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Le monde basque en ébullition

Par Pablo Ordas
  • Semaine de derby, semaine de folie
    Semaine de derby, semaine de folie
Publié le Mis à jour
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Les retrouvailles entre les deux voisins ont plongé le Pays basque dans un monde parallèle où, pendant une semaine, le barrage d’accession est devenu le sujet numéro un des discussions et l’événement rugbystique le plus important de ces dernières années.

C’est l’histoire d’un match que la France du rugby voulait, mais que le Pays basque entier souhaitait éviter. Il a fallu un improbable scénario pour qu’il ait lieu. La victoire bonifiée de Pau contre Montpellier dans les ultimes secondes et le revers de l’Aviron face au Stade français, couplés à la défaite du BO en finale de Pro D2, ont plongé, en quelques minutes seulement, deux villes dans un monde parallèle, le temps d’une semaine. Au grand dam des Basques, eux-mêmes. Le paradoxe est frappant. Samedi, tous les passionnés de ce sport vont se délecter devant ce qui sera, à n’en pas douter, un des matchs les plus attendus de la dernière décennie au Pays basque. Tous ? Sauf les principaux concernés. « Semaine de folie ? Semaine de m…, oui ! Je n’en peux plus » souffle un supporter de l’Aviron un brin angoissé. Ces derniers mois, au fur et à mesure que l’hypothèse d’un derby en barrage était devenue de plus en plus probable, bon nombre de passionnés ou joueurs, disaient vouloir éviter ces retrouvailles. Ce n’est qu’un match de 80 minutes ? C’est en réalité bien plus que ça.

On vous l’accorde. Il n’y a rien de rationnel permettant d’expliquer l’engouement autour de cette rencontre, mais c’est comme ça. Le derby basque, c’est une lutte de clochers, une guéguerre entre deux frères qui adorent se détester (ou qui détestent s’adorer) et il faut probablement avoir été bercé à la sauce de ces rendez-vous si particuliers, dès la plus tendre enfance, pour les vivre pleinement. « On les appréhende toujours… Mais on les aime », reconnaît Roman Gignon, président du groupe de supporters Aupa BO. « Depuis le résultat de samedi soir, tout le monde est un peu tendu, stressé », ajoute Mickaël Moita, coprésident des Bayonnais d’origine certifiée (BOC).

Calmants à Bayonne

À quatre jours du grand rendez-vous, le BOC, son association de supporters, commence à préparer une semaine vraiment à part. Au programme de la matinée, la confection de banderoles qui seront affichées aux abords du stade. Quel message faire passer ? « On ne veut pas leur mettre trop de pression », explique Jérémy, un des membres. Mais l’importance du match est connue de tous. Après plusieurs minutes de réflexion, la décision tombe. Ce sera « faites honneur au maillot » et « défaite interdite.» Elles seront posées quelques minutes plus tard au rond-point de Saint-Léon et sur le pont de l’Aviron, entre trois coups de klaxon de voitures passant par là et un « allez les rouges », sorti tout droit d’un véhicule de la ville de… Bayonne. L’employé municipal en question risque gros.

À quelques mètres de là, les pieds mouillés, les fidèles supporters doivent, cette fois, observer l’entraînement du jour à travers les grilles. L’Aviron a voulu se préparer dans le calme. Forcément, le rendez-vous de ce week-end est au centre de toutes les discussions. « N’oublie pas tes calmants" lance l’un d’entre eux. « Il y aura une fanzone », demande un autre ? « Je m’en fous, je le regarderai à la maison. Avec une bière », lui répond son collègue. Chez ces fidèles, deux sentiments se mélangent. Le premier pousse à l’optimisme et, malgré la défaite contre Paris, l’état d’esprit affiché par les Bleu et Blanc a rassuré les supporters. «  Ils n’ont pas Macalou, au BO.» Le second, révèle quand même une certaine crainte. « Tu imagines, s’ils nous envoient en Pro D2, lâche un habitué. J’ai prévenu ma femme. Je ne mets pas un pied à Biarritz, même pour boire une bière.» Le possible XV de départ biarrot fait aussi parler. Saili ? « Il faut le prendre aux jambes.»  Peyresblanques ? « Lui, il est bon… »

Dans le centre-ville, les drapeaux ou autres signes de soutien aux couleurs du club sont affichés aux fenêtres. Ce n’est que le début. Les Gars de l’Aviron, un autre groupe de supporters, vont lancer un appel sur les réseaux sociaux pour que Bayonne se décore de bleu et blanc. Mais depuis plusieurs jours, le derby est déjà dans toutes les têtes. « Tu vas au comptoir, on ne parle que de ça » , souligne Yann Larre, président des LGA.

