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Rivière : « L'Usap est la plus belle PME du rugby »

  • François Rivière - Président de Perpignan. François Rivière - Président de Perpignan.
    François Rivière - Président de Perpignan. Midi Olympique - Patrick Derewiany. - Midi Olympique - Patrick Derewiany.
Publié le Mis à jour
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L'émotion de la remontée, l'attente des deux ans, les chantiers pour être compétitifs dans l'élite, l'évolution du club : le dirigeant se confie avec émotion sur les coulisses du sacre sang et or et se projette sur le défi à venir.

Comment va le président de l’Usap, au lendemain d’un soir de titre et de montée ?

Il se sent bien. Il est rassuré. Je craignais la part d’aléas qu’il y a dans toute finale. Sur les deux ans de championnat, l’Usap était au-dessus. Mais il y avait la crainte d’un carton rouge, d’un fait de jeu... Et le Covid. C’était ma trouille depuis des semaines. Si je me projette un peu, je suis confiant en vue de notre retour dans l'élite. Il ne s’effectue pas du tout dans les mêmes conditions qu’il y a trois ans. Je suis déjà très concentré en vue de cet objectif. On en a beaucoup parlé avec Mathieu Acebes samedi soir. Il m’a dit : “Président, le groupe a beaucoup appris pendant trois ans. On sait que, cette fois, il faut se maintenir.” C’est donc un mélange de satisfaction et de détermination.

Avez-vous pu arroser ce titre comme il se doit ?

On devait passer récupérer nos voitures à Aimé-Giral samedi. On s’est arrêté pour passer un moment ensemble. Pour être sincère, il y a eu beaucoup de larmes. Des larmes de joie et de peines, aussi, pour ceux qui arrêtent ou vont changer de club. Les deux ans d’attente et les frustrations de cette année de Covid sont ressortis et ont généré énormément d'émotions. On a beaucoup parlé. J'ai trouvé les joueurs sereins et déterminés pour le futur. Bon, on a quand même bien fêté ça. Finalement, le fait de se retrouver à Aimé-Giral, entre nous, était un joli clin d’œil. Car tout part de là. C’était un joli symbole.

 

Est-ce la saison la plus aboutie sportivement depuis votre accession à la présidence, en  2014 ?

C’est une évidence. Il faudrait d’ailleurs inclure la saison d’avant. Au cumul de ces deux années, on doit avoir une vingtaine de points d’avance sur la concurrence. Au niveau de l’état d’esprit aussi, il y a une confiance, une solidarité et un sens du travail que je n’avais encore jamais vus. Enfin, au niveau de l’encadrement, un palier a également été franchi. L’Usap est enfin un club apaisé dans son organisation quotidienne. Pour tout ça, je n’ai jamais douté qu’on allait revenir en Top 14. C’était tellement mérité.

Qu’est-ce qui vous marque le plus dans ce groupe ?

Je suis épaté par son calme et sa sérénité. Après la défaite à domicile contre Béziers, en octobre, j’étais inquiet. Piula Faasalele l’avait vu et m’avait pris par le bras pour me rassurer : “Ça va aller, tout va bien se passer, président.” Les joueurs savaient où ils voulaient aller et comment y aller. Après, je suis un sentimental, alors j’ai beaucoup d’attachement pour eux. Ce serait maladroit de dire que ce sont mes enfants mais c’est quelque chose qui y ressemble. Quand je vois la détermination d'un Mathieu Acebes ou l'évolution d'un petit jeune du club comme Tom Ecochard, ça me touche.

L'objectif de la remontée est atteint. Mais le sport est un éternel recommencement et il faut déjà penser au prochain défi. Quelles sont les priorités pour s'armer à cet effet ?

