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A Toulouse, récit d'un week-end d’ivresse et de folie du doublé

Par Jérôme PRÉVÔT et Nicolas AUGOT
  • Week-end d’ivresse et folie du doublé
    Week-end d’ivresse et folie du doublé DDM - FREDERIC CHARMEUX
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    Week-end d’ivresse et folie du doublé DDM - FREDERIC CHARMEUX
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Samedi, sous un soleil de feu, ce n’est pas un, mais deux trophées que les joueurs toulousains ont présenté au public massé dans la ville rose. Récit de céébrations hors normes, de Toulouse à Leucate.

Saint-Pierre chavira, jusqu’au paradis. Au coup de sifflet final, la célèbre place toulousaine, qui rythme les nuits étudiantes, s’embrasa. Une ferveur populaire d’un monde d’avant retrouvé, pour quelques heures, venait célébrer le vingt-et-unième Bouclier de Brennus du Stade toulousain. Le début d’un week-end de fête, de fêtes, où la ville rose a vibré pour ses Rouge et Noir.

L’envie de faire la fête, de se rassembler après des mois de frustration, après une saison à rallonge vécue essentiellement au travers d’un petit écran et sans la possibilité de disputer cette troisième mi-temps si chère au rugby, a démultiplié la joie des supporters toulousains, heureux de pouvoir enfin savourer les incroyables résultats d’une équipe qui a réussi à conserver son Bouclier de Brennus tout en remportant une Coupe d’Europe pour un incroyable doublé.

La nuit parisienne des héros a été courte, à en juger par les lunettes de soleil devenues obligatoires lors de leur arrivée à l’aéroport. Celle des supporters aussi. Et pourtant, ils étaient bien présents à Blagnac, pour attendre l’avion de leurs joueurs. Une centaine d’irréductibles était déjà là vers 13 heures. Ils ont dû patienter plus de deux heures avant de voir le Bouclier de Brennus faire son entrée dans le hall d’arrivée de l’aéroport. La haie d’honneur se formait naturellement pour accompagner les Toulousains à leurs bus. Avec une casquette "Police" vissée sur la tête, Cyril Baille savourait ce premier contact : "On est heureux de voir tout ce monde. On était impatient de pouvoir faire la fête avec nos supporters, après une année compliquée. Maintenant, nous avons envie de partager notre bonheur. Il paraît que beaucoup de monde nous attend." Le pilier international ne se doutait pas que la foule était déjà compacte, à patienter à Ernest-Wallon sous un soleil de plomb en admirant le bus à impériale. Ce passage dans leur fief permit aux joueurs de prendre une douche, de revêtir le tee-shirt collector de la victoire en Coupe d’Europe qui attendait sagement dans un placard depuis le 22 mai, de retrouver leur famille à la Bodega pour un ravitaillement express pendant que les petites mains du club s’affairaient à préparer la parade, en chargeant le bus de petites bouteilles d’eau nécessaires. Les joueurs, eux, se concentraient pour assurer le réassort en houblon.

Tekori en figure de proue

Le Bouclier de Brennus montait en premier dans le bus à impériale, soutenu par Yoann Huget et Alexi Balès. Ils étaient suivis de près par des champions de France Espoirs, sacrés le 6 juin dernier après leur victoire face à Perpignan à Béziers, qui embarquaient aussi dans le bus avec leur Bouclier. C’est ensuite Maxime Médard qui montait avec la Coupe d’Europe, alors que la foule avait largement acclamé les passages de Thomas Ramos et d’Ugo Mola, sans oublier Cheslin Kolbe qui allait au contact de la foule pour quelques photos. À 16 h 30, le bus affichait complet, avec notamment Joe Tekori qui n’avait pas oublié de prendre ses trophées de guerre obtenus dans cette campagne extraordinaire : un poteau de touche de la finale de Coupe d’Europe et un de la finale de Top 14. Le géant samoan prenait place à l’avant du bus, dans une position aussi surréaliste que dangereuse. D’ailleurs, le deuxième ligne ne tardait pas à tomber de son piédestal en percutant l’arche de l’entrée du stade. Il était un peu plus de 16 h 30 et malgré cette petite frayeur, le bus des champions de France prenait la direction du centre-ville et des allées Jean-Jaurès, pour une parade inédite et repensée en raison des travaux au Capitole qui ne permettaeint de présenter les trophées au balcon de la mairie, comme le veut la tradition. Il était temps: les "ramblas" de la ville rose étaient noirs de monde depuis bien longtemps.

La foule s’était donc massée derrière des barrières métalliques tout au long de l’avenue, avec force, drapeaux et maillots. Une caste supérieure se dessinait, celle qui arborait les cinq étoiles européennes sur la poitrine. Signe de ralliement des plus fervents supporters.

