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XV de France : pépins au cœur de la bulle !

Par Jérémy FADAT
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Publié le Mis à jour
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De l’épidémie de Covid-19 qui a continué à envahir Marcoussis dès lundi matin au report du match contre l’Écosse acté jeudi midi après le test positif de trop, en passant par les révélations sur les possibles libertés prises par Fabien avant l’Irlande en dépit du strict protocole sanitaire, les Bleus ont vécu une semaine sous haute intensité, pour reprendre un terme à la mode du côté de Marcoussis.

Les cas tombent encore

Lundi matin, l’édition de Midi Olympique n’était sortie que depuis quelques heures. Au moment d’entrer ici en conférence de rédaction, les messages affluaient sur le choix remarqué du titre de une : "XV de France : les cas tombent." Cinq joueurs et quatre membres du staff avaient été testés positifs. Aux alentours de 9 h 40, alors qu’étaient débattus les sujets à traiter pour vendredi, un autre texto tombait, lequel venait interrompre les discussions et malheureusement offrir une suite au jeu de mots précédemment cité : "Cinq positifs : Baille, Mauvaka, Taofifenua, Ollivon, Dulin." A peine entamée, la semaine basculait dans une autre dimension. Et dire que tout allait si bien huit jours plus tôt, alors que l’équipe de France s’était emparée de l’Aviva Stadium pour rêver de grand chelem…

Cette nouvelle vague de cas positifs, au-delà de propulser les intéressés dans leurs foyers et de provoquer le rappel de Barlot, Paiva, Cazeaux, Pesenti et Ramos, renforçait le trouble sur un contexte chaud, devenu subitement brûlant. Dans la foulée, la FFR annonçait un "retour à l’entraînement collectif fixé à mercredi sous réserve des résultats des tests réalisés toutes les 24 heures" et "deux membres de l’encadrement considérés comme cas suspicieux". Si aucune communication n’a suivi les concernant, il s’agit d’un dirigeant renvoyé chez lui et d’un adjoint du staff technique placé à l’isolement. Imaginez la cacophonie ambiante et les conditions pour préparer l’écosse. Sans le capitaine Charles Ollivon, sans l’étoile Antoine Dupont, sans le talonneur, le pilier gauche et l’arrière titulaires.

Sans non plus Fabien Galthié, William Servat, Karim Ghezal et un préparateur physique, tous testés positifs et également isolés. Ce fameux préparateur physique, érigé en "patient zéro" par le vice-président de la FFR Serge Simon dans ces colonnes lundi, ayant pour effet d’accentuer les tensions et de délier les langues.

"Ca continue, Pesenti positif"

La tenue même de France-Ecosse était alors remise en cause. Les premiers bruits d’un éventuel report, alors que le week-end prochain est libre dans le calendrier des 6 Nations, s’intensifiaient quand la Fédération écossaise a, par le biais d’un communiqué, sorti les muscles lundi en fin de journée : "Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires du 6 nations pour appuyer la tenue du match ce week-end, dès lors que cela peut se faire dans des conditions saines."

Position logique, d’un point de vue logistique et sportif. Dans le même temps, la valse des échanges téléphoniques reprenait pour les journalistes qui, à chaque sonnerie, étaient en droit de s’attendre à une surprise plus grosse que la précédente. Le contenu cette fois : "ça continue, Pesenti positif." Avant même de débarquer à Marcoussis… Non retenu dans la liste dévoilée le week-end passé, le Palois était pourtant du déplacement à Dublin et, à son retour dans le Béarn en milieu de semaine dernière, avait été interdit de se rendre au Hameau.

Testé négatif le vendredi, il avait quand même été écarté de la feuille contre Toulon. A-t-il été infecté au CNR, au vu du délai d’incubation ? C’est plausible. Sûrement la goutte de trop, dans la journée de trop. "La gestion a été catastrophique, c’est de l’amateurisme", nous confiait un dirigeant de Top 14 lundi soir. Et d’ajouter : " Ce matin encore, tout le monde était plutôt bienveillant mais, ce soir, on entend beaucoup de choses sur le non-respect de la fameuse bulle sanitaire et c’est remonté jusqu’au gouvernement."

