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Papé, retour aux sources

  • Pascal Papé - directeur sportif de Bourgoin
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Publié le Mis à jour
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Devenu responsable de la formation du Stade français à la fin de sa carrière de joueur, il a annoncé mardi dernier son arrivée au CSBJ dans un rôle de directeur sportif. Une nomination évidemment lourde en symboles, quinze ans après le départ du club de l’ancien deuxième ligne international, et dix ans tout juste après le dernier match officiel du CSBJ en Top 14. Un nouveau gage des ambitions berjaliennes, mais aussi un coup de cœur que Pascal Papé s’annonce plus que jamais prêt à assumer. Chronique d’un come-back.

Quinze ans, déjà. Quinze ans que Pascal Papé avait quitté cette Berjallie où on ne pensait jamais devoir le retrouver. Quinze ans d’escapade dont quatorze sous les couleurs d’un seul club, le Stade français, à qui les premières pensées de l’ancien deuxième ligne international sont allées au moment d’expliciter son surprenant retour au CSBJ.

"Parce que, dans ce club, tout est différent, il t’oblige toi-même à changer. Je peux vous dire que pour aller étrenner ses couleurs roses chez les Catalans ou aller faire des bisous à Bakkies Botha habillé de maillots à fleurs, il faut avoir des c… Au Stade français, j’ai vécu 14 ans de bonheur durant lesquels j’ai rencontré des gens avec qui je resterai lié pour la vie, au sein d’un club qui a su tant bien que mal conserver son identité, son côté familial. Quand je dis cela, les gens tombent parfois de leur chaise, mais rien n’est plus vrai. En arrivant à Paris, au bout de trois semaines, j’ai retrouvé dans les rapports humains quelque chose que je n’avais plus connu depuis Bourgoin." Et le vice-champion du monde 2011 de conclure, la voix gorgée d’émotion, son devoir de mémoire. "Ce club m’a forgé en tant qu’homme, c’est certain. Quand je suis arrivé dans la capitale à 25 ans, je n’étais pas encore un vieux con, et j’ai d’abord découvert une ville où le rugby n’était pas le centre du monde. À Paris, c’est bête, mais tu dois apprendre à te démerder tout seul. J’y ai rencontré des gens qui m’ont incité à penser à mon après-carrière, à fonder ma société ATID Consulting, mais aussi à réfléchir à qui j’étais, pour enfin l’assumer."

"Quand je prends une décision, c’est avec le ventre"

Reste qu’après quatre saisons passées à la tête de la formation du club parisien, il était devenu temps pour le "Squale" de changer d’air, ou plutôt d’en retrouver un bien connu. Sur un coup de cœur, ou presque. "Depuis toujours, quand je prends des décisions, c’est avec le ventre. Dès que Henri-Guillaume Gueydan m’a contacté, cela a tout de suite "matché" en termes de philosophie, de valeurs, parce que j’ai senti en face de moi un vrai bâtisseur, qui construit pierre par pierre. Son leitmotiv, c’est de ne pas brûler les étapes et de construire patiemment, et je me suis immédiatement retrouvé dans son discours. Depuis trois ans, Henri-Guillaume a rebâti un club serein financièrement et après tout ce qui s’est passé ces dernières saisons, c’était un critère essentiel pour moi. Beaucoup de choses ont déjà été engagées au niveau des infrastructures, d’autres vont bientôt être réalisées qui vont offrir au CSBJ des actifs. Tous les clubs n’en possèdent pas forcément."

Pascal Papé connaît en effet à la perfection le dicton : dans les Terres Froides du Nord-Isère, il est recommandé à l’école d’apprendre à compter avant d’apprendre à lire… "Si j’avais senti le terrain miné, jamais je ne serais revenu, confirme l’intéressé dans un sourire. Mais attention : je tiens à préciser que si je ne fais pas vraiment de sacrifice financier en m’engageant à Bourgoin, ces considérations n’ont jamais guidé mes choix. Par exemple, quand j’ai signé au Stade français, j’ai baissé mon salaire par rapport à ce que je touchais à Castres, parce que le projet sportif et le projet de vie sont tout aussi importants que le reste. Si tu n’es pas heureux dans ce que tu fais, à quoi bon gagner plus ? Aujourd’hui, j’ai tout simplement une énorme envie de retrouver le CSBJ et d’apporter ma pierre à un édifice qui est en train de se reconstruire."

"Je n’arrive pas "au secours" du CSBJ mais l’idée est effectivement, par mon biais, de rassembler des générations de gens qui ont fait l’histoire de ce club."

