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Jonathan Wisniewski annonce sa retraite : « Je peux arrêter sans regrets »

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    Jonathan Wisniewski va finir la saison avec le LOU Icon Sport
Publié le Mis à jour
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C’était un secret de Polichinelle, c’est désormais officiel depuis cet entretien: après 17 saisons au niveau professionnel, Jonathan Wisniewski raccrochera les crampons à l’issue de la saison. Sans sélection et sans titre au plus haut niveau, peut-être. Mais surtout sans la moindre amertume, en attendant de revenir de l’autre côté de la barrière...

Ce n’est évidemment pas le scoop de l’année, mais son officialisation méritait naturellement mention. À bientôt 36 ans, 17 saisons au niveau professionnel et plus de 2500 points marqués en carrière, Jonathan Wisniewski raccrochera bel et bien les crampons à l’issue de la saison. «C’était convenu depuis longtemps avec Pierre Mignoni, et je n’ai jamais envisagé de le remettre en question, sourit l’ouvreur du Lou. Il y a deux ans, je m’étais déjà posé la question car j’avais connu quelques pépins physiques. Mon implication dans mes activités hors rugby me prenait aussi de plus en plus de temps (il développe des restaurants et une société de gestion de patrimoine spécialisée dans le sport, N.D.L.R.). Depuis 17 ans que je suis dans ce milieu, il commence à y avoir de la lassitude, de l’usure, de la fatigue. J’adore toujours autant le jeu, mais les présaisons et le temps de récupération après les matchs me semblent de plus en plus longs. Je pense avoir fait le tour de la question, alors maintenant, place aux jeunes !»

Une perspective qui incite évidemment à jeter un coup d’œil dans le rétro, à l’instant de retracer un parcours dans lequel rien ne fut jamais simple. «Toute ma carrière, j’ai eu deux sources de motivation profondes, admet Wisniewski. La première provient de ceux qui m’ont soutenu, et en premier lieu ma mère. Quand j’étais jeune, nous ne roulions pas sur l’or. Pourtant, elle prenait sur son temps et son argent pour traverser Toulon pour m’amener chaque semaine à l’entraînement à Font-Pré, jusqu’à l’âge de 15 ans. Je pense aussi à mes grands-parents Robert et Nicole, bien sûr, et en particulier mon grand-père «Cassou». Quelqu’un qui aime le rugby plus que tout au monde, qui était capable de ne pas me parler pendant une semaine quand je passais à côté d’un match en Crabos. Et puis, ma femme Christel et mes deux enfants, à qui j’ai infligé un rythme de vie compliqué toutes ces années…»

Autant de piliers indispensables pour faire taire tous ces détracteurs qui ne lui promettaient qu’une carrière de seconde zone, lorsqu’il fit ses premiers pas au Stade toulousain à 19 ans, avec ses 71 kg tout mouillé… «Cela a été ma deuxième source de motivation, toute ma vie. Quand j’avais 16 ans et que j’étais au centre de pré-formation à Castres, à la fin d’un repas, les plus anciens avaient lancé un jeu qui consistait à deviner à quel niveau chacun d’entre nous aurait la chance de jouer. Quand est venu mon tour, ils m’ont dit : «ouais, techniquement t’es pas mal, mais niveau physique tu es juste… Tu devrais jouer en Fédérale 2, guère plus.» Ce soir-là, je m’étais couché avec une colère terrible au fond de moi. Ce qui est drôle c’est qu’autour de cette table, j’étais peut-être le seul qui a joué un jour en Top 14…»

Le XV de France, «mon plafond de verre»

À force de caractère, bien sûr. Mais aussi d’un certain talent et d’un pied droit en or qui lui permit de décrocher le titre honorifique de meilleur réalisateur du Top 14 en 2011 et 2015. Une frappe enroulée si fluide, si caractéristique, façonnée depuis son plus jeune âge et ce jour où le petit Jonathan se fabriqua lui-même son premier tee sur mesure, à partir d’une canette de Coca-Cola, d’un plot et d’un bout de strap qui traînait par là. «Cette passion pour le tir au but ne m’a jamais quitté, s’enflamme Wisniewski. À chaque séance d’entraînement, je prends encore le même plaisir que lorsque j’étais gosse. J’étais un pur buteur, puis je me suis développé au sujet de l’organisation, de la stratégie. Même si ma conception du rugby un peu à l’anglaise n’était manifestement pas toujours en phase avec notre culture rugbystique.»

Une référence, évidemment, à cette carrière vierge de toute sélection alors que tout ce qui portait de près ou de loin un numéro 10 fut testé en équipe de France, pendant quinze ans… «Je n’ai pas d’amertume par rapport à ça, coupe Wisniewski. Je n’ai juste pas réussi à convaincre ceux qui prenaient les décisions en équipe de France de me donner ma chance. Si j’ai un petit regret à avoir, c’est d’avoir été jugé sans avoir été jamais vu.» La faute à plusieurs blessures ou coups du sort récoltés juste avant certains rassemblements, comme autant d’occasions qui ne se présentèrent plus… «En 2010, Marc Lièvremont m’avait dit que j’affronterais les Fidji en novembre, et je me pète à Agen la semaine avant le rassemblement. Avec Philippe Saint-André, je devais rejoindre le groupe pour préparer le Tournoi 2012 et je me blesse encore le week-end avant, à Clermont. Puis, avec Guy Novès, je devais faire une tournée en Argentine en 2016, mais ils ont préféré sélectionner au dernier moment François Trinh-Duc qui venait d’être éliminé avec son club…»

