Abonnés

Vincent : « On est des chiens et le terrain, c’est un ring où tu peux te lâcher »

  • Arthur Vincent (France), face à l'Italie.
    Arthur Vincent (France), face à l'Italie. Icon Sport
Publié le Mis à jour
Partager :

En succédant à Virimi Vakatawa au milieu du terrain tricolore, le Montpelliérain et trois-quarts centre du xv de france a aussi hérité d’un cadeau empoisonné. Jusqu’ici, il a pourtant relevé le défi...

Le XV de France a réalisé 202 plaquages face à l’Irlande, dimanche après-midi. Comment êtes-vous sorti de cette rencontre ? Mâché ? Brisé ?

C’était dur, ouais… À la fin, j’étais content que ça s’arrête. Mais par rapport à ce qu’ont fait les avants sur les points chauds ou le triangle du fond sous les ballons hauts, j’ai été épargné à Dublin. Eux ont vraiment réalisé un boulot phénoménal.

Quelle est la force de ce nouveau système défensif ?

C’est un état d’esprit, d’abord. Shaun (Edwards) nous pousse dans nos derniers retranchements. Ses interventions sont claires, nettes et précises : en deux phrases, on comprend où il veut en venir. Et puis, si tu n’es pas assez concentré sur son exercice, il sait te faire changer d’attitude…

Laurent Labit, l’entraîneur de l’attaque tricolore, nous disait que vous avez parcouru 8,6 kilomètres face à l’Irlande, soit 2 kilomètres de plus qu’un joueur international lambda. D’où tenez-vous cette endurance ?

Cela fait partie de mes bases. J’essaie toutefois de faire le labrador le moins possible. Au fil de ma carrière, j’ai ainsi dû apprendre à gommer les courses qui ne servaient à rien, à garder ma lucidité pour ne pas déserter ma zone… C’était l’un de mes défauts, à mes débuts.

Globalement, le staff des Bleus loue vos incroyables qualités physiques. De qui les tenez-vous, au juste ?

De mon papa, je crois. Il est pompier professionnel et s’est toujours beaucoup entretenu. Cette énergie-là, je l’ai depuis l’enfance. […] Ce que j’ai dû travailler, en revanche, c’est le haut de mon corps. Je n’avais pas un gros gabarit, au départ. Je souffrais un peu sur les impacts, j’étais souvent blessé. Ces dernières années, j’ai donc essayé de développer au maximum les pectoraux, les biceps, tout ça…

Vous aviez dix ans lorsque les Bleus ont réalisé leur dernier grand chelem, en 2010. En parlez-vous entre vous ou le sujet est-il tabou, à Marcoussis ?

Il n’y a rien de tabou : on veut gagner des titres. Mais avant de parler grand chelem, on sait surtout que le match contre l’Ecosse sera un très gros morceau…

Vous avez une belle gueule, un sourire clair. Certains disent que vous êtes le gendre idéal du XV de France. Est-ce vrai ?

(il se marre) C’est ce qu’on dit, en tout cas… À Montpellier, les joueurs me chambrent un peu avec ça, oui…

Comment parvenez-vous à changer la douceur qui vous caractérise dans la vie, lorsque vous entrez sur le terrain ?

Dans un sport de combat, nous avons tous le devoir de "switcher" (changer) de personnalité. On est des chiens et le terrain, c’est un ring où tu peux te lâcher, te vider, t’exprimer. La métamorphose, elle est obligatoire.

Vous êtes-vous déjà battu ?

Je ne joue jamais au con, sur un terrain. Mais j’espère être méchant sur les contacts, oui.

Avez-vous senti, au départ, un certain scepticisme au sein de l’opinion publique lorsque Fabien Galthié a annoncé que vous seriez titulaire en équipe de France ?

Peut-être… Mais c’est tant mieux, finalement. Moi, je faisais mon petit bonhomme de chemin, je croquais le moment à pleines dents.

Fut-il difficile, néanmoins, d’enfiler les bottes de Virimi Vakatawa ?

On parle de Virimi… Du meilleur centre du monde… De la classe internationale… (il marque une pause) Je ne suis pas Virimi Vakatawa mais je donne tout pour ce collectif sans me poser de questions. Et cette situation ne m’a pas empêché de dormir, si telle est votre question.

On vous connaît peu. Comment avez-vous débuté le rugby, au juste ?

