Et soudain, Raymond a déroulé

À vrai dire, on s’attendait plutôt à voir Arthur Retière, numéro 11 dans le dos, face à Sale. Mais, bien qu’en grande forme depuis son retour sur les terrains à la mi-février, l’ailier de poche du Stade Rochelais, en accord avec son staff, a préféré passer son tour. Pas à 100 %, tout simplement. Raymond Rhule, lui, l’était. Et bien plus que ça, même. Coaching payant. Samedi, le Sud-Africain a surnagé dans un couloir qu’il délaisse de temps en temps, cette saison, pour montrer son aisance au poste de second centre. Le 13, cette fois, c’est Geoffrey Doumayrou qui l’a sublimé. Et sur l’aile, c’était Rhule ma poule. Certes, son bulletin de notes a mis un peu de temps à décoller. La faute à une première période conclue sur un plaquage manqué - lourd de conséquences sur le coup - sur McGuigan, juste avant le premier essai anglais (40e+2). Ah, penseront certains, ces fameuses largesses défensives qui lui ont refermé les portes des Springboks, en 2018… Mais ce serait trop vite oublier son geste décisif un peu plus tôt (32e) pour annihiler un « deux contre un » d’école des Sharks, dans les 22 mètres jaune et noir. « Pour moi, c’était un peu dur car c’est une équipe qui joue beaucoup au pied, dira l’intéressé après coup. Ce n’est pas parfait. J’ai manqué un plaquage. Après, je devais prendre l’initiative. » Pour le coup, il l’a prise. Et pas qu’un peu. Le trois-quarts de 28 ans a mis tout le monde d’accord après la pause. En deux actes principaux.
 

Un doublé parmi les étincelles

42e minute. Touche pour La Rochelle sur les 40 mètres adverses. Servi intérieur par West au centre du terrain, l’athlétique ghanéen d’origine perce plein champ et prend sa revanche sur McGuigan en l’enrhumant d’une feinte de l’espace. Splendide essai en première main. Un frisson parcourt la tribune de presse. Et ce n’est que le premier. 52e minute. Diagonale au pied de Dulin. Hammersley tergiverse dans ses 22 mètres. Rhule surgit et part en dribbling. Geste technique de grande classe. « Oh, l’extérieur du pied face Mbappé », hurle alors, en direct, un confrère radiophonique. Le doublé est au bout. En l’espace de dix minutes, Raymond vient de rouler sur Sale. Sa seconde période, à elle seule, est un modèle du genre. Avec, en sus, une offrande sur le cinquième essai des siens (62e) ou encore ce ballon récupéré devant sa ligne en toute fin de partie. « Boosté » de son propre aveu par la présence des supporters à la descente du bus, à 1 h 30 du coup d’envoi, l’ailier rochelais ressort de ce quart de finale avec des statistiques à faire lever les foules : 67 mètres gagnés, 8 plaquages, 7 ballons joués à la main, 5 défenseurs battus, 2 essais, 1 passe décisive, aucune pénalité concédée. Homme du match.
 

Bagarreur et puncheur

« Raymond, il est très bon, sourit son manager Jono Gibbes. C’est un joueur en pleine confiance, dangereux avec le ballon. Il travaille aussi beaucoup sans ballon, se met dans les bonnes positions pour profiter du travail des autres. Il est comme sur une grande scène quand il joue comme ça, sans hésitation. » Romain Sazy abonde : « Il a des qualités énormes. C’est un bagarreur. Quand ça démarre et ça transperce, c’est un puncheur. » Recrue de la dernière intersaison, titulaire sur 16 de ses 17 sorties avec La Rochelle, Raymond Rhule a pris une tout autre dimension depuis son départ de Grenoble. « J’ai toujours su que ce serait difficile de rester là-bas après la descente en Pro D2, consent-il. Je n’ai rien contre cette compétition mais pense qu’il m’en restait beaucoup sous le pied, je sentais que je pouvais faire mieux. Maintenant, tout va pour le mieux ! » C’est le moins que l’on puisse dire.