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Pour Retière, le rebond après la disparition

Par Romain ASSELIN
  • Arthur a, semble-t-il, passé le plus dur Arthur a, semble-t-il, passé le plus dur
    Arthur a, semble-t-il, passé le plus dur MIDOL - Patrick Derewiany
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Arthur Retière (ailier ou arrière de La Rochelle) meilleur marqueur du précédent (demi) exercice de Top 14, vit une saison plus contrastée. Entre un pubis récalcitrant, une profonde remise en question et sa première cape en Bleu, le Bourguignon a jonglé avec tout un tas d’émotions ces derniers mois. Mais, à deux matchs du graal, le voilà en bonne voie pour poursuivre son ascension.

Tiens, tiens, Arthur Retière et le Racing, ça ne vous rappelle rien ? S’il a posé ses valises, l’espace d’une saison, au sein du club francilien avant de rallier les bords de l’Atlantique, en 2016, le feu follet rochelais l’a aussi et surtout crucifié dans la course au Brennus, il y a tout juste deux ans. 31 mai 2019, La Rochelle se déplace à Colombes, l’ancien jardin des ciel et blanc, privés de leur fétiche Arena pour cause de concert de Mylène Farmer. Match de barrages pour rejoindre Toulouse en demie. Avant même l’heure de jeu, Arthur Retière scelle sans opposition la victoire maritime, servi d’une passe au pied magistrale de Geoffrey Doumayrou. « C’était un essai vraiment spectaculaire avec pas mal d’offloads sur l’aile, rattrapés du bout des doigts, rembobinait pour nous l’ailier, l’an passé, à la sortie du premier confinement. "Geoff" rattrape ensuite une passe pourrie de Kerr-Barlow (rires), un peu dans les chaussettes, et réussit à taper. Il n’y avait personne, j’avais juste à marquer. » Refera-t-il le coup, ce vendredi soir, à Lille et au stade des demies, cette fois ? Pour sa 99e sous le maillot rochelais, Arthur Retière espère en tout cas finir en beauté une saison particulière, sur le plan personnel, à bien des égards.

« La saison du passage à la maturité »

L’entame laissait pourtant augurer le bouquet final d’un feu d’artifice débuté une paire de mois plus tôt. Étrennant brillamment, dès la première journée de championnat face à Toulon, son statut de meilleur marqueur (8 essais) du précédent Top 14 — il est vrai terni par la pandémie de Covid-19 et la suspension de la saison — l’intenable "Fifou" avait d’ailleurs décroché le premier « Oscar de la semaine » décerné par Midi Olympique. Il y a eu ensuite, quasiment dans la foulée, cette convocation de Fabien Galthié pour la tournée d’automne du XV de France et ses toutes premières minutes sous le maillot frappé du Coq, au 6 Nations, face à l’Irlande, le 31 octobre. « Un souvenir inoubliable, retient, aujourd’hui, le jeune Arthur, 23 ans, passée l’évidente déception de son éviction brutale de la liste. C’était bizarre, j’étais beaucoup sollicité par les médias et, du jour au lendemain, plus grand-chose ! On t’oublie vite. Mais ça fait partie de la vie. Le but, c’est d’y retourner, d’y rester et d’être constant. Ça passera, avant tout, par bien revenir en club. »

Lucide sur sa situation, Arthur Retière. Car la période post-Bleus a tourné en eau de boudin. La faute, notamment, à un pubis entêté qui l’a laissé sur le flanc presque trois mois, entre décembre et février. « J’ai eu pas mal de soucis, souffle l’ancien septiste. Une blessure à l’épaule et, tout le temps, ces pubalgies qui reviennent… Je me suis fait infiltrer le pubis la saison dernière et cette saison, encore. Ça te recoupe dans ton élan, c’est compliqué de revenir, tu perds des automatismes. » S’il demeure l’un des joueurs maritimes les plus utilisés par le duo Gibbes-O’Gara et figure dans le top 10 des meilleurs franchisseurs du championnat cette saison, le Bourguignon ne dégage plus la même impression en 2021. Il n’a d’ailleurs plus marqué sur les pelouses de l’Hexagone depuis plus d’un semestre. Pas si anecdotique. Même s’il ne faut pas occulter cet essai inscrit, en avril, à Gloucester, en huitième de finale de Champions Cup. « C’est un peu la saison du passage à la maturité, résume son père Didier Retière, directeur technique national de la Fédération Française de Rugby. C’est sa cinquième saison à La Rochelle, elle s’avère plus compliquée que les précédentes. Il ne commence pas à devenir un vieux joueur mais il faut aussi apprendre à gérer le quotidien. Arthur été rattrapé par des petits pépins physiques. Se maintenir au meilleur niveau passe par une grosse remise en cause sur plein de choses. Il faut apprendre à gérer son corps, à se préparer, à être plus rigoureux. Dans l’euphorie de la jeunesse, quand on monte, on exprime le talent, on a ce côté insouciant, c’est plein de choses auxquelles on ne pense pas. On voit souvent des trajectoires comme ça, avec des montées en flèche puis il y a un trou pour revenir au haut niveau et durer. Arthur est très émotionnel, pas dans le calcul. Apprendre à se gérer, à avoir une vision sur le long terme, c’est plus difficile. » Son fils le concède lui-même, il avait plutôt tendance, jusqu’ici, à « vivre au jour le jour ».

