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En Nationale, les finances des clubs sont déjà dans le rouge

  • Le président du SC Albi, dont les joueurs ont affronté les Ardèchois d’Aubenas-Vals début janvier pour la reprise du championnat, estime les pertes à environ 100 000 € par rencontre à domicile. Photo Émilie Cayre
    Le président du SC Albi, dont les joueurs ont affronté les Ardèchois d’Aubenas-Vals début janvier pour la reprise du championnat, estime les pertes à environ 100 000 € par rencontre à domicile. Photo Émilie Cayre
Publié le Mis à jour
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Tenus de jouer pour promouvoir deux clubs en Pro D2 en fin de saison, les clubs de Nationale souffrent énormément du huis clos et du manque de revenus. Tous essaient de se réinventer mais leurs modèles économiques sont en grand danger …

En ces temps troublés, où la visibilité est quasi-nulle et l’avenir bien incertain, la formule "jouer à tout prix" prônée par les présidents des clubs de Nationale à l’automne a fait long feu. Et si l’immense majorité des présidents s’accordent à dire que le fait d’avoir repris est une bonne chose, les chiffres parlent d’eux-mêmes et les clubs accusent tous des pertes records qui mettent en danger, à court ou moyen termes, leur modèle économique. Beaucoup le concèdent : à ce rythme, ils pourront tenir deux mois, peut-être trois, avant que les conséquences du huis clos sur leurs portefeuilles ne soient trop graves. Christophe Lacombe, coprésident de Cognac-Saint-Jean-d’Angély, reconnaît 30 à 40 % de perte sur l’exercice en cours par rapport à la dernière saison sans covid. Son budget de 1,7 million d’euros ne serait plus que de 1,1. "Notre modèle économique repose en grande partie sur les hospitalités qui tournent autour des matchs, reprend l’homme fort de l’UCS. Nos entreprises partenaires achètent des repas avant ou après les rencontres. Nous pouvons en vendre jusqu’à sept cents lors des grosses affiches. Le manque à gagner est colossal." Dans le Tarn, du côté d’Albi, même son de cloche. "Tout compris, avec les hospitalités, les pertes de recettes et de billetterie, j’estime la perte autour des 100 000 € par match", se désole Alain Roumegoux, d’autant plus que le "club affaire" des Jaune et Noir, qui fut en son temps le plus important de Midi-Pyrénées et très dynamique pour recruter et lier les partenaires, est lui aussi à l’arrêt.

Benoît Trey, président de Blagnac, espère voir arriver des aides de la FFR, sans lesquelles l’avenir lui paraîtra bien sombre : "Au moment où nous avons voté la reprise du championnat, nous espérions un retour à une jauge partielle dès janvier. Aujourd’hui, avec les derniers chiffres de l’épidémie, nous comprenons que ce n’est pas d’actualité. Il faudrait que la FFR nous aide. Le club de Blagnac n’est pas aux abois mais je pioche dans les réserves et je suis en train de mettre en danger cinq ans de travail acharné de remise à flot du club. Pour donner un exemple concret, je viens de valider le déplacement de mes deux équipes à Suresnes pour notre prochain match. Pour un voyage aller-retour en train et une nuit d’hébergement, la facture s’élève à 10 000 €… Je ne me plains pas d’avoir repris, c’est bien que le rugby vive mais cela commence à coûter cher. Je râle un peu quand je vois les centres commerciaux pleins à craquer. Ne me dites pas que l’on ne pourrait pas se retrouver au stade, avec un masque, en vendant un siège sur trois !"

Le boom des diffusions autogérées

Pourquoi avoir repris, alors ? La question mérite d’être posée alors que la Nationale souffre d’un statut hybride, entre mondes amateur et professionnel. Gérée par la FFR, cette compétition n’a pas pu prétendre aux aides de l’État comme ont pu le faire les clubs de Pro D2 ou de Top 14 sous l’égide de la LNR. Pour autant, les quatorze clubs de la division ont des contraintes de pros, avec des joueurs rémunérés impliquant des masses salariales lourdes. L’Albigeois Alain Roumegoux ne se voyait pas arrêter définitivement de jouer : "Nous avons trop souffert de ne pas pouvoir défendre nos chances de montée lors de l’arrêt de la saison précédente pour le premier confinement. Si nous étions restés à l’arrêt, nous aurions passé plus d’un an sans jouer ou presque, c’est impensable. Il faut penser aux joueurs dont pratiquer le rugby est le métier. Sans jouer - et même s’ils sont rémunérés par le chômage partiel - les conséquences sur leur physique et sur la suite de leur carrière sont très lourdes. Jouer était capital."

Même son de cloche du côté de Cognac-Saint-Jean-d’Angély. "Il faut entretenir une dynamique pour ne pas tomber dans l’oubli, développe Christophe Lacombe. Les joueurs ont besoin de pratiquer et nous avons besoin du rugby." L’homme fort du club charentais va plus loin : "Aujourd’hui, j’ai l’impression de piloter un club fantôme. Les jours de matchs, on se réunit à 13 h 30, on joue et sitôt la rencontre terminée, chacun rentre chez soi. Il n’y a plus de convivialité. Ce n’est pas notre rugby, notre vision de la chose. Le côté humain que nous aimons tant dans ce jeu ne nous nourrit plus."

Volontaires et entreprenants, les acteurs de la poule Nationale travaillent à développer des solutions alternatives pour générer du revenu et "sauver les meubles". Tous retransmettent leurs matchs sur leurs réseaux sociaux respectifs après avoir demandé l’autorisation à la chaîne L’équipe, détentrice des droits de la compétition. "Il y a une piste à explorer, développe Benoît Trey. Nous faisons cela de manière professionnelle, en employant une boîte de production. Il y a six caméras qui filment, des journalistes aux commentaires. On donne de la visibilité à nos partenaires en affichant leurs noms durant la diffusion." Christophe Lacombe conclut : "Pourquoi ne pas songer à vendre des espaces publicitaires pendant ces diffusions ? Notre dernier match face à Nice a généré 12 000 vues, ce n’est pas rien !" Chaque euro compte et Blagnac a aussi lancé l’opération "1 922 Caouecs", où les supporters sont invités à acheter un emplacement pour leur photo sur une mosaïque qui sera éditée en grande taille et affichée dans le stade. Une idée qui ressemble, toutes proportions gardées, au fameux "mur de briques" édifié par le voisin toulousain.

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