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Dupont, Ntamack, Cros, Marchand, Baille, Lebel... La génération étoilée

  • Champions Cup - Antoine Dupont et Romain Ntamack (Stade toulousain)
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Publié le Mis à jour
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Déjà championne de France en 2019, la génération dorée du Stade toulousain a conquis l’Europe samedi, en venant à bout de La Rochelle à Twickenham, pour décrocher la cinquième étoile du club, désormais seul recordman des titres. Une troupe irrésistible, qui n’a pas fini d’écrire sa glorieuse histoire... 

Et si l’aventure européenne avait réellement basculé à la mi-temps du huitième de finale au Munster, là où le Stade toulousain ne s’était jamais imposé de sa pourtant si riche histoire ? Les Rouge et Noir étaient alors menés de sept points. Dans les entrailles de Thomond Park, après l’intervention d’Ugo Mola, ce sont Antoine Dupont et Romain Ntamack qui ont pris la parole. Le contenu : « Les gars, si on ne s’affole pas et qu’on met notre jeu en place, ça va passer. On est meilleurs. » À cet instant, ces deux gamins surdoués - symboles de la fameuse génération 2023 – prouvaient combien ils avaient grandi depuis le Brennus de juin 2019 pour s’imposer patrons de cette équipe, du jeu et de son vestiaire.

Jusqu’à insuffler cette assurance sans faille. Deux minutes après leur retour sur la pelouse, les Toulousains plantaient le premier de leurs quatre essais. « Peu de choses résistent à cette génération, que ce soit en club ou en équipe de France », témoignait le vétéran Maxime Médard récemment. Parce que, si elle sait assumer l’immense héritage de ce club, elle veut surtout écrire les propres pages de son roman. Elle l’a fait à Limerick. Elle l’a aussi fait à Clermont, une semaine plus tard en quart, là où Toulouse ne l’avait plus emporté depuis près de vingt ans. À Twickenham, quelques minutes après leur sacre, les Stadistes parlaient de « rêve de gamin », de cette époque où Cyril Baille se voyait encore ouvreur sur la pelouse cabossée de Lannemezan aux côtés du grand frère d’Antoine Dupont, lequel n’en ratait pas une miette derrière la main courante. Samedi, au moment de tomber dans les bras de l’autre au cœur du temple du rugby, ces deux-là étaient champions d’Europe.

Kaino, monument sacré

Depuis deux ans, les Toulousains en avaient fait une ambition suprême. Jusqu’à l’obsession, qu’il ne cherchait même plus à cacher ces derniers mois. Au point, comme l’avouait Jean Bouilhou après la défaite à domicile contre Bayonne, d’avoir du mal à mener les deux compétitions de front. Ils avaient besoin de finir cette Champions Cup. Ils avaient besoin, surtout, de s’installer sur le toit de l’Europe. Destin qu’ils avaient eux-mêmes tracé. « Nous sommes passés tout près ces deux dernières saisons, en perdant à chaque fois en demi-finale, note l’immense Jerome Kaino. Mais on avait un bon pressentiment cette année, et la façon dont les choses se sont passées l’ont renforcé. » Quand un double champion du monde le dit… Ce monument, qui raccrochera les crampons dans un mois et pour qui Twickenham était le théâtre de son ultime bal européen. Cela valait bien une ligne supplémentaire sur une carte de visite déjà XXL. « Quand tu as la chance dans ta vie de rencontrer un mec comme lui, il faut en profiter, souligne Ugo Mola. Nos jeunes joueurs ont eu le privilège de pouvoir gagner avec lui. »

Car, aux côtés de cette légende entrée en mission européenne, tous se sentaient rassurés. Et peut-être imbattables. Franchement, que pouvait-il arriver à cette bande ? Rien ne l’a fait trembler. Pas même l’injustice morale de voir Sofiane Guitoune et Yoann Huget fauchés en plein vol, ou celle juridique d’avoir infligé un casier à Julien Marchand pour le priver de cette finale, lui qui avait déjà raté celle du Top 14 en 2019. Mercredi dernier, Ugo Mola confiait qu’il n’oublierait jamais son regard au moment de le croiser la veille sur le parking d’Ernest-Wallon, quelques minutes après l’annonce de la composition qui matérialisait son absence. Samedi, il ajoutait : « On a eu des bâtons dans les roues. J’ai une pensée pour Julien qui aurait dû être le capitaine de la victoire. » Ce fut Dupont, choix qui marque encore la prise de pouvoir de la nouvelle vague .

