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Pierre Venayre (DG du Stade Rochelais) : « Peut-être que l'émotion a été un piège »

Par Romain ASSELIN
  • "Peut-être que l’émotion a été un piège, aussi…" "Peut-être que l’émotion a été un piège, aussi…"
    "Peut-être que l’émotion a été un piège, aussi…"
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Pierre Venayre, directeur général du Stade rochelais dresse un premier bilan de l’historique saison maritime, une semaine après la défaite en finale du Top 14, face au Stade toulousain (18-8). L’ancien centre du club à la caravelle (2001-2008) fonde beaucoup d’espoirs en l’avenir.

Dans quel état d’esprit se trouve le club, cette semaine ?

On est déjà reparti au boulot. Autant il y avait une énorme déception après la finale de Coupe d’Europe car on n’est pas passé loin de gagner (défaite 22-17, N.D.L.R), autant on n’était pas dans les clous en finale du Top 14. Toulouse était nettement plus fort, il n’y a pas de regrets sportifs à avoir sur ce match. On a rapidement basculé et cherché à mesurer ce qui nous sépare encore de Toulouse. Il faut prendre le positif de cette saison fabuleuse et éviter que ce ne soit considéré comme un échec. Le Stade toulousain est encore au-dessus de nous, il nous a battus cinq fois cette saison, dont à deux reprises en finale. Ça montre qu’il reste du chemin à parcourir pour être champion. On est, plus que jamais, déterminé à le parcourir.

Votre président Vincent Merling vous est tombé dans les bras samedi dernier, lors d’une réception en mairie. Un moment très émouvant qui en dit long sur celui déjà parcouru…

À travers cette émotion, il y a aussi le "ouf" que ça se termine. La gestion Covid a été une forme de calvaire cette saison. En même temps, c’est une émotion par rapport à ce qu’on a construit, ensemble. On est parti de loin, du milieu du Pro D2, avec un budget très éloigné des standards du Top 14, un stade trop petit, sans centre d’entraînement. On a mesuré toute l’énergie qu’on a dû y mettre, nous deux, mais aussi et surtout les joueurs, les différents entraîneurs, les partenaires, tous ceux qui font le Stade rochelais. En pensant à tout ça, il y a une part d’émotion. Peut-être que cette émotion a aussi été un piège, d’ailleurs…

Comment ça ?

Elle nous a pris un peu trop tôt. Je pense à ce moment après la demie qui faisait que cette finale avait une forme d’achèvement alors que ça ne l’était pas. Maintenant qu’on y est allé une fois, au Stade de France, ce ne sera plus un exploit d’y retourner. La prochaine fois, on y retournera avec plus de froideur. Pour être performant dans ces moments-là, il faut du sang froid, du réalisme. Tout ce dont Toulouse a fait preuve, de manière admirable.

Vous avez senti le groupe saisi par l’évènement et ce que représente le Stade de France ?

Il y a clairement une part de ça. On a débriefé cette défaite avec le staff et certains joueurs. On a joué à Twickenham, à Édimbourg, dans des grands stades mais le Stade de France est vraiment impressionnant. C’est un monument. Il y a des choses que l’on a mal appréhendées.

Lesquelles ?

Notamment le très long protocole. Les Toulousains étaient très flegmatiques à ce moment-là. Et nos joueurs, agités. Et encore, le Stade de France était à peine rempli au quart. Quand on se retrouve à 50 centimètres du Brennus dans le couloir, le risque, c’est de faire des projections. Comme s’imaginer le ramener sur le port. Les joueurs ont beaucoup parlé de ça, peut-être trop, ça a bouffé des énergies. Et puis il y avait une manière négative, malgré nous, d’aborder ce match en se disant qu’on avait déjà perdu une finale et que, quelque part, il ne fallait pas perdre la deuxième. Ça a rajouté de la pression.

