Opinion : mes chers gueulards

  • L'entraîneur de Bordeaux-Bègles Christophe Urios contestant une décision face à Newport.
    L'entraîneur de Bordeaux-Bègles Christophe Urios contestant une décision face à Newport. Hugo Pfeiffer / Icon Sport - Hugo Pfeiffer / Icon Sport
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L'aube de ces temps sinistres ayant systématisé le huis-clos, les téléspectateurs semblent découvrir qu'un banc de touche respire, bouge et gueule, suivant les émotions que lui procure le match dont il est témoin.

A ce sujet, j'entends vos cris d'orfraie: « Quelle honte ! Quel irrespect ! Quel sale exemple donné aux écoles de rugby ! » Je les entends mais ne les comprends pas. Vous croyez le phénomène nouveau, vraiment ? J'ai souvenir, à mes débuts au Midol en 2005, qu'un drôle de pacte avait été passé entre Patrice Lagisquet, alors entraîneur en chef du Biarritz olympique, et les journalistes qui squattaient à ses côtés la tribune de presse d'Aguilera: ce que disait “Lagisque” en ces lieux devait rester en ces lieux, échapper à toute publication, tant l'ancien ailier du XV de France, emporté par sa fougue, pouvait parfois être politiquement incorrect vis à vis du corps arbitral, de l'adversaire ou de ses propres joueurs, lorsque le vent tournait mal. On se souvient aussi qu'un jour où l'on assistait à un Biarritz – Toulon sous cette même tribune Kampf, Bernard Laporte, assis non loin de « Lagisque », nous fit mourir de rire après s'en être pris tout le match à son propre demi de mêlée Michaël Claassen, pour le moins laborieux cet après-midi là. On en avait ri, oui. Parce que ce n'est qu'un jeu, nom de Dieu. Parce que tout ça n'est que du folklore, de l'habillage et du divertissement.

Que voudrait-on, après avoir réduit à un ronronnement poli la quasi totalité des troufions du rugby pro, soudainement contrits par les diktats de la comm' et les toussotements de la sphère gluante des bien-pensants ? Les souhaiterait-on définitivement atones ? Hé quoi ? Le « monde d'après » doit-il vraiment ressembler à ces stades de Nouvelle-Zélande où le silence mortuaire qu'on qualifie de « respectueux », cette taciturnité qu'on érige en valeur étalon et qui accompagne la plupart des rencontres des All Blacks nous a si souvent foutu le bourdon ? En France, les coachs gueulent, les remplaçants aussi et lorsqu'ils franchissent la ligne jaune, le corps arbitral est là pour les rappeler à l'ordre et les sanctionner, le cas échéant. Car on n' « est » pas au rugby comme on va au crématorium, les rugbymen pros ne sont ni des mormons ni des ectoplasmes et réagissent, répondent, remuent face à ce qui est pour eux davantage qu'un gagne-pain. Ca s'appelle de la passion, mille sabords. Et si elle vous emmerde, vous pouvez toujours couper le son...

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