Une place à retrouver dans la formation régionale

Son rôle ? Papé l’a d’ores et déjà imaginé selon ses convictions (lire ci-contre). Mais il sait surtout pertinemment que son nom et son passé vont inévitablement raviver les fantasmes des nostalgiques des grandes heures, qui rêvent de voir se réinvestir les acteurs des précédentes glorieuses épopées ciel et grenat. "Je n’arrive pas "au secours" du CSBJ. Mais l’idée est effectivement, par mon biais, de rassembler des gens qui ont fait l’histoire de ce club. Et je ne parle pas seulement des succès récents, mais aussi des générations qui ont fait les grandes heures du CSBJ en Groupe B, en Deuxième Division… Ce club a une richesse humaine qu’il s’agit de mobiliser autour d’un projet, une histoire qu’il faut cultiver. Le CSBJ est un club différent parce qu’il a des couleurs et une identité différentes, qu’il s’agit de respecter et de garder à l’esprit." Chose qui passera, forcément, par un retour à une formation digne de ce nom, digne de celle qui fournit plus d’une vingtaine de représentants au XV de France lors des deux dernières décennies. Quand bien même le contexte local a fortement changé, avec l’émergence d’un Lou aux ambitions dévorantes…

"Le CSBJ a toujours été une place forte et se doit de le rester, avec pour fonction de rassembler autour de lui tous ces petits clubs qui font ce que l’on appelait la Berjallie, souligne Papé. C’est génial de pouvoir envisager un travail commun en termes d’identité régionale. Même s’il est vrai qu’auparavant, Bourgoin tenait le haut du pavé et se disputait le leadership régional avec Grenoble, tandis que des clubs comme le Lou, Bourg-en-Bresse, Oyonnax et j’en oublie tenaient leur place en Groupe B. Ce n’est plus le cas." De quoi générer un équilibre géo-rugbystique plus délicat à appréhender pour le CSBJ, que Pascal Papé a au moins la chance de connaître par cœur, qui lus est après avoir endossé pendant trois ans la fonction de président d’honneur de son club formateur du SO Givors. Des écueils supplémentaires que le "Rouquin" ne voit pourtant pas comme une fatalité. "Aujourd’hui, l’équilibre des forces a changé mais il y a toujours de la place pour tout le monde, parce qu’il y a le potentiel humain et économique pour cela dans la région. À nous de travailler le mieux possible pour retrouver la place que l’on veut atteindre." À savoir un petit coin de paradis dans l’ascenseur pour le Pro D2, que le CSBJ a quitté voilà déjà quatre ans. Et qu’il aspire toujours à retrouver…

"Henri-Guillaume Gueydan a rebâti depuis trois ans un club serein financièrement. [...] Si j’avais senti le terrain miné, jamais je ne serais revenu."

Digest

Né le : 5 octobre 1980 à Lyon (Rhône)

Surnom : Squale, Rouquin

Poste : Deuxième ligne

Clubs successifs : Givors (1990-1998), Bourgoin (1998-2006), Castres (2006-2007), Stade français (2007-2021))

Sélections nationales : 65, en équipe de France (2004-2015)

1er match en sélection : à Saint-Denis, le 14 février 2004, France - Irlande (35-17)

Points en sélection : 25 (5 essais)

Palmarès : champion de France (2015), vainqueur du Challenge européen (2017), vice-champion du monde (2011), vainqueur du Tournoi des 6 Nations (2004, 2006, 2007, 2010) dont 2 Grands Chelems (2004, 2010).

 

« Je veux être un facilitateur »

Qu’on se le dise : si Pascal Papé endossera le rôle de directeur sportif du CSBJ, ce n’est pas seulement pour le prestige ronflant du titre. Entendez par là que l’ancien deuxième ligne ne compte pas s’investir dans la gestion de l’équipe professionnelle, mais bien dans toutes les strates du club. "Je veux être un directeur sportif hyper transversal, amené à intervenir sur de nombreux axes qui vont de l’équipe professionnelle à l’école de rugby. Cela passe par des connexions avec les partenaires, les institutions, mais aussi la formation qui est un enjeu d’importance pour le CSBJ. Mais je ne suis pas là pour tout changer, car il y a déjà de très bonnes choses qui ont été entreprises ces dernières saisons. Je souhaite juste les réguler, avant de les faire évoluer."

Il n’en reste toutefois pas moins qu’une bonne partie du rôle de Papé tournera autour de l’équipe pro, où il se positionnera en supérieur hiérarchique d’un duo d’entraîneurs qu’il n’a pas choisi lui-même. Une faiblesse ? Certainement pas. "Je connais très bien Grégoire Pintiaux car j’ai passé mon DES avec lui, pointe Papé. Quant à Sébastien Tillous-Borde, nous avons tout de même été partenaires en équipe de France, ce n’est pas rien… C’est un joueur avec qui j’appréciais beaucoup de jouer, un vrai 9, avec beaucoup de tempérament. On va faire en sorte de trouver le meilleur équilibre entre nous, mais les garants du sportif, ce seront eux. Comme je vous l’ai dit, je vois mon rôle comme transversal et je ne veux pas être intrusif sur les choses du terrain. Je veux être un facilitateur, pas un dictateur qui ordonne ses vues à tout le monde. Dans un club, il faut se faire confiance, et je crois davantage en l’association qu’en l’accumulation des compétences." Aux intéressés de prouver désormais à leur président qu’il ne s’est pas trompé en les associant, dans cette compétition de Nationale qui semble taillée sur mesure pour permettre à ces anciens brillants joueurs de se former à un vrai rôle de premier plan. Tout comme elle semble vouée à devenir, saison après saison, un palier ultra-intéressant dans la post-formation des jeunes joueurs. 

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