Les joueurs descendent au ras des barrières

Oui, l’attente fut très long. Les gens se sont peu à peu agglutinés sur une dizaine de rangs compacts. Une foule où les masques Covid sont vite tombés, où les commentaires allaient bon train. Chacun se cherchait un lien avec les héros du jour : "Je suis le voisin de Mauvaka" ; "J’étais au collège avec Ntamack" ; "Je croise Tekori au supermarché." À l’heure des smartphones, tout le monde dialoguait avec un ami mieux placé que lui : "Ça y est, ils sont à l’aéroport. Ils sont aux Sept-Deniers ! Ils mangent, ils se douchent !"

Accalmie, alors que les rayons du soleil continuaient de darder les crânes et les échines. À l’angle des allées Jean-Jaurès et des Boulevards Carnot et Arcole, les terrasses des établissements ont été interdites. Question de sécurité. Les patrons se sont rattrapés avec des verres en plastic. Mais les commerçants ne se plaignaient pas trop, dans le quartier, les derniers gros rassemblements populaires, c’était ceux des gilets jaunes, avec de terribles épisodes de violences et de menaces.

Les plus chauds supporters, torse nu et lunettes de soleil, commençaient à escalader les barrières, sans oser les franchir. Ils secouaient les panneaux. Pour d’autres, en équilibre sur les murets de la station de métro, un faux mouvement et c’était la chute de quelques mètres, sur des marches d’escaliers. Miracle, la maladresse fatale n’arriva pas.

Les informations recommençaient à circuler : "Ils sont partis, ils roulent à 40 à l’heure sur la rocade. Mais ils doivent faire monter Jean-Luc Moudenc à Jolimont." La sono déversait désormais de la musique à fond. Un son énorme avec des basses vrombissantes, proches de la secousse sismique. On reconnaissait là "Bande Organisée" du collectif de rappeurs marseillais dont les stars Jul, Soso Manès, SCH : Eminem "When I’m Gone", Future et "Life Is Good", 2 Pac. Évidemment, il vaut mieux aimer le rap. Seule concession au rock, AC-DC et Thunderstruck. Du hard rock venu des antipodes, comme pour célébrer les joueurs venus de l’hémisphère Sud, d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Un DJ ponctuait finalement l’enchaînement des morceaux. Le bruit de la foule au loin s’intensifiait. "Ils sont en haut des allées." Entre les ormeaux, un objet non identifié renvoyait les éclats de l’astre du jour. "Ils sont descendus du bus."

La foule tombait dans l’extase, oui. L’objet chatoyant, c’était bien le Bouclier de Brennus. Il avançait à trois à l’heure, brandi par deux statues calées en figure de proue. Peato Mauvaka et Joe Tekori, vétus d’un maillot de NBA. Ce dernier, extatique, agitait encore et toujours ses deux poteaux, souvenirs Twickenham et le Stade de France.

Mais l’impériale du bus n’était finalement pas engorgée par les joueurs, ils l’avaient plutôt désertée depuis les premiers décamètres des Allées Jean-Jaurès. L’un des deux frères Arnold, des fourmis dans les jambes, avait le premier mis pied à terre pour aller au contact des supporters. Il semblait en fait suivre les espoirs, qui jouaient les poissons pilotes. La majorité des équipiers premiers suivit le double-mètre australien, au ras des barrières métalliques et à la grande stupeur des agents de sécurité et des forces de l’ordre. C’est ainsi que le demi de mêlée Antoine Dupont, calot de policier sur la tête, déambulait avec la Coupe d’Europe pour permettre aux fans de la toucher. Les joueurs faisaient mine de balancer le trophée dans la foule. Les slogans fusaient à gorge déployée : "Tou-lou-sains !" "Qui ne saute pas n’est pas…" On vit même les agents essayer de commander les joueurs pour leur faire activer le pas. Dans leurs yeux, on sentait la menace de la barrière qui cède ou d’une poignée de kamaikazes qui parviennent à sauter le système de fortifications pourtant savamment disposées. Un bus cerné, des joueurs directement entourés par des fans admiratifs, c’était la norme après tout dans un passé de moins en moins récent. La chaleur n’avait pas baissé d’un degré, il n’y avait depuis longtemps plus un masque à l’horizon, comme si le Covid n’avait jamais existé. Ou plutôt, comme s’il fallait l’exorciser après la saison la plus longue de l’histoire.

Samedi chez Tonton, dimanche chez Ginette

à 18 h 30, la parade officielle prenait fin. L’officieuse pouvait débuter. Celle dont la fin n’est jamais connue, celle qui joue les prolongations au-delà du raisonnable, celle qui s’improvise au gré des envies et des délires, notamment capilaires. Elle débutait Chez Tonton bien sûr, poumon de Saint-Pierre, qui se remettait à peine de la folie du vendredi soir. Certains passaient par Victor-Hugo, pour donner le coup d’envoi d’une deuxième nuit de festivités. Dimanche, ils montaient de nouveau dans un bus pour prendre la route de Leucate pour manger sur la plage, chez Ginette, où ils avaient célébré en catimini leur sacre européen. Comme en 2019, Romain Ntamack s’essayait au surf sur le plus célèbre des bouts de bois, alors que certains de ses coéquipiers commençaient à ressentir la fatigue. Pourtant, le coup de sifflet final de cette troisième mi-temps tant attendue était loin d’être donné.

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