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Le Varsity d’Étienne Dussartre

  • Si Oxford (à gauche) a remporté l’édition 2021 du Varsity Game, Étienne Dussartre qui représentait Cambridge a vécu un moment inoubliable avec notamment la remise du blazer (en haut à droite). L’ancien centre du Racing 92 a inscrit deux points lors ce match historique. Photo Icon Sport et DR
    Si Oxford (à gauche) a remporté l’édition 2021 du Varsity Game, Étienne Dussartre qui représentait Cambridge a vécu un moment inoubliable avec notamment la remise du blazer (en haut à droite). L’ancien centre du Racing 92 a inscrit deux points lors ce match historique. Photo Icon Sport et DR
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Publié le Mis à jour
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Contraint de mettre un terme à sa carrière professionnelle en 2020, l’ancien centre du Racing 92 Étienne Dussartre est parti étudier à Cambridge, ce qui lui a permis de disputer le mythique Varsity Game, remporté par Oxford (34-7) dimanche dernier.

C’est un match mythique. Celui qui oppose une fois par an l’université de Cambridge à celle d’Oxford. Un match pour en découdre entre les futures élites de la couronne britannique, un match pour perpétuer les traditions de la bonne éducation anglaise, pour s’assurer que ce jeu de voyous soit toujours pratiqué par des gentlemen. C’est un match qui offre une plongée dans l’histoire de ce sport, bien au-delà de la jeune Coupe du monde ou même du vieux Tournoi des 6 Nations dont les origines remontent pourtant à 1882. Le premier Varsity Match a été joué dix ans plus tôt, ce qui en fait une des plus vieilles compétitions au monde.

Jouer le Varsity marque un homme à vie. C’est une fierté inexplicable, un diplôme qui n’en a pas le nom. Étienne Dussartre, ancien trois-quarts centre du Racing 92, Grenoble et Soyaux-Angoulême a eu la chance de le disputer dimanche dernier pour y défendre les couleurs de Cambridge, lui qui avait été contraint de mettre un terme sa carrière de joueur professionnel la saison dernière, après une grave blessure à un genou en 2019. "J’avais discuté avec plusieurs chirurgiens qui m’ont dit d’arrêter."

Déjà titulaire d’une licence et d’un master en finance depuis son passage au Racing 92, Étienne Dussartre était en quête d’un nouveau défi : "J’avais envie de finir mes études. J’avais déjà eu l’idée de venir à Cambridge donc j’ai postulé. Quand j’ai été pris, ça a été un peu libérateur. J’avais un challenge suffisamment excitant pour rebondir et faire le deuil de mes années de rugbyman professionnel. Le Varsity était aussi une des raisons de ma venue. Je me suis dit que j’avais encore une chance de disputer un match de bon niveau, un match mythique sans les contraintes du rugby pro car les chirurgiens avaient été clairs : je ne pouvais plus continuer à m’entraîner tous les jours. Mon ligament croisé antérieur avait mal cicatrisé. Je voulais boucler la boucle sans m’investir trop, même si l’incertitude par rapport à mon genou était grande."

Après un début d’année sans grande pression, à raison d’une à deux séances d’entraînement par semaine avec le report du Varsity au mois de juillet alors qu’il est traditionnellement disputé en décembre, les entraînements se sont néanmoins intensifiés à partir du mois d’avril. "Mais dès le début de l’année, le match face à Oxford est dans toutes les têtes. C’est le seul objectif de la saison, avec quelques matchs amicaux pour le préparer, car il n’y a pas de championnat. J’avais déjà joué en universitaire en France, avec Dauphine où c’était vraiment le plaisir qui primait, en toute décontraction. Je me suis vite rendu compte que c’était différent en Angleterre. Le niveau moyen des joueurs est plus élevé de par le système du rugby anglais. Ici, le rugby scolaire est de très bon niveau et les joueurs ont plutôt tendance à jouer pour leur école que pour un club jusqu’à leur 17 ou 18 ans. J’ai vraiment été surpris du sérieux et de l’implication de tout le monde, de l’exigence des entraîneurs, et du programme concocté par le préparateur physique."

