Lebel, le passeport européen

À la 68e minute, Matthis Lebel a réalisé l’action du match. L’inspiration qui a fait basculer cette rencontre dans une autre dimension… Servi en bout de ligne, l’ailier a réussi un cadrage-débordement exceptionnel pour éliminer JJ Hanrahan, cloué et assis sur le coup, avant d’accélérer puis servir Antoine Dupont pour le troisième essai toulousain. «Je pense que mon adversaire avait anticipé car, plusieurs fois dans le match, j’étais revenu à l’intérieur dans la même position, raconte l’intéressé. Cette fois, j’ai essayé de passer à l’extérieur et ça a marché. Tant mieux pour nous, surtout que cet essai est un peu le tournant de la rencontre.» Un geste technique qui restera dans la légende européenne. Et dans la sienne, lui qui s’est aussi offert un essai, celui de la relance en tout début de deuxième période. Alors, lequel de ces deux moments lui a procuré le plus de sensations ? «Je ne sais pas… J’ai pris du plaisir sur les deux, dès lors que je peux rendre service à l’équipe. Disons donc que je retiendrai les deux (sourire).»

Ceci dans une jeune carrière qui s’est encore accélérée samedi. Peut-être même déjà un sommet… «Il y avait peut-être la demi-finale à Exeter, note Lebel. C’était aussi un gros match mais on l’avait perdu, donc on retient surtout la défaite… Notre génération a écrit une petite page de l’histoire. Ça nous tenait à cœur et je suis très honoré d’avoir fait partie du voyage.» Quoi qu’il en soit, la prestation majuscule de Thomond Park signe clairement un nouveau cap dans la progression évidente, et même express, du Gersois ces derniers mois. Double champion du monde moins 20 ans, Matthis Lebel est depuis longtemps l’une des plus grandes promesses du Stade toulousain. Mais cette saison, il est devenu plus qu’un titulaire en puissance de cette équipe. Il en est aussi une arme fatale.

Ntamack : « Moi, il ne me surprend pas »

Actuel meilleur marqueur du Top 14 avec douze essais en dix-sept matchs, appelé dans le groupe du XV de France lors de la dernière Coupe d’automne des Nations, Lebel avait désormais besoin de marquer de son empreinte la scène européenne pour matérialiser son évolution. Il l’a fait, de manière éclatante, samedi. «Ce qui me porte aujourd’hui, c’est d’être performant avec le club, d’enchaîner les bonnes prestations, rétorque Lebel. Forcément, quand c’est le cas, on se sent de plus en plus à l’aise. Après, pourquoi ne pas ensuite marquer les esprits sur des grands rendez-vous ? Mais je répète que mon but principal reste le projet collectif.»

Reste que les regards ont encore changé sur lui. Son pote Romain Ntamack s’en réjouit : «Moi, je ne suis pas étonné puisque je joue avec lui depuis l’âge de onze ou douze ans, depuis les minimes. Il en surprend plus d’un mais c’est loin d’être mon cas. Chaque week-end, il prouve qu’il est un très bon joueur et qu’il va devenir un très grand joueur. Il est dans la lignée des grands ailiers du Stade toulousain. Il marque un essai, il fait marquer Antoine (Dupont). C’est la suite logique de sa saison et je suis très content pour lui.» Lui qui avoue un petit regret sur la confrontation qui s’annonce en quart de finale : «J’aurais aimé affronter un adversaire étranger. Les Wasps, cela aurait été un duel franco-anglais… Mais bon, Clermont-Toulouse est une affiche que tout le monde attend chaque année.» Mais, maintenant qu’il a validé son passeport européen, l’essentiel est ailleurs : «On veut prendre tout ce qu’on peut, et chaque moment est important.» Lebel sait s’appliquer l’adage.