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Lucas Dupont : Restauré du cœur

  • Lucas Dupont a fait son grand retour à la compétition vendredi soir contre Béziers
    Lucas Dupont a fait son grand retour à la compétition vendredi soir contre Béziers Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Victime d‘une grave crise de tachycardie lors d’un match amical face à Toulon, l’emblématique ailier droit du FCG Lucas Dupont a dû subir courant octobre une délicate opération du cœur. Une épreuve sur laquelle il lève un voile pudique, quelques jours après avoir officiellement retrouvé les terrains après onze mois d’arrêt, pour y disputer son 200e match professionnel…

Il est des joueurs d’une trempe rare. De ceux qui ne seront jamais les plus puissants, jamais les plus rapides, mais qui deviennent indispensables à leur équipe par ce qu’ils apportent. Parce qu’ils jouent avec leur rage, avec leurs tripes, avec leur cœur. L’ailier du FCG Lucas Dupont est incontestablement de ceux-là, avec ses 200 matchs disputés au niveau professionnel entre Grenoble et un passage de deux ans à Montpellier, qui l’ont mené en 2017 jusqu’aux Barbarians français. Reste qu’à force de battre un peu trop fort pour le rugby, son cœur s’est emballé… C’était le 14 août dernier du côté de Hyères, qui voyait le FC Grenoble affronter Toulon pour son match de reprise, après la longue coupure de la Covid-19. «En fait, au bout d’un quart d’heure de jeu, mon cœur s’est mis à taper très fort, et très vite, se souvient l’ailier du FCG. En soi, cela aurait pu ne pas être anormal, sauf que ce n’était pas du tout la même sensation que lorsqu’on a fait un effort et qu’on est essoufflé parce que le cœur tape à 180. Là, même à l’arrêt, ça battait très fort, et je n’avais jamais connu ça.»

De quoi craindre le pire ? Pas exactement, ou du moins pas tout de suite. «C’était bizarre. Mais comme on jouait notre premier match après plusieurs mois d’arrêt à cause de la Covid et qu’on venait de se taper six heures de bus juste avant le coup d’envoi, je me suis dit que ce n’était peut-être pas tout à fait anormal. Je n’ai pas fait de malaise non plus, je n’avais pas mal à la tête, ni à la poitrine. Il y avait juste mon cœur que je sentais battre très fort. Dans ces conditions, ça me paraissait difficile de dire «je sors» au bout d’un quart d’heure… Alors, j’ai tenu ma place. » En marquant même un essai au passage, donc sans rien montrer de sine anormal vis-à-vis de l’extérieur. «Ce n’est qu’à la mi-temps que je suis allé voir notre docteur Guillaume Sarre, et que je lui ai dit que je me sentais bizarre, se remémore Dupont. Il m’a dit de venir avec lui, et il s’est dirigé au pas de course vers le véhicule du Samu.»

Où débuta alors le quart d’heure le plus long de toute une vie… «Notre doc avait immédiatement compris que quelque chose de sérieux se produisait. J’ai été immédiatement perfusé pour résorber la tachycardie. Cela a pris un bon quart d’heure, et mon cœur a fini par se calmer. Mais moi, je n’en menais pas large, avec cette perfusion et des électrodes de partout. J’ai craint le pire au moment où j’ai demandé ce qui se passait exactement, parce que tout ce que le doc m’a répondu, c’est «calme-toi, respire». Il y avait cinq ou six personnes autour de moi, et tous les visages avaient l’air très préoccupés. J’avoue qu’à ce moment, j’ai eu très, très peur. Quand tu te blesses à l’épaule ou à la cheville, tu peux t’accrocher si tu veux. Mais au niveau du cœur, il n’y a tout simplement pas de parachute.»

« Je ne voulais pas m’étaler, ni que les gens s’apitoient sur mon sort »

La suite ? Elle s’écrivit dans une chambre de l’hôpital Sainte-Musse de Toulon, lors d’un week-end du 15 août plus prolongé que jamais… «Lorsque j’étais à l’hôpital à Toulon, j’ai reçu 8 000 textos de mecs avec qui j’ai joués dont je n’avais plus forcément de nouvelles, même de joueurs de Toulon que je ne connaissais pas. C’était très touchant. Je les ai tous remerciés un par un, mais je profite de cette occasion pour les remercier encore une fois. C’était génial. Mais ensuite, j’ai préféré que le club ne communique pas trop sur ce qui m’arrivait. Je n’avais pas envie de faire de la peine, que les gens s’apitoient sur mon sort, encore moins de m’étaler.»

