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Guy Novès présente les demi-finales de Top 14

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    Guy Novès présente les demi-finales de Top 14 Anthony Dibon / Icon Sport - Anthony Dibon / Icon Sport
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Guy Novès, l’ancien sélectionneur du XV de France et manager multititré du Stade toulousain, décode les clés du management avant ces demi-finales. Il délivre quelques clés pour aller au bout.

Avez-vous le sentiment que le rôle d’un manager, à l’aube d’une demi-finale, est essentiel ?

ça dépend du groupe, des individus qui le composent et des objectifs du club. Se qualifier pour une demi-finale, est-ce la finalité du club ? Est-ce une progression par rapport à la saison précédente ? C’est peut-être le cas de La Rochelle par exemple. Si l’on prend l’UBB qui a battu Clermont en barrage, c’est presque l’aboutissement d’une saison extraordinaire. Pour le Racing, ça l’est un peu moins. L’objectif affiché par le club est de gagner le Brennus. Enfin, pour Toulouse, être en demi-finale, c’est un passage obligé. C’est comme décrocher son baccalauréat quand on veut faire des études supérieures. Le management doit donc être complètement différent d’une équipe à l’autre. C’est l’histoire du club qui dicte le management et l’approche de la demi-finale. J’imagine les Bordelais se dire qu’ils n’ont rien à perdre face à Toulouse, parce qu’ils n’ont jamais gagné cette saison contre cette équipe. D’ailleurs, cette phase finale est piégeuse pour Toulouse car cette équipe a déjà battu tous ses adversaires potentiels. Si, demain, Bordeaux bat Toulouse en demie, ce sera l’exploit du siècle. L’approche de Christophe Urios sera donc différente de celle d’Ugo Mola, Laurent Travers ou Jono Gibbes.

Vraiment ?

La preuve, Christophe (Urios) a commencé à dire que ses joueurs avaient eu du déchet contre Clermont. Il est entré dans la préparation de la demi-finale dès le coup de sifflet final du barrage. à Toulouse, je pense que cette demi-finale, on a commencé à la préparer il y a un mois. C’était ce qu’on faisait, à mon époque. Je suis convaincu que ça n’a pas changé. On mettait tous les jours un peu de poison dans les veines de certains joueurs, pour préparer cette échéance. à La Rochelle, Gibbes et O’Gara, j’en suis sûr, se servent de la défaite en finale de Champions Cup, ce moment exceptionnel de leur parcours pour préparer leurs joueurs à la demi-finale.

Si l’on vous suit, le coup de gueule de Christophe Urios à l’issue de la défaite de ses joueurs face à Toulouse, lors de la dernière journée de phase régulière, relève de la préparation de la demie ?

Ce n’est que mon avis, mais je crois que oui. Un manager a toujours une attitude un peu différente devant la presse de celle qu’il peut avoir devant son groupe. Même si les choses évoluent, il existe toujours des moments d’intimité avec les joueurs. Et c’est là qu’on envoie les vrais messages. C’est là qu’on resserre quelques boulons avec certains joueurs. Christophe est loin d’être idiot, il a évidemment vu ce qu’il manquait à son équipe pour battre Toulouse. Son coup de gueule n’est pas anodin et il est justifié. S’il avait été satisfait de la prestation de ses joueurs ce jour-là, ça n’aurait été ni Christophe Urios, ni un entraîneur de Top 14.

La méthode fonctionne-t-elle toujours, avec les joueurs d’aujourd’hui ?

Écoutez : un joueur trop heureux d’être en demi-finale a déjà tout perdu. Ça signifie qu’il n’a rien compris. Le but, ce n’est pas de perdre en demi-finale. Sinon, à quoi bon tous ces sacrifices ? Il est là, le rôle du manager : dégonfler les têtes et recharger les batteries. Maintenant, la cible pour ces quatre clubs est peut-être un peu différente. Le Racing et Toulouse ont un objectif identique. Même si le premier a beaucoup moins gagné que le deuxième, les moyens mis dans ce club imposent quelques obligations. Ils viennent encore de recruter un joueur au dernier moment, juste avant la phase finale, pour se renforcer. Ce n’est pas rien. C’est même assez particulier, vous en conviendrez. La Rochelle est dans un contexte un peu différent. Jono Gibbes va partir après un travail magnifique. Il faut du temps pour que les joueurs admettent et comprennent qu’ils ne sont pas là par hasard. Le parcours de La Rochelle, cette saison, est exemplaire. Mais le comportement en finale de Champions Cup de Botia, aussi gentil et performant soit ce joueur, est inadmissible. On ne peut pas admettre, ni même tolérer, le geste qu’il a commis. C’est vers ça qu’il faut tendre pour le coacher, le préparer. Si je n’avais pas fait ça avec Florian Fritz, il aurait été suspendu à tous les matchs. Idem avec Trevor Brennan. Le jour où Trevor a pris des marrons face à la tribune présidentielle contre Montferrand, en gardant les mains derrière le dos, il avait basculé dans une autre dimension. C’est ça, le management. La préparation d’une demi-finale passe par ce genre de choses, des petits moments d’intimité avec les joueurs pour tirer la quintessence de chacun d’entre eux.

