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Exclusif – Jono Gibbes : « Le caractère de Leo Cullen reste gravé dans ma tête »

Par Romain Asselin
  • Jono Gibbes, aujourd'hui à la tête du Stade rochelais, a découvert le métier d'entraîneur sous les couleurs du Leinster qu'il affrontera, dimanche (16h), en demi-finale de Champions Cup.
    Jono Gibbes, aujourd'hui à la tête du Stade rochelais, a découvert le métier d'entraîneur sous les couleurs du Leinster qu'il affrontera, dimanche (16h), en demi-finale de Champions Cup. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Si le Stade Rochelais s'apprête à disputer, dimanche (16h), la première demi-finale de Champions Cup de son histoire, le club maritime ne part pas dans l'inconnu face au Leinster. Le directeur du rugby Jono Gibbes connaît la province irlandaise par cœur. Et pour cause, il y a débuté sa carrière d'entraîneur, en 2008, avant de rafler notamment trois Champions Cup (2009, 2011, 2012). Le patron du staff rochelais se confie au Midi Olympique.

Que ressentez-vous à l'idée de recroiser le Leinster ?

Comme j'ai dit tout de suite après le tirage au sort, il y a une vraie excitation de les retrouver. C'est un contexte spécial, c'est sûr, pour Ronan et moi. Les premières émotions sont fortes mais, maintenant, on est dans la bulle du travail, concentrés sur nous, avec beaucoup d'exigence sur les choses à mettre en place. C'est un très bon défi pour les joueurs. Pour le staff aussi, de bien préparer les gars face à cette machine qu'est le Leinster. Leur calendrier, leur fonctionnement, leur gestion de l'effectif sont différents des nôtres. Cependant, le système de préparation que l'on utilise depuis plus ou moins 18 mois ne change pas juste parce que c'est le Leinster. Notre routine reste la même mais il faut renforcer nos points forts et minimiser leur jeu. Finalement, ça reste assez basique.

Quels souvenirs gardez-vous de cette expérience outre-manche ?

Un maximum d'émotions. Ma première année, j'ai vraiment eu la chance de travailler avec cette équipe, auprès de Michael Cheika. J'avais fini ma carrière de joueur seulement deux mois avant. J'ai changé totalement de vie. Un changement à 180 degrés. C'était la première fois que j'habitais hors de Nouvelle-Zélande. Je me rappelle d'une expérience tellement forte, tellement puissante, la première année.

"C'est une période super importante dans ma formation d'entraîneur et une expérience très enrichissante pour ma famille."

Vous évoquez la saison 2008-2009…

Notamment le premier match de phases finales contre les Harlequins, le "Bloodgate match" (scandale lié à la simulation d'une blessure par un joueur des Quins, NDLR). On gagne 6-5 à l'issue d'un match intense. C'était très puissant parce que c'était la première fois de ma vie que je remportais un match éliminatoire en coupe d'Europe. Puis la demi-finale contre Munster à Croke Park, devant 83000 personnes, c'était énorme. Et gagner une finale contre Leicester, aussi. L'année suivante, on perd contre le Stade Toulousain en demie. Ça m'a beaucoup marqué car j'ai compris la puissance en mêlée de Toulouse. Mais on gagne une finale spéciale contre Northampton l'année d'après, avec une seconde période presque parfaite. Ces moments sont vraiment spéciaux.

Au total, vous décrocherez six titres en six ans (trois Champions Cup, une Challenge Cup et deux Pro 12) avant de rejoindre Clermont

C'est une période super importante dans ma formation d'entraîneur et une expérience très enrichissante pour ma famille. Mes enfants sont nés à Dublin. Ça reste un club à part pour moi, j'y ai noué de bonnes relations, j'ai travaillé avec de très bons techniciens et des joueurs internationaux. J'ai appris beaucoup de choses d'eux. Ce club m'a beaucoup donné. Je signe à Clermont grâce à l'éducation que j'ai eue au Leinster. Il y a des choses que je garde en tête et que j'utilise dans mon fonctionnement aujourd'hui. C'est un très bon indicateur de la qualité de l'environnement.

Vous avez eu sous vos ordres l'actuel manager du Leinster Leo Cullen. C'est d'ailleurs lui qui vous succède, à l'époque, comme entraîneur des avants, en 2014. Vous disiez, au moment de partir, que le Leinster était entre de bonnes mains…

Son histoire avec le club est importante. Il est parti deux saisons à Leicester (2005-2007) et, quand il est revenu, il nous a apporté beaucoup de professionnalisme et un nouvel état d'esprit de travail. Ça a changé le caractère de l'équipe, à l'époque. Il était capitaine pour les trois titres européens, c'est une légende du club. J'ai apprécié l'homme. Un homme hyper important pour le vestiaire, le fonctionnement de l'équipe et le travail fait avec la direction du club. C'est un super mec. Son caractère reste gravé dans ma tête.

A ce point ?

Sa capacité à rester calme était impressionnante. Il était impassible, peu importe ce qui se passait sur le terrain, peu importe le stress et le contexte. Il restait toujours lucide et il transmettait ça aux autres. Si Leo était calme, c'était qu'il y avait toujours une solution (sourire), que le problème n'était pas trop grave. Il est pareil comme manager.

"J'ai une bonne relation avec Leo. Parfois, on passe quatre ou cinq mois sans s'appeler. Mais quand on se reparle, c'est comme si c'était hier"

Êtes-vous restés en contact ?

Bien sûr. Pour partager et discuter de nos fonctionnements. Parfois, on échange sur des détails. Quel hôtel utiliser pour un déplacement à Montpellier, par exemple ? Est-ce qu'il y a un terrain à côté pour s'entraîner ? J'ai une bonne relation avec Leo. Parfois, on passe quatre ou cinq mois sans s'appeler. Mais quand on se reparle, c'est comme si c'était hier.