J’ai posé la question à mes parents, dernièrement. Ils m’ont répondu que c’était une initiative personnelle. À 5 ans, j’ai voulu essayer le rugby, voilà… Et tout a commencé dans mon village, à Mauguio (Hérault).

Quel était votre rêve de gosse ?

Je ne sais pas… (il soupire) Ce que je vis en ce moment est plus qu’un rêve d’un gosse, pour être franc… Je ne sais même pas si j’aurais pu rêver de tout ça, tellement c’est énorme…

À quoi vous attendez-vous face à l’Ecosse, la semaine prochaine ?

C’est un énorme défi qui nous attend au Stade de France. L’Écosse est complète, domine sur tous les contacts, possède un triangle du fond magnifique (Stuart Hogg, Darcy Graham et Duhan van der Merwe) et un numéro 10 (Finn Russell) monstrueux.

Qui vous a proposé le capitanat, à Montpellier ?

Tout a commencé il y a deux ans, en fait. En cours de saison, on nous avait glissé, à Jan Serfontein et moi, de ne pas être surpris s’il nous arrivait d’endosser ce rôle en cours de match. Derrière ça, Xavier Garbajosa a mis pas mal de pièces (a fait des allusions, N.D.L.R.) sur le sujet. Un jour, je suis allé le voir et lui ai posé la question clairement. C’était peu après le premier confinement. Il m’a simplement dit qu’il me voyait bien capitaine.

Cela a-t-il été difficile, à 22 ans, de guider des joueurs tels Guilhem Guirado ou Louis Picamoles, deux anciens capitaines du XV de France ?

Cela faisait partie de mes craintes. Je n’avais pas de légitimité ; je ne savais pas où j’allais, en fait. Ce n’était pas moi, le minot, qui allais indiquer quoi que ce soit à des mecs comptant quatre-vingts sélections en équipe de France. Mais les joueurs m’ont immédiatement rassuré : ils m’ont dit que si j’avais été choisi, ils me suivraient.

Préparez-vous vos discours, avant les matchs ?

À l’époque où j’étais capitaine des moins de 20 ans (en 2019, N.D.L.R.), j’avais essayé. Mais ça ne me correspondait pas. Ça me prenait la tête, en fait. Je préfère faire les choses au feeling et tenter d’être exemplaire, sur et en dehors du terrain.

Au sujet du MHR, la question qui revient cycliquement est la suivante : comment une telle armada peut-elle aujourd’hui lutter pour son maintien en Top 14 ?

Tous les joueurs sont consternés et cette situation, on la combat. (il soupire) Au départ, il y a cette défaite inaugurale face à Pau, puis une valise au Racing… Derrière ça, on n’a pas su se peler (sic) les victoires au bon moment. (il coupe) Mon discours est brouillon mais si j’avais des solutions au problème, nous l’aurions réglé depuis longtemps.

Êtes-vous inquiet ?

Ce n’est pas évident à vivre, je ne vous le cache pas. Mais je vous jure qu’on bosse et qu’on finira par relever la tête.

Il y a deux semaines, le manager Philippe Saint-André disait qu’un international montpelliérain lui avait proposé de faire une croix sur le Tournoi des 6 Nations pour rester au club, actuellement en lutte pour le maintien. Est-ce vous ?

J’ai vu les propos de Philippe, oui. C’est peut-être son ressenti. […] Après ça, on s’est un peu fait chambrer, à Marcoussis.

En clair ?

Il n’y a pas de choix à faire entre le club et la sélection. Je pense fort au MHR. J’y pense tous les jours, même. Mais le XV de France revêt aussi une importance capitale à nos yeux : dès que nous (Paul Willemse, Anthony Bouthier, Mohamed Haouas…) sommes arrivés à Marcoussis, nous avons tous basculé en mode équipe de France.

La semaine dernière, l’ancien demi de mêlée du MHR, l’Australien Nic White, disait que Mohed Altrad lui faisait "peur". Il racontait même qu’un soir, alors qu’il était en chambre avec Nemani Nadolo, le patron du MHR avait appelé l’ailier fidjien, qui traversait alors une mauvaise passe, pour lui mettre un léger coup de pression. Avez-vous, vous aussi, "peur" de Mohed Altrad ?

Non. Mais je comprends que sur ce coup-là, Nemani a eu peur. (rires) Mohed Altrad ne m’a jamais mis la pression de la sorte, en tout cas.

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?