Parce que l’urgence était évidemment ailleurs, face à tant d’incertitudes. «Comme je devais passer un IRM cardiaque, j’ai dû attendre seul à Toulon jusqu’au mardi. Heureusement, ma tante qui était en vacances dans le coin est passée me voir, j’ai aussi eu les visites de Gervais Cordin et Romain Taofifenua. J’échangeais beaucoup au téléphone avec notre doc, mais aussi avec le médecin du RCT Didier Demory, qui a aussi été super avec moi. Comme il travaille en réanimation à l’hôpital de Toulon, il est régulièrement passé me voir. Honnêtement, il s’est comporté avec moi comme avec un joueur du RCT. Il m’a beaucoup rassuré pendant ces quelques jours en me disant que cliniquement, je montrais des signes positifs. Mais bon, le juge de paix restait malgré tout cette IRM du mardi, avec cette énorme épée de Damoclès qui pesait sur ma tête…»

De quoi tout remettre en question ? Plus ou moins, oui… «Dans ces moments-là, tu te forces à relativiser. Au départ, j’étais juste heureux d’être là, tout simplement. Je me disais que si je ne pouvais pas reprendre le rugby, finalement, ce ne serait pas si grave. Puis le jour de l’examen est arrivé, et le diagnostic. Le terme exact, c’est que je souffrais de tachycardie ventriculaire infundibulaire du côté droit. L’arythmologue m’a dit que c’était quelque chose qui était tout à fait opérable depuis une dizaine d’années. À partir de là, rejouer au rugby pouvait redevenir un objectif. »

À condition, évidemment, de subir une intervention le 13 octobre au CHU de Grenoble, deux mois après la crise contre Toulon. Tout sauf anodin, à l’évidence, une opération cardiaque ne relevant pas des traditionnelles ligamentoplasties… «Il s’agissait en réalité de redéclencher la crise de tachycardie, pour identifier exactement l’endroit d’où elle partait, avant de cautériser par radio-fréquence. En gros, l’opération consistait à brûler la zone pour tuer l’activité électrique susceptible de se déclencher sous l’effet du stress, de l’adrénaline, d’un choc… Bref, de tout ce qu’un match de rugby est susceptible de provoquer, quoi.»

Effrayant sur le papier, et plus encore dans la salle d’opération. «La docteur Alix Martin, qui m’a opéré, avait été très rassurante en me disant que le seul risque était que ça ne marche pas, mais que ça ne pouvait en aucun cas tourner au vinaigre. Sauf qu’une fois là-bas, c’était assez impressionnant. C’est un peu la Nasa, avec des ingénieurs médicaux qui veillent à la bonne marche des machines pendant l’opération…» Le plus fort ? Il est probablement que Lucas Dupont n’en a pas manqué la moindre miette… «Ce n’était pas une opération à cœur ouvert, j’ai juste été endormi le temps pendant qu’on me posait les sondes. Mais il fallait que je sois réveillé au moment où ils allaient déclencher la tachycardie… Du coup, j’ai tout vu, tout senti. C’était assez douloureux, car je sentais directement la brûlure. Mais comme le principe de l’opération consiste à réexciter le cœur de la même façon que lors de la crise, j’ai pu constater en direct que l’intervention avait fonctionné. Le fait d’avoir pu être conscient pendant l’opération m’a aidé à être super serein lorsque j’ai repris le sport, après un mois de repos total.»

La délivrance du retour au jeu

Débuta alors la longue période de réhabilitation, durant laquelle Dupont réapprit le sens d’un mot : la patience… «Aujourd’hui, j’en parle sereinement parce que j’ai rejoué et que tout ça est en fin derrière. Mais au début, je ne peux pas dire que c’était exactement le cas. Ma chance a été d’être papa pour la deuxième fois au mois de septembre (d’une petite June après son aînée Jade), donc d’avoir une vie assez intense à la maison.»

Ainsi s’écoulèrent donc les jours, jusqu’à cette grande délivrance du match de vendredi soir face à Béziers. «Avant le match, j’étais un peu dans le doute. Ça ne m’était jamais arrivé de passer onze mois sans jouer. Forcément, je me posais des questions. J’avais peur de rater mon premier plaquage, de faire une tête sur mon premier ballon… Ce que je voulais surtout éviter, c’était de vouloir trop en faire, parce que je savais d’expérience que cela aurait été le meilleur moyen pour faire un match de merde. Je me suis donc appliqué à jouer un match propre, rigoureux, parce qu’il y avait face à moi un certain Rawaca qu’il fallait quand même se coltiner en défense. Globalement, je n’ai pas été transcendant, mais pas mauvais non plus. L’important, c’était surtout de rejouer…» Hasard ou pas, le FCG a récolté vendredi son premier bonus offensif depuis plus d’un an. Comme quoi, en même temps qu’il retrouvait le gros cœur de Lucas Dupont, c’est tout un club qui a aussi récupéré un peu de son âme…

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