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Les Bleus gaufrés sur le gong à Twickenham

  • Maro Itoje (Angleterre), face à la France.
    Maro Itoje (Angleterre), face à la France. Focus Images / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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L'Angleterre, métamorphosée à Twickenham, a remporté ce Crunch sublime au forceps et via l'entremise d'un ultime fait de jeu. Mais comme ces Bleus, solidaires et par moment inspirés, méritent d'être aimés...

Ce n'est, en rien, un odieux élan de chauvinisme : aucune image, aucune prise de vue et pas la moindre perspective ne peut aujourd'hui assurer que le ballon fut bel et bien aplati par Maro Itoje, à la 77ème minute de ce Crunch. On veut pour preuve de notre entière objectivité cette pensée de Brian O'Driscoll, qui n'a de Français qu'un certain sens de l'attaque : « Itoje est toujours en train d'essayer de toucher la ligne avec la balle, au moment où l'arbitre siffle ».

De la même façon, on voit mal Stephen Ferris, citoyen britannique d'Irlande du Nord et ancien fanker du Trèfle, faire preuve d'un quelconque accès de mauvaise foi à propos d'un match où il n'a rien à gagner : « Il n'y a pas essai. Ce que l'on croit voir toucher la ligne n'est que le maillot de Maro Itoje ». Dès lors, s'il n'y a aucune forme d'absolue certitude, pourquoi Joy Neville, l'Irlandaise en charge de l'arbitrage vidéo de cette rencontre, a-t-elle subitement déjugé Andrew Brace, lequel avait préféré s'abstenir et ordonner une « mêlée blanche » ? A moins que les caméras d'ITV aient fourni à la jeune femme un cliché furtif que nous n'avons pas eu en mains, on ne voit pas, non.

On ne voit pas pourquoi l'outil vidéo, lorsqu'il laisse place au doute, prime sur le raisonnement humain, Monsieur Brace ayant visiblement considéré que les bras de Cameron Woki faisaient rempart entre la balle et la ligne, entre un essai et une mêlée à cinq mètres, entre une victoire et une défaite, en somme. Alors, il ne s'agit pas de ressasser ce fait de jeu comme on a rejoué, vingt ans durant, le « ventriglisse » d'Abdel Benazzi dans l'en-but des Springboks, à Durban. Il s'agit simplement de dire que cette équipe de France, bien que dominée dans la possession ou la territorialité, doit aujourd'hui sa défaite à un fait du prince, un caprice du destin sans conséquence mortelle certes, mais bel et bien capable de foutre notre nuit en l'air...

 

Remember, Ben Te'o en 2017...

A l'instant de regretter qu'une vulgaire décision vidéo ait ruiné tout espoir de Grand Chelem, on peut aussi déplorer que Fabien Galthié, coach expérimenté mais jeune sélectionneur, ait commis samedi sa première bourde depuis sa prise de fonctions, à l'hiver 2020. A Twickenham, le patron des Bleus a ainsi perdu la partie d'échecs qu'il disputait, d'une tribune à l'autre, avec le barbon d'en-face, Eddie Jones. A ce sujet, plusieurs questions demeurent, des interrogations auxquelles Fabien Galthié répondra, cette semaine, avec moins de morgue qu'il ne le fit au jour où il mêla une somme d'éléments de langage pour conclure, dans une cacophonie certaine, le triste épisode du cluster de Marcatraz. Pourquoi, à Londres, a-t-il décidé de faire sortir, aussi tôt dans le match, ses trois meilleurs avants ? Pourquoi Dylan Cretin, Romain Taofifenua et Julien Marchand n'ont-ils pas eu l'occasion de marquer un peu plus le pack anglais ? Et à contrario, pourquoi Charles Ollivon, sur les rotules en fin de rencontre, est-il resté jusqu'au bout ? On s'interroge, comme on se demande aussi pourquoi Baptiste Serin a-t-il ciré le banc jusqu'au bout, quand Antoine Dupont, soudainement rattrapé par sa mortalité, semblait marquer le pas...

Qu'on le veuille ou non, Eddie Jones a donc fait basculer cette rencontre comme il l'avait fait quatre ans plus tôt en faisant entrer en fin de match Ben Te'o, alors bourreau des Bleus de Novès à Twickenham. Cette fois-ci, les « impact players » décisifs eurent pour noms, sur la ligne de front, Ellis Genge et Bern Earl ou, au fond du terrain, Elliott Daly et Ollie Lawrence. Et une fois encore, le sélectionneur le mieux payé du monde a prouvé, malgré le flot de fientes que déverse sur lui Mike Brown dans sa chronique hebdomadaire au Daily Mail (à ce sujet, on s'étonne encore qu'un tel crédit soit accordé aux critiques émises par un joueur que Jones avait, l'an passé, logiquement écarté de la sélection...), qu'il restait l'un des plus fins stratèges du circuit international. De fait, le XV de la Rose a réalisé samedi une belle et grande performance, dominé les Bleus en conquête directe, prenant plus de risques qu'à l'habitude balle en mains et redevenant, in fine, la grosse bête qui avait tant impressionné au Japon. « C'est le meilleur match de l'Angleterre depuis la demi-finale de Coupe du monde face aux All Blacks, écrivait Sir McGeechan dans le Daily Telegraph, dimanche matin. Et ça donne une idée du niveau auquel se sont élevés les Français ».

 

Laurent Labit, le père du chef d'oeuvre 

De ce Crunch intense, acharné et globalement sublime, on retient donc avec le Supremo des Lions britanniques que l'élan accompagnant cette équipe de France depuis un peu plus d'un an n'a pas été brisé par l'affaire de la « bulle qui n'en était pas une ». Déterminés, solidaires (157 plaquages ont été réalisés par les Bleus à Twickenham) et globalement supérieurs aux Anglais dans la dimension physique, les coéquipiers de Charles Ollivon ont aussi aplati deux essais magnifiques, le dernier d'entre-eux étant le fruit du cortex cérébral de Laurent Labit, l'homme en charge des lancements de jeu en sélection : après un lancer en fond de touche et un appel dans le dos des premiers leurres, Matthieu Jalibert saccageait donc le rideau anglais et retrouvait, isolé sur l'aile droite, Damian Penaud d'une longue passe acrobatique : à Twickenham, le Clermontois aplatissait probablement le plus bel essai de la compétition, arrachant aux 8,2 millions de téléspectateurs un rugissement de bonheur primal...

Alors, depuis samedi soir, il n'est certes plus question de grand chelem derrière les hautes murailles de Marcoussis. Mais à l'heure où les quatre-vingt millions d'euros de CVC s'apprêtent à renflouer la trésorerie fédérale et indirectement sauver quelques centaines de clubs de la banqueroute, le souffle d'espoir poussant le rugby français depuis quelques mois n'a pour l'instant pas l'air de faiblir. Au bout du bout, on se dit qu'avec un coaching judicieux face à Galles et quelques lancements bien sentis contre l'Ecosse, une victoire dans le Tournoi semble moins aléatoire que la récente traque au patient zéro ayant accaparé notre bien-aimé toubib. A vos marques...

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