Faut-il lire, à travers l’annulation de la parade prévue le lendemain quel que soit le résultat, le reflet des ambitions d’un club qui ne se contente plus d’une place d’honneur ?

On s’est regardé dans le vestiaire. On sait que ça aurait pu être un moment fort, même avec deux défaites mais on a tellement eu l’impression de ne pas y être pendant cette finale que ça nous semblait déplacé de faire cette parade. J’ai dit au maire, quand je l’ai appelé pour nous excuser, que l’on voulait associer une parade à une victoire. Et que, le jour où ça arriverait, ce serait parce que La Rochelle a gagné un titre, pas simplement réussi une belle saison.

Le club s’est développé avec deux plans pluriannuels, sur la précédente décennie : "Grandir ensemble 2015" et "Ecrire notre histoire 2020". Quelle est la suite ? "Remplir l’armoire à trophées 2025", par exemple ?

(rires)… Non, il faut rester dans la même approche. Un titre ne peut pas être la raison d’être d’un club. Un titre récompense un travail, des progrès, une performance. Notre volonté, c’est de continuer à faire grandir le club. On est conscient d’une chose : nos leviers de développement sont plus réduits qu’ils ne l’étaient en 2010. Notre Stade a été agrandi, notre centre d’entraînement est construit, notre budget a été multiplié par trois. Nous avons rattrapé notre retard, au niveau économique et celui des infrastructures. Puis atteint l’objectif d’avoir une masse salariale qui s’approche du salary cap, donc d’être à un niveau de concurrence de nos adversaires. Maintenant, comment optimiser tout ça pour être encore meilleur demain ?

Comment ?

C’est avant tout lié à notre capacité à optimiser les ressources dont on dispose, surtout les ressources humaines. Être encore plus fort autour de la culture du club. La feuille de route sera communiquée en septembre, pour permettre aux parties prenantes et à notre environnement de savoir où on veut aller et comment on veut y aller.

En ce sens, la promotion de Ronan O’Gara, à la tête du staff, apparaît comme "naturelle"…

Cette transition s’est faite en douceur, en bonne intelligence. Je vois beaucoup de continuité dans notre évolution. Il n’y a pas eu de révolution, notre croissance est progressive. Je pense à Jono (Gibbes) qui a fait un boulot admirable pendant trois ans et qui a apporté une approche nouvelle, anglo-saxonne, au club. Ça nous a fait beaucoup de bien. Leur saison a été très riche. Complexe parfois, aussi. Car quand on a deux leaders qui travaillent ensemble dont un qui émerge, ce n’est pas toujours facile. Mais ça a été fait de manière très respectueuse. Jono s’est vu offrir un projet avec de la visibilité à plus long terme à Clermont. Ronan a émergé, mois après mois, comme un manager potentiel.

"ROG" semble tirer la quintessence de ce groupe-là, ne serait-ce qu’au niveau mental, en rabâchant que ce club doit gagner "tout de suite". Le groupe est désormais imprégné de ce discours…

Je dirais que ça a commencé avec Patrice Collazo. Puis il y a eu Jono et Ronan. Il y a des grands joueurs aussi, qui tirent le groupe vers le haut. Je pense à Doumayrou, par exemple. Ces gens ont déplafonné nos rêves et nos ambitions. Parce quand on vient du Pro D2 et qu’on grandit petit à petit, on continue à se regarder un peu trop longtemps comme un club de Pro D2 qui est monté. C’est ça qu’il faut casser. Le Stade a un nouveau statut à assumer et défendre. Robert Mohr est nommé directeur sportif pour gérer le projet global. Il y a cette complémentarité intéressante entre un ancien joueur du club, présent pour travailler sur le long terme et poser un socle, et quelqu’un comme Ronan qui apporte beaucoup d’énergie et de compétences dans ce projet.