Insomnies à Biarritz

Du côté d’Aguilera, c’est peu ou prou la même ambiance. Mardi matin, on pouvait voir une longue file d’attente devant la billetterie du stade. Quelques heures plus tard, les travailleurs, qui viennent de terminer leur journée, passent récupérer leur précieux sésame au compte-gouttes. «C’est vrai qu’ils ont peur, à Bayonne ? » nous demande un habitué. « Ils ont tout à perdre, eux », affirme un autre. Aux abords du stade, les gens sont là. Il ne se passe absolument rien, l’entraînement a lieu sur le terrain principal, à l’abri des regards mais les supporters biarrots refont le monde et imaginent ce qu’il adviendra en cas de victoire des «BOys» ce week-end. « Si on perd, on aura fait une bonne saison, se rassure un fan du BO. Mais bon, nous sommes en Pro D2 depuis sept ans. Si on peut monter, quand même… » Arthur, des Miarritzeko Mutilak prédit : « Ça va être monstrueux »

De toute évidence, l’attente est longue, les Rouge et Blanc devront encore patienter un peu avant le verdict final et rien ne dit que le temps passera plus vite en dormant. « Normalement, je me couche à 22 heures. Là, c’est plus vers 2 ou 3 heures. Et quand on se réveille, on a l’impression que c’est le jour J. Mais non, il faut encore attendre », soupire Yoann. « Je prendrai des cachets pour dormir vendredi. Sinon je ne vais pas réussir à trouver le sommeil », affirme une supportrice des Rouge et Blanc.

Au local d’Aupa BO, une première permanence est organisée mardi à 17 h 30. Les adhérents n’ont pas une minute de retard et les billets se vendent comme des petits pains. Une manière supplémentaire de rappeler que ce match est différent des autres. « Pour l’instant, on n’a pas trop de pression mais je pense qu’elle va arriver gentiment, jeudi, vendredi, puis samedi en se levant. Là, on va entrer dans le dur, dans le vif du sujet », avance le président du groupe de supporters. Il prévoit de nombreuses animations pour la grande journée de samedi. Un accueil des joueurs biarrots le long de l’allée des platanes, un stade entièrement décoré de rouge et de blanc. Et surtout, des retrouvailles, très tôt dans la journée, pour profiter pleinement de ce samedi historique autour d’un verre et d’un sandwich, où rouge et bleu se mélangeront à coup sûr.

Fête et défaite

Car ce derby sera, avant tout, une belle fête. Un rendez-vous extraordinaire entre deux frères rivaux, qui, l’un sans l’autre, s’ennuieraient drôlement. « Ça va être un souvenir formidable pour l’ensemble des acteurs et des passionnés. Ça va nous permettre de vivre un moment comme le rugby les aime », soulignait Yannick Bru, lundi, dans les colonnes de Midi Olympique. « On va servir un petit coup à boire aux Bayonnais, comme ils l’ont fait lors du dernier derby chez eux. Ils vont venir chanter avec nous avant le match », détaille Roman Gignon. « Avec les Biarrots, ça va bien se passer ! On va un peu se chambrer gentiment, mais on a l’habitude maintenant », sourit Mickaël Moita du BOC.

Quoi qu’il arrive, samedi, sur les coups 19 h 30, il y aura un déçu et un heureux, c’est la loi du sport. Et ça ne reste que du sport, ne l’oublions pas. Dimanche, le soleil se lèvera à nouveau, même s’il sera un peu plus voilé sur les bords de Nive ou du côté du rocher de la Vierge. Mais avant ça, que la fête soit belle…

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