Audace et insouciance

Ces Toulousains ont enchaîné les coups durs, jusqu’au forfait de Zack Holmes, mais le ciel ne leur est jamais tombé sur la tête. Pas de quoi, en tout cas, venir fissurer leur enthousiasme, lequel, malgré l’indéniable maturité acquise en club ou en sélection, n’a jamais disparu. En milieu de semaine passée, Ugo Mola racontait : « La manière dont ils abordent les événements, même pour un rendez-vous de cette importance, a un côté déconcertant. J’étais, en tant que joueur, très insouciant. Mais j’ai bien l’impression qu’ils le sont encore plus que moi. Ils ont cette capacité à tout dédramatiser. Mercredi matin, il y en a même trois qui ont pris des seaux d’eau sur la tronche. » Un écho à la tirade de Médard : « Avant les matchs, ils ne sont jamais stressés. Moi, je le suis, pas eux. »

Même pour une finale de Champions Cup ? Vendredi, veille de sommet, il était l’occasion de le vérifier auprès du manager : « J’aimerais vous dire que je les sens moins décontractés... Mais non. On va jouer dans un stade mythique, avec une pression particulière sur les épaules. Mais, à l’évidence, ça ne les atteint pas. En fait, ils gardent cette insouciance et cette envie de passer du bon temps. » Jusqu’à s’offrir des frissons et vertiges de dernières secondes. Au Stade de France, en 2019, ils avaient été assez fous pour écarter un ballon alors qu’il n’en restait que dix. Ballon qu’ils avaient perdu pour donner une ultime munition aux Clermontois. Samedi, même scénario, Dupont a servi Ntamack plutôt que d’assurer une autre charge au près. « Toto a des problèmes avec le chrono, et ça a déjà côuté cher à l’équipe de France », sourit Mola. Le manager, en partie coupable de ce détachement viral. Lui, que ses convictions profondément ancrés auraient pu tuer en 2017 quand Toulouse avait chuté à la douzième place du Top 14. Ces convictions, fruits justement de la renaissance d’une institution en sommeil, autour d’un rugby séduisant, bien aidées par la vitalité de Didier Lacroix, arrivé à la présidence il y a quatre ans. Ce duo a façonné un groupe à son image : audacieux, entreprenant et décomplexé. 

2023 dans le viseur

Samedi, onze ans après son quatrième et dernier titre, c’est ce feu - dans une finale qui pourrait pourtant écourter l’espérance de vie de tous ses acteurs tant l’intensité et les chocs furent titanesques – qui a porté Toulouse vers son cinquième sacre. Lors de la demi-finale au Leinster en 2019, le discours avait été axé autour d’un élément : « Il n’en restera qu’un. » La province irlandaise avait pris le dessus mais avait échoué en finale. Cette fois, Toulouse l’a officiellement dépassé. Seul au monde, du moins en Europe, avec cette cinquième étoile sur le maillot. Et une légende qui perdure. « On perpétue la tradition », glisse Dupont. « Je me rends compte de ce que c’est de gagner à ce niveau-là, avoue Mola. Je ne le pensais pas aussi dur. Je me dis que mon prédécesseur (Guy Novès, N.D.L.R.) avait une énergie incroyable pour être auréolé de tant de titres en Coupe d’Europe et en championnat. Je suis tellement fier d’entraîner ce groupe. Je voyais souvent trôner cette coupe dans le bureau de René Bouscatel et de Didier Lacroix maintenant. On l’aura connu aussi et on ne nous l’enlèvera pas. »

Son prédécesseur, justement, considérait le doublé impossible en son temps. Cette équipe peut-elle repousser encore les limites ? Jusqu’où peut-elle aller désormais ? Les Baille, Marchand, Aldegheri, Cros, Tolofua, Dupont, Ntamack, Lebel et consorts ont encore faim. Champions de France en 2019, champions d’Europe en 2021, le destin les voudrait champions du monde en 2023. « C’est tout le mal que je nous souhaite », pose Dupont. À leur étoile. 

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