La justesse de votre recrutement est régulièrement louée. Pas forcément le plus clinquant sur le papier mais il s’avère diablement efficace…

Will (Skelton), Brice (Dulin), Dillyn (Leyds) et Raymond (Rhule) ont été très bien ciblés. Robert est là pour coordonner tous les process de recrutement, pour alimenter les réflexions, faire les recherches, gérer les budgets. Le manager, lui, valide et choisit qui vient, qui reste au club. La commission travaille bien ensemble. C’est ce qui fait la réussite. Le recrutement, ce n’est pas juste un joueur qui signe un contrat. Il se termine une fois que le joueur est épanoui au sein du collectif. La manière dont il est accueilli au club, dont il s’intègre, est encore plus capitale. Une part importante du succès est liée à cette force de groupe, qui a été assez exceptionnelle cette année.

Une performance historique s’accompagne régulièrement d’un engouement auprès des plus jeunes. Ressentez-vous déjà un effet sur l’école de rugby ?

C’est compliqué de le mesurer pour l’instant, en mode post-Covid. On n’est pas encore dans la phase de réinscription mais il suffit de se promener dans La Rochelle ou les villages alentour, il n’y a pas beaucoup de maisons sans drapeau jaune et noir ! On a franchi un nouveau cap en termes de notoriété. Forcément, cela aura des retombées positives. Que ce soit d’un point de vue sportif mais aussi sur la conquête de nouveaux partenaires ou la venue d’un nouveau public. On est persuadé que l’engouement va être énorme à la réouverture de la billetterie. Il faudra être capable de saisir la vague (sourire). La complexité de tout ça, c’est qu’on était déjà dans un stade à guichets fermés.

Est-on arrivé au bout de l’évolution de Deflandre ?

Pour l’instant, il n’y a pas de projet de développement de capacité. Quand on regarde les moyennes d’affluence du Top 14, on se trouve déjà au-dessus, pour un bassin de population qui n’est pas gigantesque. Il faut être prudent. Notre objectif, c’est d’être tout le temps plein plutôt que d’avoir un stade, un jour, plein à 25 000 et vide, la semaine d’après, à 12 000. On travaille sur des petites évolutions, dévoilées en septembre, pour améliorer encore l’expérience de nos spectateurs.

2021 a marqué l’essor de la "marque" Stade rochelais, comme en témoigne ce récent rapprochement avec une équipe féminine de cyclisme. Le club de basket rochelais portait, aussi, déjà votre nom. Sacrée entité…

Quand on a un stade plein et que les revenus "jour de match" arrivent à un seuil, les leviers de développement économique pour un club restent sa marque. Avoir une marque forte, c’est un moyen de renforcer son modèle. On n’a pas vocation à devenir une marque multisport et à se disperser. Notre volonté est d’accompagner le club de basket en Pro B. On est très attaché au développement du sport féminin. En vélo, c’est hyper original d’entendre parler du Stade Rochelais, lors des diffusions de courses féminines.

Vous auriez imaginé un jour voir le maillot du Stade rochelais sur les routes du Tour de France féminin ? Peut-être dès 2022, d’ailleurs…

(rires) Ce serait super, on serait très fier, ce serait surtout une magnifique récompense pour l’équipe qui travaille fort depuis des années. J’ai pas mal de copains dans le monde du vélo, le projet les interpelle.

Malgré les déceptions de ces dernières semaines, on vous sent déjà d’attaque, rien qu’à votre timbre de voix…

C’est dans ces moments-là qu’on tire l’énergie et les enseignements qui font avancer. La descente en Pro D2 en 2011 était une grande déception, on s’en était servi pour lancer le premier plan. Aujourd’hui, au sortir de cette crise Covid – qui a paralysé nos réflexions – et de cette saison merveilleuse, ça donne de l’oxygène, de la lumière pour réécrire une nouvelle page de l’histoire du club. On voit la capacité qu’a ce club à rendre les gens fiers et heureux. C’est ce qui nous anime, on a envie de reproduire ça de nouveau.

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