Sur le plan sportif, l’Usap a déjà un groupe performant. Il faut renforcer l’effectif mais ne pas le troubler. Au demeurant, le staff estime qu’il y a des postes à renforcer. Ça fera l’objet de trois ou quatre recrutements. Il y a le chantier des infrastructures, en parallèle : Aimé-Giral a une capacité de réception qui est de moitié inférieure à celle des autres clubs de Top 14 comparables (Pau, Bayonne…). Il faut y travailler très vite. L’enjeu économique est important. Cette priorité est heureusement partagée par les collectivités. Bruno Rolland a déjà aménagé des espaces complémentaires qui pourraient être prêts dès la reprise, les institutionnels financent une remise à niveau de certains salons... Ça va bosser fort pendant l’été. Nous sommes lancés dans une course contre-la-montre.

En quoi l'Usap de 2021 est-elle plus à même de rivaliser dans l'élite que celle de 2018 ?

Ce groupe a plus de joueurs d’expérience. Je pense à Mathieu Acebes, Piula Faasalele ou De La Fuente qui n’est pas capitaine de l’Argentine pour rien. Dans les instants décisifs, dans la précision, il est important de compter sur ce vécu. Il y a trois ans, on était des petits nouveaux. On ne peut pas dire que l’on avait été pris au dépourvu mais les conditions n’étaient pas remplies comme elles le sont aujourd’hui. On a poursuivi l’apprentissage et il y a une maturité différente. Le vrai traumatisme n’a pas été la descente de 2018, vous savez. C’était celle de 2014. Il a vraiment fallu reconstruire le club. C’est là où Christian (Lanta) a apporté de la sérénité. C’est là où La Rochelle nous montre l’exemple. Je m’inspire beaucoup de cette construction.

Sur quel budget tablez-vous pour la saison prochaine ?

On est dans un monde difficile car l’économique tient le sportif. Le budget de l’Usap était de 14 millions, je vais tout faire pour le monter de plusieurs millions dans les jours qui viennent, en y contribuant moi-même en tant qu’actionnaire. Il faut continuer à prétendre à un budget qui soit très vite à 20 millions et même au-dessus. La réalité est qu’il y a une corrélation importante entre les résultats et les moyens financiers. Sauf pour Brive, qui s’en est bien sorti.

La hausse du budget passe généralement par un effort des partenaires et des collectivités. En cette période de Covid, est-ce une problématique ?

Il est prévu que l'apport des collectivités augmente, c'est écrit. Il ne faut pas oublier que c’est de l’argent public et qu'il y a des comptes à rendre. Comme avec les partenaires. Ils ont été très patients. Il faut leur apporter la reconnaissance pour leur remarquable fidélité. L’Usap est extraordinairement bien suivie. En étant en Pro D2, l’Usap s’est repliée sur ses partenaires régionaux, qui apportent 10 000, 20 000, 30 000 €. J’aimerais que l’on retrouve des partenaires de stature nationale et internationale. C’est un axe de progression. En sachant qu’avec la Coupe du monde et les JO, la concurrence est dure. J’ai quand même assez bon espoir, je ne le cache pas. Car dès lors que Christian Lanta gère totalement le sportif et les infrastructures et que Bruno Rolland s’occupe du club et de ses satellites, je peux me consacrer à ce que je crois faire le moins mal : les relations publiques et les partenariats. C'est mon métier et c'est ce que je préfère faire.

Un des autres piliers du développement sera la billetterie. Vous devez vous attendre à une campagne record...

Nos supporters sont terriblement frustrés. Je suis d’autant plus content que l’on ait remporté ce titre. On leur devait. Je pense qu’il y aura une très belle campagne d’abonnement dont l'on dévoilera les conditions dans les jours à venir. Je sais déjà qu’il y aura une très belle fête à Aimé-Giral début septembre.

Pour en revenir au recrutement, l'ailier des Pumas Bautista Delguy va donc voir son engagement validé, maintenant que la montée est actée ?

Il y aura des annonces rapidement. Elles ne surprendront pas les spécialistes. Vous savez certaines choses. Les différents scenarii avaient été préparés et actés avec Christian Lanta et Bruno Rolland. Mais on ne pouvait pas finaliser les dossiers au cas où l’on serait resté en Pro D2. Ça aurait été trop risqué. Entre le moment où Christian a préparé le recrutement et le moment de la signature, on peut avoir de mauvaises surprises.

