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Urios, un coup de gueule et des règlements de compte

  • Christophe URIOS head coach of Bordeaux (UBB) ahead of the French Top 14 rugby match between Racing 92 and Bordeaux on January 23, 2021 in Nanterre, France. (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport) - Christophe URIOS - Paris La Defense Arena - Paris (France)
    Christophe URIOS head coach of Bordeaux (UBB) ahead of the French Top 14 rugby match between Racing 92 and Bordeaux on January 23, 2021 in Nanterre, France. (Photo by Baptiste Fernandez/Icon Sport) - Christophe URIOS - Paris La Defense Arena - Paris (France) Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Un match stimulant entre l'UBB et Castres, âpre et qui débouche sur un après-match tout aussi passionnant : Christophe Urios a livré à l'assistance un coup de gueule dont il a le secret. Il méritait d’être analysé. Comme souvent, avec Urios, rien n'est gratuit. Et les cibles sont identifiées.

« On me dit qu’à l’UBB, c’est plus difficile d’être laborieux… Justement, il faudra être capable de l’être, sinon, on ne sera jamais champion de France. Ceux qui se disent qu’un match comme ça, ce n’est pas du rugby, je réponds : si, c’est du rugby ! Moi, j’ai entraîné dans l’équipe d’en face. On se régalait à jouer comme ça. Les mecs prenaient du plaisir. Si, nous, on pense qu’il faut juste jouer à la baballe pour être champions... Non! Le rugby, ce n’est pas que ça. Qui a dit que le rugby, c’est des passes de la contre-attaque ? Le rugby, on le joue comme on veut, selon le profil de son équipe, de son histoire, de son territoire. Alors, vous allez me dire que le jeu pragmatique, ce n’est pas notre histoire. D’accord ! Mais si on nous y amène, il faut y aller. Sinon on perd les matchs et dans ce cas, je ne vous fais pas un dessin. Tous les ans, on va terminer septième ou huitième, comme Bordeaux l’a trop souvent fait. Ça me fait du bien de le dire ! La marge de progression, elle est là. C’est quand Jefferson (Poirot) viendra vous dire : oui, je me suis régalé ! De la même façon, aujourd’hui, les Castrais pensaient qu’ils allaient gagner ici, parce que les conditions étaient mauvaises, parce qu’ils allaient nous faire craquer. Sauf qu’on n’a pas craqué. Pourtant, Castres, ils savent te mettre la pression, ils la mettent à l’arbitre, ils ont un jeu au pied chirurgical… Ensuite, est-ce que j’aurais joué différemment s’il avait fait beau ? Oui, probablement. C’est une forme de maturité que de s’adapter aux conditions. Alors, je suis en fusion avec mes joueurs quand il fait beau parce qu’on a du talent, on a des gars qui sont des Formules 1. Mais il faut savoir gagner des matchs comme celui-ci… Des matchs âpres, difficiles, nous n’étions pas capables de les gagner dans le passé. »

Pour ses joueurs, encore trop tendres

Christophe Urios est conscient que son équipe est plutôt bâti pour l’offensive que pour le jeu de pression. Écoutons ce qu’a dit Jefferson Poirot après la rencontre : « Oui, ça devait être horrible à voir. Il fallait résister à la pression castraise, à leur jeu d’occupation. Nous avons fait beaucoup de ping-pong rugby pour gagner la bataille du terrain et à la première erreur on a pris sept points. À la 30e, on a joué une pénalité rapide et derrière on a été puni. En deuxième mi-temps, le maître mot, c’était de tenir l’échange et de limiter les erreurs. Vendredi on m’a demandé si on allait réduire la voilure. Alors, oui, on l’a fait de par les conditions climatiques et on en est satisfait, même si nous n’aimons pas trop faire ça. Mais compte tenu du temps et de la rudesse de l’adversaire, c’était nécessaire et c’est sans doute le signe que nous avons progressé. »

Rémi Lamerat avait également déclaré au micro de Canal +, en souriant : « On s’excuse pour le spectacle, c’était très compliqué de se faire des passes. » Christophe Urios cherche absolument à inculquer à son collectif qu’une équipe qui vise le titre se doit non seulement de changer de style, s’il le faut, mais aussi de prendre du plaisir à une certaine austérité. C’est l’une des missions qu’il s’est donnée: changer la façon dont ses hommes appréhendent le haut niveau. D’où sa phrase : « La marge de progression, elle est là. C’est quand Jefferson viendra vous dire : P.., je me suis régalé ! » Jefferson Poirot avait ajouté une phrase intéressante, expliquant qu’il avait discuté avec son entraîneur de ses trois victoires avec le CO à Bordeaux en 2017, 2018et 2019 et qu’il avait découvert que, sur le moment, Christophe Urios avait trouvé ça normal. Par ce message, le coach a sans doute voulu faire passer l’idée que les Bordelais du passé ne se rendaient pas compte de leurs faiblesses.

