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Quand le "show-biz" parle des Galactiques

Par Marc DUZAN
  • Finn Russell, Teddy Thomas, Virimi Vakatawa et Gaël Fickou (de gauche à droite), les « Galactiques » du Racing.
    Finn Russell, Teddy Thomas, Virimi Vakatawa et Gaël Fickou (de gauche à droite), les « Galactiques » du Racing. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Au soir où le Racing conquit son premier titre de champion de France, les gars du show-biz en composaient l’essentiel de la ligne de trois-quarts. Vingt-cinq ans plus tard, Éric Blanc, Yvon Rousset, Franck Mesnel, Jean-Baptiste Lafond et Philippe Guillard jaugent les Galactiques du 92, l’attaque la plus délirante de toute l’Europe.

Il a suffi que Gaël Fickou pose ses valises en banlieue parisienne pour que de « talentueuse », la ligne de trois-quarts du Racing devienne soudainement « galactique ». Depuis fin avril, on n’aborde même le Racing que par le seul prisme de cette attaque prolifique, ce qui eut d’ailleurs tendance à agacer les "gros" du 92 : après le quart de finale victorieux face au Stade français (38-21), Boris Palu nous avoua en effet que son paquet d’avants, « revanchard », avait la « haine » et voulut surtout démontrer sa force de frappe, lors du derby.

Quoi qu’en dise Palu, excellent au poste de flanker vendredi, les faits sont têtus et, depuis que Fickou en est un titulaire, l’attaque francilienne a marqué 224 points et 31 essais en cinq matchs. Délirant, n’est-ce pas ? C’est peu ou prou l’avis d’Éric Blanc, trois-quarts centre des champions de France du Racing, en 1990 : « Ces trois-quarts sont des braqueurs de banque ; ils attaquent le Top 14 à main armée et font sauter toutes les défenses. Le résultat est non seulement spectaculaire, mais surtout très efficace. Pour moi, c’est un vrai coup de foudre.»

Dans les années 90, les mecs du show-biz (Jean-Baptiste Lafond, Éric Blanc, Philippe Guillard, Yvon Rousset et Franck Mesnel) ont soulevé les jupons de cette « vieille bourgeoise » qu’était alors le Racing, secouant en tout sens et dans son entièreté le rugby de tonton Ferrasse et des gros pardessus.

Aujourd’hui retiré des pelouses, le gang du flagrant délire a néanmoins gardé une affection toute particulière pour l’institution qui fit d’eux des gentlemen : « Je me dis qu’un Toulouse - Racing en finale aurait de la gueule, lâche Jean-Baptiste Lafond, arrière du club dans les nineties. Mon club a compris qu’on ne gagnait plus le Top 14 avec un gros pack et un buteur. Cette ligne de feu, cette attaque de rêve me mettent la banane. Même les Toulousains ne sont pas aussi armés que les Ciel et Blanc dans la ligne : Pita Akhi a beau être très fort, il n’a pas la longueur de course de Virimi Vakatawa. »

Mais Geoffrey Doumayrou et les Rochelais, alors ? « La Rochelle aura du mal à contenir les trois-quarts du Racing, poursuit Lafond. Sans Levani Botia au milieu du terrain (le Fidjien est suspendu, N.D.L.R.), ils souffriront sur le plan physique. »

Philippe Guillard : "Kurtley Beale, je suis fan"

À Lille, Laurent Travers et Mike Prendergast ne devraient pas changer d’un iota la ligne d’attaque ayant battu le Stade français vendredi, à Nanterre. Blanc enchaîne : « Maxime Machenaud, qui a traversé des moments difficiles, est redevenu le commandeur. Finn Russell ? Avec son sourire en bandoulière, t’as envie de l’aimer, de le suivre. Gaël Fickou, c’est l’art du contrôle : il dégage autorité et assurance. Même s’il n’a pas retrouvé la totalité de son talent après sa blessure à un genou, Virimi Vakatawa reste un monstre. Teddy Thomas a du Louis Vuitton en lui : l’art de se faire la valise. Donovan Taofifenua grandit à l’ombre des géants et Kurtley Beale brûle le dance floor avec ses appuis de dingue. »