De ce que vous pouvez percevoir à la Rochelle, pensez-vous que le management anglo-saxon est très différent de celui des entraîneurs français ?

C’est difficile de répondre mais j’ai le sentiment que Ronan (O’Gara) a une approche technique et stratégique très fine, très importante. Je connais moins Jono Gibbes mais le fait est que la prise de conscience collective des joueurs de La Rochelle sur leur potentiel et leur qualité d’équipe - une formation qui a tutoyé le toit de l’Europe - n’est pas le fruit du hasard. C’est probablement une approche différente de celle de Bordeaux, du Racing ou de Toulouse mais j’ai aussi du mal à croire qu’on puisse catégoriser les entraîneurs selon leur nationalité. Chacun est différent, chacun a sa sensibilité, ses méthodes.

Laurent Travers est à la tête du Racing 92 depuis 8 ans. C’est le plus ancien manager à la tête de son club sur ces demi-finales, ce qui vous est souvent arrivé. Comment se renouvelle-t-on, à l’approche d’une telle échéance ?

Laurent a un charisme important. De ce que je peux percevoir, il colle bien à l’état d’esprit de ce club. Ses résultats en témoignent. Il a été champion de France avec le Racing et tous les ans, il joue des finales ou des demi-finales avec son équipe. Ça signifie qu’il effectue un travail de fond important et de qualité. Un manager n’est pas uniquement bon lorsqu’il est champion. Être dans le dernier carré régulièrement prouve qu’il n’est pas mauvais, c’est évident. Après, les grands entraîneurs sont ceux qui ont les meilleurs joueurs. Pour avoir beaucoup gagné, j’en ai bien conscience. Quand je regarde dans mon rétroviseur, même si je n’avais pas l’effectif que peuvent avoir aujourd’hui certains clubs - en particulier Toulouse - j’avais quand même des joueurs incroyables.

Laurent Travers n’est-il pas le manager qui a le plus de pression sur les épaules, à l’approche de cette dernière ligne droite ?

Tout dépend si on le juge sur le travail effectué depuis de nombreuses années ou uniquement sur les prochaines échéances. Je ne suis pas le président Lorenzetti, mais il voit bien que construire un staff et un groupe compétitifs, ce n’est pas simple. L’argent ne fait pas tout. Montpellier n’a pas eu les résultats escomptés, malgré de lourds investissements. Le travail du manager est essentiel. Après, si en plus, il a des joueurs de qualité, c’est mieux. Regardez l’étendue de l’effectif du Stade toulousain, c’est impressionnant. Il y a des internationaux à tous les postes : je pense à Kolbe, les frères Arnold, Kaino et d’autres. Je crois donc que Laurent Travers a autant de pression qu’Ugo Mola. Tout simplement parce qu’ils ont les moyens de leurs ambitions. Et que cette ambition, ce n’est pas d’aller en finale mais de la gagner.

Justement, est-ce difficile pour vous d’avoir un regard objectif sur le management d’Ugo Mola, votre successeur au Stade toulousain ?

Non, pas du tout. (rires)

Pourquoi ?

Tout simplement parce que c’est moi qui ai appelé Ugo pour lui dire que j’allais sûrement quitter le Stade toulousain, qu’il me semblait que le bon moment était venu pour lui de prendre la suite.

Et alors, comment jugez-vous son management ?

Ugo est un garçon très intelligent, une faculté que tout le monde n’a pas. Il a commencé à avoir des résultats incroyables au bout de quatre ans. Et la qualité d’un manager, c’est de savoir travailler avec les autres, en les laissant s’exprimer. Il a su s’entourer d’un staff de qualité. Que ce soit Clément (Poitrenaud), Jean (Bouilhou) ou encore Virgile (Lacombe), ce sont tous mes anciens joueurs. Et puis Ugo a su construire sa carrière avant de venir au Stade toulousain. Pas toujours avec réussite mais il a tiré des leçons. Son expérience est aujourd’hui importante. Même s’il a un effectif énorme, il a su donner à ses joueurs, dont certains sont champions du monde, l’envie de jouer pour ce club, de jouer en équipe avec une identité très forte. Aujourd’hui, je pense que les autres managers cherchent encore la meilleure façon possible pour tenter de battre le Stade toulousain.

La demi-finale entre Toulouse et l’UBB, c’est aussi le duel entre Ugo Mola et Christophe Urios qui ne s’apprécient guère…

(Il coupe) Ça, c’est du vent, un truc de journaliste.

Ils ne s’en cachent pourtant pas et surtout, ils semblent avoir deux visions du management et du rugby assez différentes, non ?

Les joueurs ne s’intéressent absolument pas à ce sujet, je peux vous le jurer. Ça occupe surtout les médias. C’est une façon de vivre l’évènement. Mais les joueurs vont s’affronter dans un combat de boxe à la régulière, sans se soucier de savoir qui a dit quoi. On en revient à votre première question : le travail du manager a été fait durant l’année. Une demi-finale ne se gagne pas en quelques jours avant le match. Les quatre managers présents en demi-finale le savent très bien. Leur rôle sera d’observer le moindre petit relâchement. Là, il faut être dur. Si ce boulot-là, à partager avec l’ensemble du staff, est fait, ils dormiront bien à la veille de leur demi-finale. Bien, mais probablement assez peu.

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