche, c’est aussi pour des raisons pratiques, de droit du travail : le club doit trois jours de vacances à ses joueurs, avant la rencontre contre Clermont (le 27 décembre).

Les Varois sont donc autorisés par leur président à se diriger vers l’aéroport. La rencontre d’abord annoncée « reportée » par l’EPCR le vendredi soir, est finalement officiellement annulée le samedi après-midi.

Quelle autre solution pour l’EPCR ?

Pour éviter le fiasco, quelle solution existait pour l’EPCR, face à des Toulonnais déterminés à jouer vendredi, mais convaincus qu’ils ne se présenteraient pas face à une équipe de Llanelli touchée par la Covid-19 ? Pire, en refusant de se présenter au stade, alors même qu’une commission indépendante avait donné son aval, Toulon était-il dans son bon droit ou a-t-il tenté un passage en force ? Bernard Lemaitre rejette formellement cette hypothèse : « Nous sommes montés pour gagner. On avait une équipe très compétitive, on savait que les Gallois allaient devoir se passer de certains joueurs et nous avions le moral pour gagner. On n’était pas du tout dans la polémique. Vraiment pas », conclut le président toulonnais.

Pionniers du forfait proclamé au nom de l’intégrité des joueurs ou club égocentré qui a tenté de faire plier l’EPCR, au milieu d’une compétition déjà suffisamment bancale ? L’avenir le dira. Toujours est-il que s’ils semblaient n’avoir pas grand-chose à perdre de ce déplacement au Parc y Scarlets, les Varois ont perdu 28-0 sur tapis vert et sont, dès lors, en difficulté sportive dans une compétition qu’ils avaient pourtant érigée en priorité.

Et les mauvaises nouvelles qui découlent de ce vendredi de polémiques pourraient ne pas s’arrêter là. Toulon, qui s’est positionné hors du cadre réglementaire, risque-t-il une suspension prochaine des compétitions ? Si ça ne semble pour l’instant pas être à l’ordre du jour, cet épisode ne fera que dégrader des relations déjà précaires depuis des années entre l’EPCR et le RCT. 

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