Maracineanu réclame des comptes

Mardi, la journée a débuté comme la précédente, tambour battant. Pas le temps de savourer la première bonne nouvelle depuis des lustres, communiquée par la FFR : "Suite aux tests RT-PCR réalisés hier soir, l’ensemble des joueurs et de l’encadrement a été testé négatif à la COVID-19." RMC Sport avait révélé que la ministre déléguée aux Sports Roxana Maracineanu a sollicité un entretien téléphonique avec Bernard Laporte la veille au soir. Le ministère indiquant qu’elle avait "questionné le président sur le respect des exigences sanitaires formulées par les autorités sanitaires à la FFR pour autoriser la tenue du Tournoi et la participation de l’équipe de France."

En clair, Maracineanu, qui avait accordé sa confiance à condition d’un cadre strict, réclamait des comptes et exigeait d’être informée quotidiennement de la gestion de crise. Laporte a cherché à la rassurer, forcément, et dû reprendre la main sur un dossier qui ne le plaçait pas en première ligne. Au contraire de Serge Simon, médecin de son métier et propulsé "Covid manager" des les équipes de France, qui a vu, en un mois, l’éclosion de trois foyers de contamination : les moins de 20 ans en stage au Portugal mi-janvier, l’équipe de France à 7 il y a deux semaines, puis le XV de France. Ce qui fait tâche, chacun en conviendra.

Les questions s’enchaînent

En parallèle, à l’intérieur des murs de Marcoussis, la crispation et la tension n’ont fait qu’augmenter chez les joueurs ou dans le staff, au point d’alerter sur la version selon laquelle le préparateur physique, dont l’identité n’a pas été révélé, était à l’origine de la contagion, du fait qu’il était le premier positif. Médicalement, il est impossible de savoir comment ce fichu virus s’est emparé du CNR. Mais la situation a irrité les acteurs principaux, victimes directes ou indirectes, d’autant que de nombreuses interrogations demeuraient en suspens et que les reproches se multipliaient. Tout le monde était-il resté cloîtré avant le déplacement en Irlande ? Sur ce point, les rumeurs allaient bon train…

Pourquoi les Bleus n’ont-ils pas été déclarés "cas contact" dès le samedi 13 février, veille du match à Dublin, alors que des cas positifs étaient avérés parmi les septistes, partenaires d’entraînement des quinzistes ? Était-il raisonnable, dans cette situation, de laisser les joueurs organiser une soirée conviviale à leur hôtel pour fêter la victoire le lendemain soir ? Ou de les laisser boire une bière le mardi soir suivant dans les chambres de Marcoussis, avant de se quitter ? à ce propos, fallait-il franchement les renvoyer chez eux quatre jours alors que l’étau se resserrait ? Dans quelles conditions sanitaires ce retour s’est-il effectué ? Comment vérifier qu’ils ont tous respecté un isolement rigoureux alors qu’au moins l’un d’eux s’affichait dehors sur les réseaux sociaux ? Autant de questions qui agitaient le rugby français dans son ensemble, et même au-delà de nos frontières, la presse écossaise évoquant "farce française".

Savait-elle, à ce moment-là, que les autorités écossaises avaient prévenu que, si deux cas positifs supplémentaires apparaissaient chez les Bleus, elles interdiraient le déplacement ? Allez savoir… En France, il demeurait un flou : mais qui a donc remplacé Pesenti, rien n’ayant été annoncé ? C’est presque par hasard qu’on l’a appris en se pointant à l’entraînement ouvert du Stade toulousain mardi après-midi et en constatant l’absence de Selevasio Tolofua. Investigation de courte durée : il avait pris l’avion pour Marcoussis dès mardi matin.

La bombe Galthié

À vrai dire, cela faisait une bonne semaine que les premiers soupçons étaient remontés jusqu’aux rédactions, en tout cas la nôtre, selon lesquels Fabien Galthié aurait percé la bulle sanitaire de Marcoussis durant la semaine de préparation de l’Irlande. Et, depuis lundi, il était assez simple de déceler les allusions à ce sujet ici et là dans la presse. Mais, ce qui n’était qu’une allégation est devenu une information quand nos confrères de L’Equipe ont officiellement dévoilé la bombe dans leur édition de mercredi. Même si rien n’indique évidemment qu’il est en réalité le "patient 0", vous comprendrez combien le séisme fut immense dans ce microcosme où le sélectionneur diffuse pourtant depuis sa prise de fonction un message de rigueur et de sérieux, pour ce qui est du projet de jeu ou celui de vie.

