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Lamboley : «La saison de Toulouse est déjà réussie, celle de La Rochelle pas encore »

Par Nicolas Augot
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Publié le Mis à jour
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Figure emblématique du Stade toulousain pendant seize saisons, Grégory Lamboley avait rejoint La Rochelle à l’été 2017 pour un dernier défi. Il pose son regard avisé sur cette finale de Top 14.

Vous avez connu les deux clubs et vous avez rejoint La Rochelle qui était en pleine montée en puissance, avec notamment la livraison de l’Apivia Parc, aviez-vous été surpris par son évolution ?

Oui, j’avais vraiment été surpris de l’engouement autour du club et notamment du public qui ressemble énormément à celui du Stade toulousain. Cette ville vit vraiment autour du rugby. Quand j’avais commencé ma carrière professionnelle, le Stade rochelais n’était pas forcément une place forte du rugby français mais le club l’est devenu, avec de très belles infrastructures et des dirigeants qui ont œuvré pour ça. C’est une belle réussite car, en peu de temps, ce club est devenu un des grands favoris, à chaque début de saison, du Top 14 et maintenant de la Coupe d’Europe. C’est un très beau club et j’y ai de très bons souvenirs. Après, je ne vais pas comparer ma carrière au Stade toulousain et là-bas car je n’y ai fait qu’un passage furtif. J’y suis allé car Patrice Collazo m’avait appelé alors que je devais arrêter ma carrière. Mais c’était vraiment sympa.

Vous avez eu comme président René Bouscatel puis Vincent Merling, deux personnes qui sont emblématiques dans leur club. Avez-vous perçu des similitudes dans leurs gestions ?

Je me suis très bien entendu avec les deux. Ce sont des hommes fidèles, très attachés à leur club qu’ils ont su faire évoluer. Maintenant, c’est Didier Lacroix au Stade toulousain qui a vraiment fait tout ce qu’il fallait pour opérer du mieux possible la transition entre Guy Novès et Ugo Mola. Ça s’est très bien passé. Didier a été très bon. Il a redynamisé le club en apportant sa touche personnelle. Mais, c’est vrai qu’entre René et Vincent, il peut aussi y avoir quelques similitudes car ce sont deux clubs qui se ressemblent. Bien sûr, au niveau des supporters, mais aussi par la même vision de ces deux hommes au niveau économique. Ce sont des clubs qui reposent sur des partenaires et non pas sur une seule personne qui met des millions tous les ans. Ce sont des clubs qui économiquement attachent une grande importance aux partenaires. Et Didier a aussi conservé cette philosophie.

Vous auriez pu revenir au Stade toulousain après votre passage à La Rochelle. Pourquoi cela ne s’est-il pas fait ?

Au moment où j’ai pris ma décision, je savais que je le regretterai un jour. J’avais rencontré Ugo par hasard dans Toulouse et il avait besoin d’un joker médical à ce moment-là, car Richie Gray s’était blessé. Il n’avait pas forcément pensé à moi avant de me croiser. Mais il m’a dit que je n’avais arrêté que depuis trois mois. C’était comme si j’avais eu une petite blessure donc il m’a confié qu’il pouvait me reprendre. J’ai passé dix jours très difficiles car c’est quelque chose qui ne se refuse pas. En fait, je me rendais compte que j’avais tourné la page dans ma tête même si j’avais arrêté peu de temps avant. D’ailleurs, je devais faire deux ans à La Rochelle mais je n’y avais passé qu’une seule saison. J’étais allé voir le président Vincent Merling pour lui expliquer que, psychologiquement, je n’étais plus prêt à m’engager aux entraînements et dans les matchs comme j’avais pu le faire pendant toute ma carrière. Il avait très bien compris et m’avait libéré de ma dernière année. Déjà à ce moment-là, j’avais tiré un trait sur ma carrière. Toulouse étant mon club de cœur, quand Ugo m’a rappelé, j’ai de suite pensé que je devais y aller, mais en me levant le matin, je me demandais si je me voyais vraiment m’entraîner, me faire rentrer dans la gueule. En plus, ce n’était pas la meilleure période pour moi de novembre à février. Je lui ai dit que l’hiver, avec les terrains boueux, ça n’avait jamais été mon point fort. On a plaisanté là-dessus et, au final, j’ai pris ma décision. Aujourd’hui, je le regrette car, dans la vie, il vaut mieux avoir des remords que des regrets. Ça ne m’aurait rien coûté et j’aurai pu vivre une belle aventure, surtout que le Stade est champion de France derrière. ç’était vraiment une période compliquée car ça a été le choix le plus dur de ma carrière. Autant être libéré de ma dernière année de contrat à La Rochelle n’avait pas été difficile, car Patrice m’avait fait venir et il partait donc c’était logique de partir. Je n’avais plus trop envie, je n’étais plus trop motivé, autant là c’était différent.