Les espoirs, finalistes malheureux ce samedi du championnat espoirs, seront de nouveau sollicités... 

Ils ont encore réalisé un parcours remarquable. Ce n’est pas une performance nouvelle. Ils avaient déjà gagné le titre. Cette régularité montre la force de notre formation. C’est une clé de l’avenir. Nous ne serons jamais en mesure de rivaliser avec des budgets de 35 millions sur le marché. Il faut être inventif. Ça passe par l’éclosion de ces jeunes. On prend le risque de se les faire chiper. Mais c'est comme ça que ça marche. Il ne faut pas être jaloux et possessif.

Au niveau de l'encadrement, confirmez-vous l'intégralité du staff ?

C’est statu quo au niveau des têtes d'affiche. Il n’y a aucune raison que ça change. Même si l'on n'était pas monté, tout serait resté en l'état.

N'est-ce pas votre plus grand fait d'armes, en tant que dirigeant, d'avoir enrôlé Christian Lanta et Patrick Arlettaz et de les avoir conservés ?

L'arrivée de Christian a été déterminante dans notre évolution. Il a une expérience presque unique du rugby, que ce soit sur le jeu ou les structures. À ses côtés, Patrick Arlettaz est un enfant du pays, il a les codes et une vraie patte. Enfin, Perry a une aura et un vécu rares. Ce trio, renforcé par Gérald Bastide, qui a beaucoup apporté au niveau de la défense, coche toutes les cases. Vous savez, je suis d’une fidélité absolue. Sauf si quelqu’un ne se comporte pas bien avec moi… Je crois en la durée et en la confiance.

Vous avez progressivement pris du recul avec le secteur sportif. Pourquoi ?

Quand on est chef d’entreprise, on croit que l’on va réussir dans le sport. Mais ça ne se passe pas comme ça. Il faut accepter d'apprendre. Si vous ne le faites pas, la réalité sportive vous le fait payer. Après mon accident (de manège qui l'avait plongé dans le coma, en décembre 2015), j’ai pris la décision de totalement confier le secteur sportif à Christian Lanta. Nous faisons des points régulièrement mais il est libre de ses mouvements. Ce n’est pas simple. Dans nos entreprises, on n’est pas habitué à déléguer. Mais il faut avoir cette forme d’humilité dans le rugby. Je ne suis pas dans un pouvoir de confrontation. Je suis dans l’apaisement. Et j'estime que l’Usap est désormais un club apaisé dans son organisation quotidienne. La cohérence en interne, c'est la première marche du podium de notre maintien.


La sérénité n'est pour autant pas une garantie de performance... Comment l'Usap peut-elle exister dans cette élite de métropoles et de mécènes ?

Un club comme l’Usap, ça reste une PME. Et c’est très bien comme ça. Vous pouvez venir au stade et monter dans mon bureau boire un café. Mais dans le même temps, c'est vrai, nous sommes plongés dans une compétition européenne de multinationales. Il y a une dichotomie troublante. L'Usap est face à ce paradoxe : elle doit se doter des moyens pour aller titiller les multinationales sans s’éloigner du public. Ce n'est pas simple. J'ai envie de dire qu'on est la plus belle PME du rugby. Il faut conserver cette âme, cette ADN.

En quoi votre accident a-t-il changé votre existence et la perception de tout ce qui se passe ?

J’ai été dans le coma plusieurs semaines, mon cœur s’est arrêté. J’ai la chance de vivre une deuxième vie. J’ai envie qu’elle soit apaisée. Mon entourage me le permet car il est bienveillant. Tout le monde dit de moi : on sent le président heureux. Je le suis même si on ne l’est jamais à 100 %. Depuis mon retour, je me réjouis d’autant plus de tout ce que la vie m’apporte.

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