"Soit tu gagnes et c’est exceptionnel, soit tu perds et c’est une plaie à vie"

Au fil des mois, celui qui suit le master de Business Administration a pu mesurer toute l’importance de cet événement. "Un joueur de mon équipe a refait un master car il n’avait toujours pas joué le Varsity lors de ses études. Il avait été remplaçant, sans entrer en jeu et, donc, il n’était pas considéré comme un Blues. Il a voulu se redonner une chance de jouer ce match et c’est enfin arrivé dimanche dernier." Le Varsity est un passeport inestimable. "Y participer est une réussite. Les joueurs savent qu’on va leur en parler, ils savent qu’ils en parleront à leurs enfants et leurs petits-enfants. Ils savent qu’ils entrent dans le cercle restreint des joueurs qui ont disputé ce match. C’est une fierté pour l’ensemble de leur famille. C’est un match dont je me souviendrai, même si je vais essayer d’oublier le score. C’est totalement différent de ce que j’avais pu connaître. C’est tellement particulier. C’est en dessous du niveau professionnel mais en termes d’implication et tout ce que ça représente, c’est quelque chose d’extraordinaire. Beaucoup de joueurs ne le jouent qu’une fois. Soit tu gagnes et c’est exceptionnel, soit tu perds et c’est une plaie à vie. Il y a eu beaucoup de larmes à la fin du match. Ce n’est pas comme une finale de championnat où tu as déjà fait un bon parcours pour y arriver."

La déception de la défaite est à la hauteur des rites d’avant-match, qui commencent dès le lundi précédant la rencontre : "Cela commence par l’annonce de l’équipe. Le capitaine fait traditionnellement le tour de Cambridge à vélo pour toquer aux portes des joueurs et leur annoncer s’ils sont pris pour le match. C’est le premier événement de la semaine. Puis, nous avons eu un discours d’un joueur de 1999. Nous étions habillés en blazer et en cravate. Nous avons ensuite eu la remise des maillots le mercredi, dans une salle de réception d’un collège de Cambridge. Il faut s’imaginer cette réception dans un bâtiment qui a plus de 800 ans et qui est magnifique. Nous avons ensuite fait la photo d’équipe. Le jeudi, nous avons assisté au match de l’équipe 2, avant une cérémonie avec des anciens joueurs pour porter un toast au match à venir."

Entre deux événements, Étienne Dussartre, annoncé titulaire à l’ouverture, a dû aller acheter le blazer de l’équipe. Celui qui ne peut être porté que par les joueurs qui ont disputé le Varsity. "Tu n’as le droit de le porter qu’après le match. Les remplaçants ne l’achètent pas. Ceux qui ont eu la chance d’entrer en jeu font un discours dans le bus lors du chemin du retour. Ils demandent à des joueurs qui ont déjà eu la chance de porter le blazer de leur prêter pour la soirée. Je me suis rendu compte à quel point ils étaient émus en le demandant, quelle fierté ils avaient à le porter."

C’était le début d’une troisième mi-temps "où les codes sont internationaux, à ce niveau-là. C’était la fin des sacrifices après quinze jours où nous avons subi, des tests antigéniques tous les jours. C’était aussi l’occasion de fêter la fin du parcours universitaire pour beaucoup. Il fallait aussi célébrer cette expérience enrichissante. C’était clairement la dernière fois que je m’impliquais autant, plus qu’il n’en fallait. Je me suis régalé car j’adore le rugby mais ça sera beaucoup plus folklorique à l’avenir. Je me suis dit que je serrai les dents lors des quatre dernières semaines, plus intensives. Mais je n’aurai pas fait autant d’efforts pour un match classique."

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