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Maxime Mermoz : « En 2011, les All Blacks nous ont mis une belle carotte »

Par Marc DUZAN
  • Maxime MERMOZ - 23.10.2011 - France / Nouvelle Zelande - Finale de la Coupe du Monde de Rugby 2011 - Auckland  -  (Angleterre)
    Maxime MERMOZ - 23.10.2011 - France / Nouvelle Zelande - Finale de la Coupe du Monde de Rugby 2011 - Auckland - (Angleterre) Amandine Noel / Icon Sport - Amandine Noel / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Il y a tout juste dix ans, Maxime Mermoz était le trois-quarts centre de l'équipe de France qui disputait le Mondial néo-zélandais. Il revient aujourd'hui, et sans le moindre filtre, sur l'une des aventures les plus intenses de sa vie d'homme, parle des « sales gosses », de Craig Joubert et des All Blacks...

Il y a tout juste dix ans, le coup d'envoi de la Coupe du monde 2011 était donné à Auckland. Que vous reste-t-il, aujourd'hui, de cette aventure ?

C'est marrant... J'ai l'impression que le stage de préparation au Mondial m'a plus marqué que la compétition en elle-même. Je garde par exemple quelques merveilleux souvenirs de notre passage au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), au mois de juillet précédant la Coupe du monde.

 

Pourquoi ?

Là-bas, on nous avait déposés en pleine nature pour faire un solide parcours en forêt. Après ça, un éleveur de Huskies nous avait réveillés aux aurores pour nous conduire en montagne, avec ses chiens. Le soir, on dormait parfois chez des agriculteurs de la région, on goûtait leurs produits, tout ça... C'était chouette...

 

A quoi ressemblait cette équipe de France ?

C'était un groupe composé de forts caractères, de joueurs qui étaient quasiment tous capitaines en club. Moi, j'avais 25 piges et je ne faisais pas de bruit. [...] Il s'est passé plein de choses pendant le Mondial, plein de choses dont je n'avais pas conscience. J'étais un gamin, je voulais simplement kiffer l'aventure.

 

Les premiers matchs du XV de France n'ont pas été de toute beauté, en Nouvelle-Zélande...

(il soupire) Que voulez-vous que je vous dise ? Les mecs qui décident des calendriers, au rugby, devraient réfléchir un peu plus : on joue les Coupes du monde en plein hiver et sous des putains de trombes d'eau. Je me souviens que contre le Canada, le ballon était comme une savonnette et le terrain gras comme tout... Hé quoi ? Vous voulez du jeu, les mecs ? Mais faîtes-nous jouer en été, alors !

 

Le calendrier international est un vaste débat...

Il faut aussi dire qu'à l'époque, certains de nos avants aimaient bien ne pas avoir le ballon. Ce n'est pas un manque de respect, ça faisait partie de l'ADN de cette équipe. Aujourd'hui, tu as besoin de huit « Imanol Harinordoquy » dans un paquet d'avants. A l'époque, ce n'était pas le cas.

 

Que vous demandez le staff, au juste ?

Le discours de Marc Lièvremont n'a jamais été restrictif. Quant à Emile Ntamack, j'étais lié à lui depuis mes 17 ans. J'avais disputé mon premier match en pro (à Toulouse) à ses côtés, il m'avait entraîné en Espoirs à Toulouse et chez les moins de 20 ans français...

 

Peu avant de sombrer face au Tonga, le XV de France avait affronté les All Blacks à l'Eden Park. Vous aviez même marqué un essai, ce soir-là...

Ouai ! Sur ce coup-là, j'intercepte une passe de Dan Carter. Je le vois armer sa passe, je tente et ça fonctionne. En sortant du terrain, je me suis aussi fait chambrer par Sonny Bill Williams, qui m'a donné un petit coup de pied au cul pendant la haie d'honneur.

 

Il ne vous appréciait pas ?

Non, au contraire. On était proches ; c'était un signe de sympathie de sa part ; même si en voyant les images, les gens ont pensé le contraire.

 

Parlez-nous du Tonga, s'il vous plaît...