Pour le contexte bordelais, idéaliste

Depuis la remontée de 2011, l’UBB a construit une image fondée sur l’offensive. Le jeu avec un grand J, avec tout ce que ça implique. Était-ce voulu, calculé, anticipé ? Était-ce le hasard des choix des entraîneurs de l’époque ?

Une chose est sûre, les Bordelais s’y sont habitués et surtout, ce phénomène a correspondu avec le déménagement à Chaban-Delmas et la conquête d’un nouveau public, énorme, trésor inattendu. Le public serait-il venu avec un jeu moins flamboyant ? Resterait-il avec un jeu plus restrictif ? À vrai dire, personne n’en sait trop rien. Même si, c’est vrai, les critiques ont fusé durant la période Rory Teague, moins obsédé par l’offensive qu’un Vincent Etcheto par exemple.

Les propos de Christophe Urios s’adressaient donc aussi à ce contexte bordelais, les supporters, les partenaires et forcément, au sommet de la pyramide, son président Laurent Marti. Comme pour lui rappeler qu’il avait fait le bon choix, en 2019. Un club qui vise le titre ne peut pas penser qu’au spectacle. C’est forcément le sens des mots : « Alors, vous allez me dire que le jeu pragmatique, ce n’est pas notre histoire. D’accord ! Mais si on nous y amène, il faut y aller. Sinon, on perd les matchs et dans ce cas, je ne vous fais pas un dessin. Tous les ans, on va terminer septième ou huitième, comme Bordeaux l’a trop souvent fait. » Christophe Urios a évidemment la légitimité pour porter ce message. Il était en tête au moment de la coupure du Covid et il est désormais bien placé pour être le premier entraîneur à qualifier l’UBB en phases finales.

Pour son ancien club, revanchard

Christophe Urios n’a pas caché son plaisir d’avoir battu - de peu - son ancien club. Il l’avait quitté sur une mésentente avec Pierre-Yves Revol, sur une non qualification amère en 2019. Il a montré aux Castrais que son style pouvait s’exporter ailleurs, y compris dans un club réputé aux antipodes. « C’était important de les battre, un pour les calmer… Deux pour leur passer devant », a-t-il expliqué. D’où sa fierté quand il prononça les mots suivants : « de la même façon, aujourd’hui, les Castrais pensaient qu’ils allaient gagner ici, parce que les conditions étaient mauvaises, parce qu’ils allaient nous faire craquer. Sauf qu’on n’a pas craqué. Pourtant Castres, ils savent te mettre la pression… »

Pour les éternels donneurs de leçons

On a souvent senti Christophe Urios excédé par les clichés qui lui collent à la peau, par le procès qui lui est souvent fait quant au style de ses équipes. Les propos d’Ugo Mola d’avant la demie européenne avaient rajouté une pièce dans la machine. En fait, sa diatribe renvoie à la philosophie même du sport collectif. On peut le comprendre, car, à notre sens, le rugby ou le football ne se construit pas comme un spectacle, comme un ballet.

Une phrase que nous avions lue, un jour dans un quotidien sportif disait tout : « Le sport ne relève pas de la mise en scène. » C’est à cette aune qu’il faut relire les propos d’Urios. « Ceux qui se disent qu’un match comme ça, ce n’est pas du rugby, je réponds : si, c’est du rugby ! Moi j’ai entraîné dans l’équipe d’en face. Et on se régalait à jouer comme ça. Les mecs prenaient du plaisir. Si, nous, on pense qu’il faut juste jouer à la baballe pour être champions... Non ! le rugby ce n’est pas que ça. Qui a dit que le rugby, c’est des passes et de la contre-attaque ? Le rugby, on le joue comme on veut, selon le profil de son équipe, de son histoire, de son territoire. »

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Les commentaires (2)
johnlo Il y a 2 années Le 17/05/2021 à 13:21

bravo URIOS on est pas au casino de Paris

rugbypass Il y a 2 années Le 17/05/2021 à 15:01

Oui Urios à raison et sans dénigrer le 'jeu de main , jeu de toulousain", il faut aussi savoir soit s'adapter, aux conditions climatiques, aux armes des adversaires et aux qualités des hommes qu'on a dans le groupe. Exemple, la dernière finale de coupe du monde, l'Angleterre qui avait étouffé la N Zélande s'est faite croquer par l'AF Sud. Celle ci a non seulement déjoué les pronostics mais a également jeté un pavé dans la mare des donneurs de leçon.