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Frédéric Michalak raconte son rôle de consultant de luxe pour les Bleus

Par Nicolas Zanardi
  • Frédéric Michalak, consultant de luxe du XV de France.
    Frédéric Michalak, consultant de luxe du XV de France. Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Après avoir embarqué dans l’avion des Bleus pour rentrer à Sydney, où il occupe un rôle d’entraîneur des skills pour la franchise treiziste des Roosters, Frédéric Michalak a naturellement intégré la bulle sanitaire du XV de France pendant sa quatorzaine. Un temps que « Freddie » a mis à profit pour donner un coup de main à l’encadrement des Bleus, privés pour la tournée de son habituel spécialiste du jeu au pied Vlok Cilliers ! Récit de quinze jours pas comme les autres…

C’est une histoire comme on les aime. De celles où le professionnalisme n’exclurait pas pour autant l’humanité, où le sérieux d’une tournée du XV de France n’empêcherait pas la « débrouille » artisanale, dans le bon sens du terme… Mais par quel concours de circonstances, nous demanderez-vous, Frédéric Michalak s’est-il retrouvé à réenfiler le survêtement à la cocotte, dans un rôle d’intervenant technique au sein du staff et de la bulle sanitaire des Bleus, ce dont il ne s’est d’ailleurs pas caché sur ses réseaux sociaux ? Pour le savoir, il suffisait de lui poser la question…

« En fait, j’étais en France pour les demi-finales du Top 14 et comme je devais revenir en Australie dans la foulée, j’ai tout simplement demandé au staff du XV de France s’il était possible de profiter de leur vol pour me rendre à Sydney, se marre celui qui endossera encore, jusqu’au mois d’octobre, le rôle d’entraîneur des skills chez les Roosters de Sydney, (une des plus puissantes franchises de la NRL). Je m’étais dit que, quitte à devoir passer par une quarantaine à mon retour en Australie, autant ne pas la passer tout seul dans ma chambre d’hôtel… Voilà, le XV de France a accepté que je l’accompagne. J’en ai profité. »

L’autre partie faisant également d’une pierre deux coups, en demandant à Michalak d’accompagner les buteurs tricolores pendant quinze jours en l’absence du Sud-Africain Vlok Cilliers, empêché de voyager depuis son pays par la pandémie de coronavirus… « Ce n’était pas forcément prévu, mais puisqu’il m’avait sous le coude, le staff m’a demandé de lui donner un petit coup de main. Je n’allais pas refuser, s’amuse le meilleur réalisateur de l’histoire des Bleus. Ils avaient déjà leurs propres systèmes, donc il n’y avait rien à retoucher en termes de stratégie. Pendant ces deux semaines, je suis uniquement intervenu sur tout ce qui touchait à la technique individuelle du jeu au pied. Après tout, c’est le cœur de mon boulot avec les Roosters. La seule et grosse différence avec le XIII, c’est sur le jeu au pied des demis de mêlée qui est très spécifique. »

Les petites joies de l’entraîneur

Voilà comment, après deux semaines à travailler auprès de ses successeurs en bleu, Frédéric Michalak s’est retrouvé à vibrer depuis son canapé devant le match du XV de France, qu’il a forcément regardé au travers de son prisme particulier… « J’ai eu une grosse frayeur sur la grosse occasion d’essai des Wallabies à la 55e, raconte Michalak. On avait bien observé qu’après leurs mauls, les Wallabies jouaient souvent ce type de jeu au pied sous les poteaux typiques du rugby à XIII. Mais c’est toujours difficile à anticiper quand on défend en 14-1, sur sa ligne d’en-but… En plus, Lolesio et Paisami sont tous deux spécialistes de ce genre de coup de pied, ce qui rendait la tâche encore plus difficile pour la défense. Le coup de pied de Paisami était magnifique, vraiment très bien dosé, et il s’en est fallu de très peu… »

Reste que, globalement, le consultant Michalak a plutôt apprécié la prestation de ses nouveaux protégés, qu’il connaissait d’ailleurs très bien pour la plupart. « e trouve que « Titou » Couilloud s’en est très bien sorti. Il s’est certes fait surprendre une fois par un de leurs remplaçants que nous avions identifié comme un très bon contreur, mais globalement, son jeu au pied a été de très bonne qualité, et il a bien pesé sur le match. Je suis surtout content car dans la semaine, Jonathan Danty avait bien travaillé sa longueur et a trouvé un joli dégagement samedi… Idem pour Melvyn Jaminet, qui a poussé l’ouvreur australien à la faute sur un beau torpedo. C’est le genre de minuscule détail qui fait bien plaisir… »

« Cette dernière action, c’est tellement facile de bien la jouer depuis son canapé ! »

Des petites joies d’entraîneur, en somme, qui ne sont toutefois rien en comparaison de la douleur ressentie comme n’importe quel supporter du XV de France devant cette dernière action si cruelle, qui annihila 80 minutes d’efforts…

« C’est la fin de la saison, le staff a été obligé de coacher sur la fatigue des titulaires. De jeunes joueurs sont entrés sur le terrain… Cette dernière action, c’est tellement facile de bien la jouer depuis son canapé ! Notre équipe était jeune et a terminé le match sous pression, voilà, c’est comme ça… La gestion des émotions, ça fait partie de l’apprentissage et malheureusement, c’est une leçon qu’ils retiendront… Tout comme il faut qu’ils retiennent ce qu’ils ont fait de très bien en première mi-temps ! Pendant une demi-heure, le XV de France a été parfait. Les Wallabies étaient perdus, ça se sentait… Mais à partir de là, j’ai senti des moments de flottement. Par moments, on voulait jouer la gestion, alors on ralentissait des ballons qui sortaient pourtant vite… Il y a deux ou trois séquences sur lesquelles je pense qu’on aurait pu aller plus loin, car on sentait les Australiens proches de craquer. Et puis, à partir de la 31e, on a commencé à subir, à faire des fautes… On le doit aussi à la révolte des Wallabies, qui n’ont rien lâché, jusqu’au bout. Je vous avoue que j’ai parfois trouvé l’arbitrage un brin sévère, mais on sait qu’au niveau international ce sont souvent les équipes qui tiennent le ballon qui sont favorisées. Ce qui est sûr, c’est que le coup va être rude à encaisser pour l’équipe. Il va falloir qu’ils le digèrent. »