Et depuis le tirage au sort ?

J'ai parlé avec lui le lendemain. Si on était contents de se recroiser ? Moi, oui. Lui, euh…(rires). Il connaît Toulouse, le Racing, Exeter, les Saracens mais moins La Rochelle. Il y a plus de travail à faire de leur côté.

Leo Cullen se disait impressionné par votre victoire en quarts face à Sale (45-21). Il vous l'a dit aussi, de vive voix ?

Non, non (rires). Il n'est pas comme ça. On a juste parlé du contexte autour du match. On se connaît. Dans nos têtes, ça a vraiment vite basculé : "Quelle est la clé pour être performant contre eux ?"

Et vous, qu'avez-vous pensé de la prestation du Leinster, en quarts, sur la pelouse du champion en titre, Exeter (22-34) ?

Comme souvent, le Leinster n'a pas lâché. Pression, pression, pression pendant 80 minutes… La demi-finale 2018 contre Toulouse, c'était pareil. Ça me renforce dans l'idée que, dimanche, ce sera un match de 23 joueurs. Peut-être que les hommes clés débuteront sur le banc. Peut-être que notre banc sera le plus important de toute la semaine. On fera des changements en sachant que la pression continuera. C'est un vrai défi qui nous est proposé dans la sélection et l'état d'esprit des 23 joueurs.

En tant qu'ancien flanker, l'épicé duel en perspective en troisième ligne doit vous faire saliver…

Côté Leinster, c'est difficile de dire qui sera aligné. Il y a énormément de combinaisons possibles. Si on se ressemble, sur ce point ? Oui, on a aussi la capacité à mélanger les profils, ici, à La Rochelle. Est-ce qu'ils chercheront à renforcer leur conquête ? On verra ce qu'ils nous proposent. Van der Flier, c'est une machine. Ruddock, j'adore ce joueur, il est honnête et il donne le maximum, il utilise 100% de son talent avec une bonne attitude. J'ai adoré travailler avec lui.

C'est la deuxième fois que vous croisez le Leinster, en Champions Cup. Vous aviez trouvé la clé avec Clermont, en 2017 (27-22). C'était également en demi-finale…

(Il marque une pause) Quatre ans…Que ça va vite ! J'ai deux souvenirs de ce match. Pendant la semaine d'entraînement, on a créé des certitudes autour de notre jeu. Il y avait de la confiance dans le plan de jeu et le travail mis en place.

Et le deuxième souvenir ?

Comme j'ai déjà dit, c'était un match de 80 minutes. Petit à petit, ils sont revenus dans la partie. Il a fallu deux drops de Camille Lopez, après un essai refusé à la vidéo de leur côté, pour s'en sortir. Pression, pression, pression… Notre groupe est resté solide. On savait qu'on allait passer un vrai test contre eux, donc on était satisfaits de la victoire.

Vous appuyez-vous, cette semaine, sur cette expérience ?

Non. L'équipe est totalement différente, ici. Ni le même fonctionnement, ni le même ADN de travail. On va attaquer ce match de manière totalement différente. C'est important de respecter l'histoire du Leinster en Europe mais, nous, on est en train d'écrire notre propre histoire, chaque semaine. On prend confiance dans ce qu'on fait cette saison, c'est pourquoi on est plus constants dans nos performances. Il faut renforcer les points forts. C'est important de se concentrer sur nous et de n'avoir aucun regret après le match.

"Pourquoi pas nous ? Pourquoi La Rochelle n'irait pas en finale ? Il n'y a pas de règle juste parce que le Leinster et Toulouse ont gagné quatre titres. C'est cette mentalité qu'il est important de renforcer."

Vos joueurs semblent habités par cette conviction de pouvoir aller au bout. Reda Wardi nous confiait que le groupe souhaitait "se dévoiler au monde du rugby"…

(Il éclate de rire) Les ambitions, avec un bon plan et un bon process, c'est se donner une chance. Il y a l'ambition personnelle de chaque joueur. Et le staff met en place, chaque semaine, un modèle de préparation qui ajoute de l'ambition. Avec ça, on trouve de la confiance, une détermination pour faire le maximum, d'être performants. On ne parle pas forcément trop de "gagner" mais de toujours faire le maximum.

Ronan O'Gara parle de gagner. Il martèle ce terme…

Quand Ronan parle de gagner maintenant, moi, personnellement, je parle de performance. Je crois en ça. Quand on additionne performance et talent, on l'a vu, c'est difficile de nous battre. Il faut être performant. Pourquoi pas nous ? Pourquoi La Rochelle n'irait pas en finale ? Il n'y a pas de règle, juste parce que le Leinster et Toulouse ont gagné quatre titres. C'est cette mentalité qu'il est important de renforcer. On n'a pas fêté le quart à la maison, contre Sale, parce que ça ne nous suffit pas. Une demie face au Leinster, c'est spécial. Mais ce n'est pas non plus la fin.

Vos joueurs ne cessent de louer l'apport de Will Skelton. C'est d'ailleurs le seul joueur de votre effectif qui a déjà soulevé cette Champions Cup. A-t-il un rôle particulier, cette semaine ?

Son expérience est hyper importante pour le groupe car il a gagné un titre. Il partage beaucoup, il discute. Mais il fait ça toute l'année, pas juste cette semaine. C'est une très bonne recrue. Il a tout de suite gagné le respect du groupe avec son attitude, sa volonté de contribuer et de s'intégrer dans le club. Quand tu évoques la mentalité pour gagner quelque chose, tu n'as pas besoin de convaincre un mec comme ça. Il est naturellement, convaincu. Il veut gagner. Il a déjà eu l'expérience d'un titre, il sait pourquoi c'est si spécial.

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