Bousculé par O’Gara

Interrogé cette semaine sur les (relatifs) déboires de son protégé, Ronan O’Gara abonde dans le sens du paternel. « Ce qu’il s’est passé avec le XV de France ? J’espère que ça lui donne beaucoup de motivation. Si tu es un grand joueur, tu as plus de déceptions que les autres, c’est normal. Je suis un jeune entraîneur mais j’ai déjà perdu beaucoup de finales, parce que j’étais en finale. Je peux dormir avec ça. C’est la même chose pour Arthur. Il doit comprendre que ce n’est jamais linéaire, insiste l’entraînement en chef du Stade rochelais. Parfois tu tombes et tu dois avoir beaucoup de résilience pour réattaquer. Il est en train de changer son comportement, de comprendre que ce ne sont pas juste les quatre-vingts minutes qui comptent. C’est un processus, toute la semaine, pour être performant. Mais il devient sérieux, il a quelques étapes à franchir. J’ai beaucoup de respect pour lui parce qu’il est motivé pour progresser et c’est le plus important. On en a déjà discuté, son défi, c’est d’être présent chaque lundi. Il était trop souvent blessé dans le passé parce que ma philosophie est trop exigeante. Mais je ne changerai pas. » À Arthur de s’adapter, donc. Il le fait bien, aux yeux de son coéquipier Uini Atonio. Malgré la retenue que lui impose la gestion de ses récalcitrantes douleurs au pubis. « Tu vois qu’il n’accélère pas comme avant à l’entraînement, remarque par exemple le pilier droit. Quand tu as une blessure chiante, tu fais toujours un peu plus attention, il faut que tu chauffes un peu plus que d’habitude. Mais je trouve qu’il gère vraiment pas mal. » Le trois-quarts — qui, déjà, avait mis « un an à bien revenir, mentalement et physiquement » de son opération des ligaments croisés du genou, en 2017 — confirme : « Il y aussi des choses que je fais différemment en muscu, comme des abdos pour la pubalgie. C’est galère mais c’est important. Il faut les faire sinon, après, je ne peux pas accélérer. Depuis l’infiltration, j’ai repris un peu de cardio et des forces, physiquement. Maintenant, il faut les mettre à bon escient dans le rugby. »

"Je pense qu’il mûri et qu’il prend de l’expérience. Il est en train de basculer et de construire une forme de maturité, note non sans fierté Retière, père. Après, et je suis toujours un peu vigilant là-dessus, il ne faut pas que ce soit au détriment de sa spontanéité. Ce que je trouve super, c’est qu’Arthur a toujours gardé dans son regard la lueur qu’il avait quand il était gamin. Il tente des trucs, il s’éclate sur le terrain. Son challenge, c’est aussi de garder cet état d’esprit malgré tout, en restant plus sérieux, plus rigoureux, plus gestionnaire de sa carrière." En tout cas, le fiston a pris les choses en main pour, en cas de retour à Marcoussis, ne pas refaire la navette aussi vite. Jugé trop tendre sous les ballons hauts lors son éphémère premier passage en bleu, le néo-international "bosse ses défauts après les entraînements. Le jeu au pied, aussi. Souvent, je vais taper dix coups de pied".

Sa 100e au Stade de France ?

En attendant, Arthur Retière est sur le point d’écrire une nouvelle page de son aventure au Stade rochelais. Titulaire à 77 reprises en 98 sorties, "Fifou" a l’occasion rêvée de vivre sa 100e en jaune et noir au Stade de France, en finale du Top 14. Comme Dany Priso, un mois plus tôt, à Twickenham, en finale de Champions Cup. « Ce serait beau, ce serait incroyable, s’émerveille le principal intéressé. Ça représenterait tellement de choses, surtout si on l’emporte. Faire 100 matchs dans un club, c’est quelque chose d’énorme. Je n’imaginais pas ça du tout, surtout pas aussi tôt, à 23 ans. C’est vraiment beaucoup d’honneur et de plaisir. Je me sens bien ici, à La Rochelle. » Son père savoure déjà l’échéance à venir : « Il a encore une longue carrière, j’espère pour lui, à mener mais 100 matchs en pro avec un club au meilleur niveau français, à 23 ans, c’est une vraie performance quand on sait la concurrence dans les clubs. Ça veut dire qu’il est reconnu, installé, respecté dans son club. Arthur n’est pas un météore, c’est un joueur de défis et j’ai la sensation qu’il sera à l’aise dans ces deux grands matchs qui vont suivre. Il encaisse de manière assez étonnante la pression. »

S’il poussera derrière Arthur et La Rochelle devant sa télé, ce vendredi soir, le DTN a glissé un dernier mot d’encouragement, par téléphone, à son aîné, à la veille du match. Signe d’une relation fusionnelle.  « J’espère que la saison va se finir comme elle a commencé », appelle maintenant de ses vœux le récent vice-champion d’Europe. Le cas échéant, on ne voit pas bien ce qui pourrait l’arrêter. Et, La Rochelle, avec lui.

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