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« De battre mon cœur s'est arrêté » : le récit d'une folle soirée bleue

  • La joie d'Ollivon, Ntamack, Vakatawa et Dulin après la victoire arrachée en toute fin de match contre le Pays de Galles
    La joie d'Ollivon, Ntamack, Vakatawa et Dulin après la victoire arrachée en toute fin de match contre le Pays de Galles Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Au gré d'un match exceptionnel, le XV de France a offert au Tournoi des 6 Nations 2021 une finale alléchante, autant qu'inespérée : celle-ci se disputera vendredi soir, face à l'Ecosse...

Il va falloir aux Gallois quelques jours avant d'accepter ce grand chambardement. Il va nous en falloir un peu plus, pour nous remettre de cette dinguerie, cette déflagration émotionnelle que seul le sport peut par nature générer. Quel match, nom d'un Jones. Et comme cette ultime action, mille sabords, s'installe d'autorité parmi nos plus beaux souvenirs de Tournoi, un peu moins haut que l'essai du siècle aplati par le Goret à Twickenham (1991), mais au-dessus de tous ceux qui suivirent, nous rappelant pourquoi nous sommes tous tombés, il y a dix, vingt, trente ou cinquante ans, amoureux de cette compétition irréelle, fardée d'un charme désuet, reliant sans le dire l'enfance au crépuscule, logeant sous un même faîte vieux cons et jeunes imbéciles...

Tout est tellement beau, dans cette dernière scène : la percussion initiale de Camille Chat, l'appel en leurre de Uini Atonio, la drôle de passe flottante d'Arthur Vincent, le coup de rein de Brice Dulin mais, surtout, la course droite de Gaël Fickou qui permit, juste avant que l'inoubliable « Bruno » du long métrage d'Hafsia Herzi n'aplatisse, de cadrer toute la défense du pays de Galles. Car il y a tous les grands préceptes de l'école de rugby, dans l'attitude de Fickou ; tous les « redresse et donne ! » qui résonnent, ici et là, depuis que ce jeu s'enseigne. Et en observant de plus près la posture du trois-quarts centre des Bleus, merveilleux sur les dix dernières minutes de cette rencontre, on peut regretter, avec Gonzalo Quesada et quelques autres, que le'enfant de la Seyne ne joue que si rarement à ce niveau, dès lors qu'il enfile la tunique rose du Stade français...

Les « dieux du rugby » n'y sont pour rien 

Convenez avec nous que ce sport est absurde, tant il s'acharne à piétiner ce qui semblait acquis, figé, foutu. Comment ces Tricolores, dominés dans le défi physique pendant soixante-dix minutes, dispersés façon puzzle par les bougres d'en-face, ont-ils pu renverser ce dragon à quinze coeurs qui semblait les avoir soumis ? Comment les Bleus, moins agressifs qu'à l'accoutumée dans leurs montées défensives et globalement émoussés, ont-ils réussi ce putsch invraisemblable ? En conférence de presse, Gaêl Fickou remerciait « les dieux du rugby », à nouveau charitables avec le XV de France, quelques jours après l'avoir abandonné à Twickenham. Mais la réponse, elle, se trouve plus sûrement dans les mots de Charles Ollivon, 21 plaquages, un essai et une performance en tout point saisissante : « Cette victoire n'est pas une pièce jetée en l'air. On ne nous a rien donnés, samedi soir. Pour décrocher deux essais en cinq minutes, on s'est battu ».

De son côté, Fabien Galthié, à son aide dans une « piscine de bonheur », préférait user d'une autre métaphore, au moment de saluer l'invraisemblable : « Habituellement, les Gallois combattent sur douze rounds. Là, ils nous ont laissés le dernier ». Sévèrement burnés, dotés d'une force mentale qui leur permet de renverser des montagnes, ces Bleus « ne se regardent plus les pompes quand les matchs se durcissent », nous disait récemment Imanol Harinordoquy. Mieux, ils retiennent leurs leçons et, si l'on avait reproché à l'insondable Galthié de trop souvent laisser, par un étrange excès de coquetterie, ses « finisseurs » au frigo dans le money time, le sélectionneur national a cette fois-ci dégainé la grosse Bertha lorsqu'il le fallait, envoyant Jean-Baptiste Gros, Camille Chat, Uini Atonio, Anthony Jelonch et Arthur Vincent rééquilibrer quelque peu les débats. Sans l'apport d'un banc de touche qui avait jusque-là fait défaut dans la compétition, sans le punch de Vincent et la grinta de Gros, les coéquipiers d'Alun-Wyn Jones seraient chelemards -et encore bourrés- à l'heure où nous imprimons ces lignes. C'est qu'il faut être au moins vingt-trois, sacrebleu, pour survivre aux quarante minutes de temps effectif que compta, samedi soir, l'orgie de jeu de Saint-Denis, ses quatre essais marqués lors des dix-huit premières minutes, ses 7 millions de téléspectateurs rassemblés autour d'un « money time » haletant, inédit et faisant penser, à l'heure où ce France-Galles devançait « The Voice » à l'audimat, que l'humanité n'était pas encore totalement perdue...

Le dernier round est lancé 

Et maintenant, alors ? Les junkies de l'arithmétique ont tous sévi au moment même où le reste du monde hurlait avec Brice Dulin, nous apprenant par leur calcul qu'il faudrait aux Bleus gagner de plus de vingt points et marquer quatre essais à l'Ecosse, dans la mesure où les coéquipiers d'Ollivon espèraient encore remporter le Tournoi. C'est dur, hein ? Et plus encore, tant les corps tricolores semblent aujourd'hui meurtris, fourbus, brisés par ces trois dernières rencontres (Irlande, Angleterre et pays de Galles) acharnées, pour dire le moins. « On récupère plus facilement dans la victoire », nous disait un jour Laurent Labit, le patron de l'attaque tricolore. « Plus facilement » ou pas, l'Ecosse se pointera à Saint-Denis avec ses meilleurs joueurs, Exeter et le Racing ayant accepté de libérer Stuart Hogg, Johnny Gray et Finn Russell de leurs engagements domestiques. Surtout, William Servat et Karim Ghezal, les entraîneurs des avants bleus, devront trouver d'urgence un pendant valable à Bernard Le Roux : le grand « Tao », revenu d'entre les morts ces dernières semaines mais blessé au genou face aux Gallois, sera indisponible vendredi soir quand Paul Willemse, expulsé au Stade de France, aura besoin d'un bon avocat pour être blanchi par la commission de discipline, cette semaine.

Au sujet du bon Paulo, enfin, on ne partage en rien la naïve indignation de Jeremy Guscott, l'ancien trois-quarts centre de la Rose ayant regretté au lendemain de ce match « sublime » que Fabien Galhié ait « terni le tableau par ses déclarations ». Hé quoi ? « Galette » est dans son rôle, lorsqu'il suggère au tribunal des 6 Nations que les Gallois, nom d'un bouc, ont une foutue tendance à surjouer, dès lors qu'un carton rouge est en jeu ! Bonne mère, on vous rappelle aussi que le dernier round du Tournoi -et tout le folklore qui l'accompagne- a commencé au moment même où Luke Pearce a clôt le France-Galles ! Et à l'heure où affleure la raison d'état, que Willemse ait failli ou pas arracher un plancher orbital est, quoi qu'en disent Gregor Townsend ou Wayne Pivak, un débat des plus vulgaires...

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Les commentaires (1)
Charlemagne Il y a 3 années Le 21/03/2021 à 23:29

bravo