Aujourd’hui, les entraîneurs du Stade toulousain sont vos anciens partenaires. N’avez-vous jamais pensé suivre ce chemin ?

J’entraîne les petits, les moins de 10 ans du Stade, et ça me convient très bien. Cela me suffit amplement. Si j’ai arrêté, c’est parce que justement j’en avais un peu marre de ces week-ends à rallonge, les déplacements, le bus, l’hôtel. J’aurais eu l’impression de repartir dans la même routine simplement en changeant de costume. Ma vie aurait été la même et j’avais envie de me prouver un peu autre chose. Ça ne m’a jamais vraiment attiré. Après, il est certain que si on m’avait proposé quelque chose à la fin de ma carrière, comme entraîneur de la touche, peut-être que je m’y serais un peu plus intéressé. C’est aussi une question d’opportunité comme pour Jean Bouilhou. Au départ, il a fait des études d’ingénieur. Il n’avait pas prémédité de devenir entraîneur et, nous, on ne le voyait pas trop non plus là-dedans. Au final, il a refusé une première fois avant d’accepter avec Ugo. C’est une question d’opportunité. Ce n’est pas venu mais je ne le regrette pas du tout. Je suis avec les moins de 10 car j’aime transmettre et je conserve un petit pied au Stade. Je trouve que c’est bien. Didier a voulu vraiment considérer les anciens quand il a repris le club. Il en a fait revenir à différents postes et je trouve que c’est capital pour faire perdurer l’ADN du club et montrer aux jeunes qui jouent actuellement que, lorsqu’ils seront des anciens, ils seront toujours bien considérés dans ce club. Il est important d’avoir des anciens joueurs dans toutes les strates du club.

On a l’impression que c’est aussi le cas à La Rochelle…

C’est un peu différent puisqu’il faut avoir joué à Toulouse pour entraîner la première. C’est toujours le cas et c’est quelque chose qui perdure jusqu’à maintenant. On ne peut pas prédire l’avenir mais je pense que ça va rester ainsi car le club aura toujours à cœur, surtout Didier, que l’entraîneur de la une ait porté le maillot du Stade. À La Rochelle, c’est différent. On le voit aujourd’hui avec des entraîneurs qui n’y ont jamais joué. Mais c’est vrai, que chez les jeunes, on trouve énormément d’anciens joueurs comme éducateurs et je n’oublie pas que le directeur général Pierre Venayre a porté le maillot de La Rochelle mais c’est un peu moins poussé qu’à Toulouse.

Pour cette finale, c’est difficile de vous demander un pronostic tant votre cœur est rouge et noir.

(Il coupe) On peut avoir le cœur rouge et noir et avoir un pronostic. Mais, quand on est supporter, on ne veut pas trop s’emballer. C’est déjà dur de miser lors des matchs de phase régulière. Sur une finale, c’est encore plus dur de faire un pronostic. On le voit bien sur ces dernières années. Ce n’est pas tout le temps le favori qui a gagné le titre. Une finale, c’est tellement particulier, ça passe tellement vite, c’est tellement différent. Faire un pronostic sur cette finale, c’est vraiment très compliqué, surtout avec le public qui va faire son retour avec 14 000 personnes. Ça va quand même changer la donne après un an à jouer dans les stades quasiment vides. Ça peut aussi modifier un peu le résultat. Mais surtout la préparation d’une finale, c’est très particulier. Les Toulousains ont aussi pas mal de joueurs absents et ils ont encore laissé des plumes face à Bordeaux. La Rochelle est en pleine bourre et arrive en pleine confiance mais les Rochelais n’ont pas l’expérience du Stade toulousain de ces dernières années, avec un titre de champion de France et un titre de champion d’Europe. Enfin, quoi qu’il arrive, je pense que la saison du Stade toulousain est déjà réussie. Du côté de La Rochelle, elle ne l’est pas encore. Il manque quelque chose et les Rochelais attendent ce titre. Ça va être une finale intéressante. En tout cas, c’est largement mérité pour les deux équipes sur l’ensemble de la saison. On a pu entendre dire que la meilleure équipe n’avait pas gagné le week-end dernier, mais je ne comprends pas comment on peut sortir de tels propos au regard de la saison du Stade toulousain, puis surtout au vu du match, où la première mi-temps de la demi-finale est largement dominée par le Stade, même si la deuxième période est mieux maîtrisée par les Bordelais.

Jamais une équipe n’a remporté le Bouclier lors de sa première finale dans l’ère moderne. Vous qui avez préparé, joué et remporté des finales, comment l’expliquez-vous ?