Éric Blanc marque une pause, reprend ses esprits, salue le grand absent Henry Chavancy d’une cabriole et cède la place à Philippe Guillard : « Pendant le derby, je me suis penché sur le profil de « Tao », en me disant qu’il était le seul à ressembler à ce que nous étions. Puis j’ai regardé de plus près : 85 kilos, le gosse ! C’est lui, le petit ? […] Quant à Kurtley Beale, je suis fan. Un numéro 15 doit savoir s’intercaler dans la ligne au bon moment, surgir quand il le faut pour créer la brèche et ça, c’est sa spécialité. Aucun autre arrière n’a ce tempo là. »

En tant qu’ancien ouvreur international, Franck Mesnel a de son côté une admiration toute particulière pour Finn Russell, le meneur de jeu écossais. « Il tente mille choses, sait s’affranchir des consignes. J’aime sa liberté, son culot, son talent. Parfois, il se plante mais son jeu est similaire à celui du grand Barça : au final, tu gagnes parce que tu as marqué plus de points que l’adversaire, n’est-ce pas ? »

Franck Mesnel : "Teddy Thomas incarne le trublionisme maison"

Les Galactiques, encore orphelins de Juan Imhoff, sont pourtant gigantesques depuis cinq matchs. Mais au jeu dangereux des comparaisons, sont-ils bien plus forts que ne l’étaient les gars du show-biz ? Éric Blanc botte en touche : « Nous étions plus glamour, plus play-boys. » Mais sur le terrain, alors ? Yvon Rousset, l’ailier des grandes heures, analyse : « On ne saura jamais si Pelé était meilleur que Platini. Mais aussi prestigieuse notre ligne fut-elle, on connaît aujourd’hui Brett Gosper (ancien trois-quarts centre du Racing) parce qu’il fut le patron de World Rugby et Philippe Guillard parce qu’il réalise des films. Ne nous voilons pas la face : le Racing actuel est dans une tout autre dimension. »

Cela va de soi et, puisqu’il est question de dresser un pont entre les deux époques, Jean-Baptiste Lafond va plus loin : « Les trois-quarts du Racing ont tous de gros ego et en ce sens, ressemblent à ce que nous étions. Comment ces ego vont-ils réagir vendredi soir, lorsqu’ils seront chahutés par les Rochelais ? Hormis « Tao », les trois-quarts du Racing ont tous trente piges et à cet âge-là, tu as tendance à gamberger quand le vent tourne. Attention, danger… »

Et pour le reste, alors ? Le goût de la bringue, le côté subversif, le penchant assumé pour la désobéissance ? « Teddy Thomas incarne le « trublionisme maison », poursuit Mesnel. Il est génial mais doit être parfois un peu casse-burnes, pour ses coéquipiers. Il est facile, parfois un peu laxiste dans ses attitudes. C’est assez drôle, en fait. »

Et ça rappelle des souvenirs à la « Guille » : « Nous avions aussi nos côtés agaçants. Un jour où l’on avait décidé de relancer tous les ballons, Michel Tachdjian (ancien deuxième ligne) a hurlé à Éric Blanc : « Vous nous cassez les couilles, les trois-quarts ! Tapez en touche, merde ! Éric l’a regardé et lui a dit : « Tu ne comprends rien, Michel. T’es un fonctionnaire du rugby. Tu ne connaîtras jamais le grand frisson d’une relance. » On s’était bien marré, ce jour-là. »

La conclusion, elle, va à Yvon Rousset : « Vous parlez de notre ligne de trois-quarts mais j’ai toujours pensé que nos facéties étaient juste un écran de fumée : les nœuds papillon roses et les coupes de champagne à la mi-temps, ça servait juste à cacher la violence de nos avants, qu’ils se nomment Jean-Pierre Genet, Patrick Serrière ou Michel Tachdjian… »

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