Pure malchance ? Désarmant de sérénité, Winsniewski raffûte l’argument. «Si je prends du recul, je me rends compte qu’après chaque convocation, j’étais stressé, je dormais mal et comme par hasard je me suis blessé. Ce n’est peut-être pas si anodin. C’était probablement là mon plafond de verre. J’avais peur de mal faire plutôt qu’envie de bien faire. ça fait une grosse différence. C’est pour ça qu’au très haut niveau, il n’y a que les très gros ego qui s’épanouissent, parce qu’il faut avoir une confiance en soi démesurée. Moi, chaque fois que j’étais convoqué en sélection avec les jeunes, j’étais frappé par ce que j’entendais : les mecs se disaient les meilleurs et trouvaient tous leurs concurrents nuls. Aujourd’hui, je comprends qu’à côté de ces gars-là, je manquais juste de confiance en moi. C’était pareil en club : chaque année, lorsque je voyais un concurrent arriver, j’avais tendance à le trouver meilleur que moi. Et pourtant, à la fin, c’était moi qui jouais… C’est pourquoi, si je ne devais donner qu’un seul conseil aux jeunes joueurs, ce serait celui-là : n’hésitez surtout pas à vous rapprocher d’un préparateur mental.»

Un tabou que Wisniewski assure avoir fait tomber sur ses vieux jours, lors de son passage à Toulon en 2017-2018, dont il se félicite aujourd’hui. «C’est vrai dans n’importe quel sport, en France : on confond souvent le préparateur mental et le psy. Quand on dit qu’on se fait accompagner par rapport à ça, on passe pour un fou ou pour un faible… C’est idiot. C’est simplement que, dans un sport où on surveille son sommeil, son alimentation, sa préparation ou sa technique, il ne faut pas hésiter à travailler le mental comme tous ces autres aspects si on en ressent le besoin. Ce n’est pas de la faiblesse, au contraire.»

«J’ai la fierté de pouvoir me regarder dans un miroir»

L’aveu prend ici tout son sens, puisque c’est bien ce facteur crucial du mental de Jonathan Wisniewski qui fut voilà quelques années publiquement critiqué par son entraîneur Pierre Berbizier, et considéré comme l’écueil qui priva ses équipes de victoires dans les grands matchs. Le palmarès de Wisniewski pourrait en attester, simplement riche d’un titre en Pro D2 (2009) avec le Racing. Mais ce dernier n’en prend pas ombrage, trop sage pour polémiquer. «Après toutes ces années, j’ai la fierté de pouvoir me regarder dans un miroir. Dans tous les clubs où je suis passé, que ce soit avec les présidents, les entraîneurs ou les bénévoles, j’ai nourri des relations franches et honnêtes. Ce que j’ai eu à dire à certaines personnes, je l’ai fait entre quatre yeux, dans un bureau. Je n’ai ni le besoin, ni l’envie d’un article pour régler mes comptes. J’ai eu des déceptions, bien sûr, mais cela a nourri la colère et la résilience de l’homme que je suis devenu. Tous les entraîneurs que j’ai pu croiser m’ont apporté dans la façon de concevoir le rugby et d’analyser le jeu. C’est tout ce que j’ai envie de retenir d’eux…»

Et c’est déjà beaucoup pour quelqu’un qui se destine, à plus ou moins long terme, à une carrière d’entraîneur. «Il y a une partie de moi qui a toujours voulu entraîner, transmettre. Je me donne une dizaine d’années pour m’impliquer à fond dans mes projets personnels et me donner une certaine assise financière avant de revenir dans le rugby. J’ai envie de me construire tranquillement, à la Zidane, en prenant le temps de me former, de me tromper, de me roder. Je suis d’ailleurs en train de terminer mon DE. Je pense accompagner une équipe de jeunes la saison prochaine, sachant que comme mes gamins sont à l’école de rugby du Lou, je me suis déjà beaucoup investi depuis deux ans sur sa restructuration. C’était assez gratifiant de voir les éducateurs adhérer à ce projet, dont j’espère qu’il sera pérennisé, axé sur le développement individuel de chaque joueur.»

Un besoin d’enracinement tout sauf anodin, après avoir bourlingué un peu partout dans l’Hexagone, au travers une bonne dizaine de clubs… «Je pense avoir hérité ça de ma jeunesse. Comme ma maman bougeait beaucoup au niveau professionnel, j’ai beaucoup déménagé quand j’étais gosse. C’est tout bête, mais je n’ai pas, comme beaucoup, de socle d’amis que j’ai pu garder entre 4 ans et 20 ans… J’ai gardé ça en moi, peut-être. Mais cette mobilité a peut-être été autant une force qu’une faiblesse dans ma carrière. C’est pourquoi j’ai désormais envie de poser mes bagages pour un moment.» Sans regrets…

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Les commentaires (1)
fifilongagien Il y a 3 années Le 09/02/2021 à 11:00

magnifique joueur que jonathan wisniewski charmant garçon et super no 10