C’est vraiment particulier de monter à Paris ! Les gens extérieurs ou même les supporters peuvent penser que c’est simplement une phrase mais c’est pourtant la réalité. On sait que c’est le dernier match de l’année. Il n’y a plus rien derrière. On sait que nous sommes en vacances le lendemain quoi qu’il arrive. C’est vraiment différent. La semaine avant la finale, on ne s’entraîne quasiment pas. Ce n’est que de la vidéo et des préparatifs. Il y a le voyage avec un départ deux jours avant. L’ambiance est vraiment particulière. C’est pour cela que je dis que l’expérience de ces moments-là est très importante. C’est l’avantage du Stade qui peut compter sur de nombreux joueurs qui ont déjà connu ce niveau de compétition. Et ce n’est pas négligeable. Il y a aussi tout l’avant-match avec ses rituels. On voit le Bouclier en entrant au Stade de France. Forcément, on se remémore nos souvenirs d’enfance, les images de toutes ces finales que l’on a vues à la télé. C’est un match très particulier, qui n’a rien à voir avec une demi-finale ni même avec une finale de Coupe d’Europe. Ça fait partie de l’histoire de notre sport et on le ressent vraiment pendant la semaine.

Lors de votre passage à La Rochelle, ressentiez-vous l’envie de ce club de bouleverser la hiérarchie ?

Je l’ai vu avec Patrice Collazo que je ne connaissais que comme joueur avant d’arriver à La Rochelle. Il est passé par le Stade toulousain et il s’est beaucoup inspiré de la méthode Novès. Pendant les quelques mois que j’ai passés avec lui, j’ai vu beaucoup de similitudes. Il a voulu insuffler ça à La Rochelle et je pense qu’il a quand même réussi car, si La Rochelle en est là aujourd’hui, c’est en partie grâce à lui et à Xavier Garbajosa qui ont monté le club à ce niveau-là. Il n’y a pas que les dirigeants qui ont permis au Stade rochelais de se hisser à ce niveau-là et les deux entraîneurs, qui ont permis à ce club de franchir un cap, sont deux anciens toulousains. Ce n’est pas anodin. Cela prouve quelque chose. Jono Gibbes et Ronan O’Gara ont récolté aussi les fruits de ce travail car on n’arrive pas au Stade de France en un an. C’est un travail de longue haleine et le mérite leur revient aussi. Je pense que Patrice et «Garba» doivent y penser aujourd’hui.

Est-ce la plus belle finale que l’on pouvait avoir ?

Bien sûr, il n’y a pas photo. On ne pouvait rêver mieux. Il manque des joueurs à Toulouse mais il va aussi manquer des joueurs à La Rochelle. Je pense à Botia qui est un homme important mais il n’y a pas plus belle affiche aujourd’hui en France. Ce sont des équipes qui ont envie de jouer avec des hommes de grande classe. Ce sont les deux équipes qui ont dominé le championnat.

Vous avez évolué aux côtés du capitaine Romain Sazy. N’est-ce pas un des joueurs les plus sous côtés du Top 14 ?

Il me fait penser à Jean Bouilhou. Ce sont des très bons joueurs qui n’ont pas eu de sélections en équipe de France, même si je crois que Jean en a eu deux. Ce sont des joueurs de l’ombre, pas forcément très médiatiques. Ce sont des joueurs de touche, aériens. Ils ont tous les deux été capitaines. Ils se ressemblent beaucoup.

Serez-vous heureux pour lui si La Rochelle l’emporte ?

Je serais très heureux que Toulouse soit champion de France pour un doublé historique. Surtout pour cette génération. Il y a l’aspect technique, l’envie de beau jeu et des joueurs de qualité mais il y a surtout un état d’esprit exceptionnel, autour de joueurs comme Cyril Baille, Julien Marchand, Dorian Aldegheri, «Toto» Dupont, Thomas Ramos. Ce sont des joueurs simples, humbles pour qui on ne peut avoir que de l’empathie. On a envie de les suivre et de les encourager car humainement, quand on les connaît, ce sont des garçons tops. Ça se ressent quand ils jouent. Ça fait vraiment du bien. Après, s’il y a bien un club qui le mérite après Toulouse, c’est La Rochelle. Pour le club mais aussi pour la fête que ce serait dans la ville. Je ne l’imagine même pas. Ça va être terrible.

Vous parlez de doublé historique. Pendant toute votre carrière, votre manager a toujours dit que c’était impossible…

Il nous le disait pour nous enlever la pression mais c’était possible pour lui. Il n’avait pas besoin de nous le dire pour qu’on le ressente. Nous ne sommes pas passés très loin en 2008 lors de la finale de Coupe d’Europe face au Munster. On avait une belle équipe et nous arrivons à être champions de France face à Clermont. Effectivement, c’est une occasion en or pour cette génération. Autant, être champion de France ou champion d’Europe, je pense que Toulouse le sera une autre fois dans les prochaines années. C’est une certitude avec cette génération. Maintenant, de là à faire le doublé, j’en suis moins certain. C’est tellement dur d’être à ce niveau-là, de parvenir à se hisser dans les deux finales sur une même saison, donc il faut en profiter.
 

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