« J’ai vu une belle génération de mecs qui ne trichent pas »

De quoi redouter une fin de tournée en eau de boudin, après être passé si près d’un exploit ? Michalak est persuadé du contraire, conscient des ressources morales de ce groupe pour l’avoir fréquenté de près. « Tout dépendra de la manière dont ils vont rebondir, et surtout la manière dont ils vont continuer à vivre ensemble, soumet le Toulousain. C’est justement ça qui a été instructif pour moi lorsque je les côtoyais. Quand on n’est pas dedans, on se demande toujours comment le groupe vit : est-ce qu’ils parlent, est-ce qu’ils jouent ? Aujourd’hui, je peux vous assurer que le staff peut s’appuyer sur des joueurs qui ont bon caractère et qui sont très participatifs. J’ai été impressionné par la manière dont les joueurs se sont approprié la rencontre. Ce sont eux qui ont fait les recherches et les analyses sur leurs adversaires, eux qui ont recherché d’éventuels points faibles, eux qui ont préparé le match, tout simplement… Et ça, c’était vraiment très différent de ce que j’ai pu connaître. On a vraiment une belle génération de mecs qui ne trichent pas, et je suis persuadé qu’ils peuvent faire un résultat avant de rentrer au pays. »

« Ce n’était pas prévu mais puisqu’il m’avait sous le coude, le staff m’a demandé de lui donner un petit coup de main. Je n’allais pas refuser... »

Surtout que le contexte de la tournée demeure malgré tout très différent de ce qu’ont pu connaître les Bleus par le passé, avec cette quatorzaine et ces trois tests resserrés, susceptibles de faire mentir l’adage selon lequel le premier test serait toujours le plus abordable, lors des tournées d’été… « Je crois que le staff était parti pour faire un gros turnover en vue du deuxième test, mais il va peut-être changer ses plans. Les Wallabies étaient clairement sous pression pour ce premier test, mais s’agissait-il pour autant du match le plus facile à prendre ? Je n’en sais rien. Il n’y a pas si longtemps, nous avons fait un 6-6 sur notre deuxième test (défaite 6-0 en réalité en 2014, N.D.L.R.). Alors, il ne faut pas être catégorique… »

Passion brûlante

D’autant que pour l’avoir intégré lors de son intérim, Frédéric Michalak croit plus que jamais aux bienfaits du travail du staff de Fabien Galthié. « J’avais rarement vu une équipe d’entraîneurs aussi équilibrée en équipe de France, c’est porteur de confiance pour tout le monde. C’était d’ailleurs assez drôle, pendant ces deux semaines, de redécouvrir des gens que je connaissais très bien comme Raph’, Fabien, William Servat ou Nico Jeanjean avec un autre rôle, d’autres responsabilités. Toutes les portes m’ont été ouvertes sans réserve et on a beaucoup échangé, notamment au niveau du jeu de trois-quarts avec Laurent Labit. Cela m’a permis de voir de près comment travaillait cette équipe de France, et d’aiguiser le regard que je pouvais poser sur elle. »

« Quand on n’est pas dedans, on se demande toujours comment le groupe vit. [...] J’ai été impressionné par la façon dont les joueurs se sont approprié la rencontre. C’était très différent de ce que j’ai pu connaître par le passé, en équipe de France. »

À l’image de cet essai inscrit par Gabin Villière en première main, copié-collé de celui marqué par Vakatawa en Écosse lors de la Coupe d’Automne 2020, que l’attaquant-né que demeure Michalak a apprécié en connaisseur. « Cette combinaison n’a l’air de rien mais elle est très difficile à défendre, parce qu’elle oblige la défense à faire des choix. Sur le terrain, le demi de mêlée qui défend a probablement l’impression que le ballon va aller à son vis-à-vis, ce qui peut l’inciter à anticiper sa montée. C’est ce qui s’est passé sur le coup… Mais de toute façon, si le 9 reste sur l’ailier, c’est la redoublée qui est bonne car le ballon qui devient excellent à jouer au large, ou au pied dans le dos de la défense. »

Oui, à l’entendre parler, la passion est plus que jamais là chez Frédéric Michalak. Brûlante, prégnante, dévorante, à tel point qu’on ne le dérangerait guère à le faire parler rugby pendant des heures, même au plus profond de la nuit australe… De quoi l’inciter à venir distiller d’autres conseils aux Bleus d’ici la fin de la tournée, si l’occasion se présente ? Rien n’est malheureusement moins sûr, confinements locaux obligent. « Peut-être que j’irai voir le deuxième ou le troisième test, je ne sais pas encore, élude Michalak Le problème est que le confinement a été prolongé d’une semaine dans la province de Sydney et que si je me déplace, je ne suis pas à l’abri qu’il ne soit pas prolongé ailleurs, vu l’évolution du virus… Alors, comme je n’ai pas franchement envie d’être coincé une nouvelle fois loin de ma famille juste après avoir vécu la quatorzaine, je vais attendre de voir comment la situation évolue avant de prendre une décision. Ma seule certitude, c’est qu’ils vont encore me faire vibrer, et je l’espère décrocher une victoire. » On ne souhaite pas autre chose, allez…

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