Selon plusieurs témoins, il serait notamment allé voir jouer son fils avec les Espoirs de Colomiers au Stade français le 7 février. C’était peut-être bienveillant mais tellement maladroit. Apprendre qu’il aurait, à plusieurs reprises et dans un contexte sanitaire si particulier, fait des entorses au règlement édicté ne fut pas sans conséquence… Surtout qu’il ne s’en serait pas vraiment caché devant ses joueurs. Eux ne sont certainement pas blancs comme neige et les responsabilités sont multiples, mais l’exemplarité est une valeur qui doit d’abord s’appliquer à ceux qui la revendiquent.

Le groupe de Galthié le sait, ses adjoints aussi. Autant que son président qui l’aurait sérieusement recadré mercredi soir. Voilà donc qui a de quoi déranger, d’abord en interne et tout autant du côté des clubs avec qui les relations pourraient en souffrir, même si le technicien s’est défendu, toujours dans L’Equipe, d’avoir manqué à ses obligations (voir page 3). Oui, la France gagne et l’ancien demi de mêlée a imposé sa patte. Mais un observateur avisé du CNR grinçait mercredi matin : "Il se serait passé quoi si c’était arrivé sous Brunel ou Novès ?" Mercredi après-midi, et bien qu’il ait été aperçu la veille aux bords des terrains (loin des joueurs) lors des séances qui s’effectuaient encore par petits groupes, Galthié était toujours fiévreux et donc enfermé dans sa chambre pendant que ses hommes retrouvaient enfin l’entraînement collectif.

Laporte prend la parole

Au milieu de tout ce ramdam, beaucoup avaient presque oublié que, ce fameux mercredi matin et pour le deuxième jour d’affilée, les Bleus étaient vierges de tout test positif. Alleluia ! L’occasion de se rappeler également qu’il restait un match à jouer dimanche et qu’il avait de plus en plus de chances d’avoir lieu. Ce que confirmait officiellement le Comité des 6 Nations quelques heures plus tard. Ouf. Allez, place au sport… Et non, pas encore. Juste le temps de digérer un dernier soubresaut. C’est du moins ce que l’on croyait à cet instant…

Mercredi soir, nous vous révélions sur Rugbyrama. fr que Roxana Maracineanu avait demandé par courrier à Bernard Laporte de diligenter une enquête interne relative à la mise en œuvre et au respect du protocole sanitaire, à remettre sous huit jours (voir page 3). Jeudi matin, invité de France Info, le président de la FFR revenait sur les événements d’une semaine surréaliste sans avoir conscience qu’elle le serait bien plus encore après son passage médiatique : "Je ne sais pas si quelqu’un a fauté ou pas. Je ne crois pas et je ne l’espère pas. Mais si un personne veut connaître la vérité, c’est bien moi."

Place au rugby… et non, au report !

Ce jeudi, quelques heures avant de boucler ces lignes et refroidis par les innombrables rebondissements des précédentes journées, la première inquiétude fut de ne pas se réveiller avec le traditionnel mail de la FFR indiquant qu’aucun nouveau cas positif n’avait été constaté chez les Bleus. De quoi alimenter la méfiance à la rédaction… Paranos ? Juste journalistes, ça va de pair paraît-il. Mais, tout en craignant le pire, il fallait bien continuer à creuser, là où le rugby reprenait ses droits. Définitivement, l’espérait-on. Alldritt capitaine, Paiva titulaire, Woki préféré à Jelonch, Danty au centre…

Autant d’informations qui remplissaient initialement ces pages et plongeaient une bonne fois pour toutes dans le duel face au XV du Chardon. Du jeu, du jeu, du jeu… Et bien, non, ce n’était vraiment et décidément pas le thème de cette semaine. à 9 h 34, la sentence est tombée. Aussi lourde que finalement prévisible : "Consécutivement aux tests RT-PCR effectués ce mercredi 24 février au soir et l’apparition d’un cas positif au sein de l’effectif des joueurs, le Comité Médical de la FFR s’est réuni ce matin et a décidé la suspension des entraînements ce jour. L’ensemble du groupe est à l’isolement conformément au protocole sanitaire. La FFR est en lien étroit avec le Comité des Six Nations."

L’homme en question est Uini Atonio qui allait, bien malgré lui, plaçait l’ultime coup de massue. Il fallait escompter que les prochaines bulles à éclater seraient celles du champagne dimanche soir pour les Bleus. Il n’en rien. Le Comité des 6 Nations a fini d’acter le fiasco jeudi midi.

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