On ne les a pas pris de haut, ce jour-là. On a juste marché à côté de nos pompes. Et puis, les Tonguiens ont probablement joué à Wellington le match de leur vie. Derrière, ce n'étaient pas des génies mais ils cognaient fort. Devant, leur pilier (Sona Taumalolo) était en feu. Ils s'emmerdaient pas, hein : ils prenaient le milieu puis renversaient, pétaient au centre et changeait de sens... Voilà... Ca avait duré quatre-vingt minutes...

 

Que s'est-il passé, après ?

Marc Lièvremont nous a réunis. Il a décidé de prendre du recul, de responsabiliser les joueurs. C'est ce que j'ai toujours aimé chez ce sélectionneur. Il était honnête, droit, intelligent... De toute façon, il savait qu'on ne pouvait pas continuer comme ça...

 

Etait-ce une autogestion ?

Oui et non. En tout cas, ce n'est ni Imanol (Harinordoquy) ni le Yach (Dimitri Yachvili) qui faisaient la compo d'équipe, si telle est votre question.

 

D'accord.

Après le Tonga, on s'est pris en mains et moi, je suis un peu sorti de ma coquille. Contre l'Angleterre, je me souviens par exemple avoir constaté que les défenseurs pressaient dans la zone du numéro 10 mais ne montaient jamais sur l'extérieur. J'ai alors demandé à Morgan (Parra) de redoubler une attaque classique et, au bout, Max Médard a été décalé et a marqué. [...] C'était génial, avec Parra : vu que c'est un numéro 9 de formation, il était au service du jeu et avec lui à la manœuvre, on pouvait faire ce qu'on voulait. 

 

François Trinh-Duc, qui avait débuté la compétition à l'ouverture, a-t-il été déstabilisé par cette mise à l'écart ?

Probablement, oui. La pénalité qu'il tente des quarante-cinq mètres en finale, il l'aurait peut-être mise s'il avait été en confiance.

 

Lui dit que personne ne voulait la prendre, cette pénalité de la soixante-cinquième minute...

C'est vrai. Dimitri Yachvili était un peu blessé, Morgan Parra était sorti et Damien Traille avait dit non...

 

Aviez-vous été un peu déstabilisé par les médias locaux avant la finale ?

Et pas que par eux ! Je me souviens de certains anciens internationaux français qui, en plateaux, disaient que nous étions la honte du rugby mondial... Après le match, ils fanfaronnaient devant les caméras en disant que le rugby français était capable de tout... […] A l'hôtel, tout ce cirque nous faisait franchement rire. Moi, j'ai toujours eu besoin d'être critiqué pour me sortir les doigts du cul et être bon.

 

Ah...

L'attente autour de l'équipe de France est toujours immense. Pourquoi ? En Irlande, personne ne casse les c... à la sélection parce qu'elle n'a jamais franchi les quarts de finale de la Coupe du monde.

 

Après la demi-finale face à l'Angleterre, certains joueurs ont fait la bringue. Marc Lièvremont les avait alors traités de « sales gosses » face à la presse. Cela vous a-t-il choqué ?

Non. C'était juste affectueux. Quand quelqu'un te traite de « sale gosse », c'est qu'il te considère comme son gosse. Marc avait un vrai amour pour ses joueurs. Il ne comprenait pas pourquoi certains mecs lui chiaient dessus. (il marque une pause) En Nouvelle-Zélande, tout le monde savait que les All Blacks se mettaient des caisses après leurs victoires et avaient quelques alcooliques dans l'équipe. Mais bon... Quand tu es fort comme ils l'étaient, tu peux faire ce que tu veux. Nous, on galérait depuis le début de la compétition. On s'était sorti des ronces par miracle et allions disputer une finale de Coupe du monde quelques jours plus tard. Le moment était peut-être mal choisi...

 

Etes-vous sorti, vous, après la demi-finale ?

Non. Je sors très rarement et ça m'a d'ailleurs joué des tours, dans ma carrière .

 

Pourquoi ?

Les mecs disaient que je me la racontais, que je préférais rester seul, que j'étais nul... Mais l'alcool me rend malade comme un chien, voilà tout. Et puis, les troisièmes mi-temps sont parfois assez primaires : passé une heure du matin, il arrive toujours un truc merdique. Moi, j'aime bien garder un brin de lumière dans le cerveau.

 

On vous suit.

Chez certains, c'est pourtant devenu une maladie. Ils ont besoin de boire. J'ai parlé avec des coachs qui me disaient : « la femme d'untel a caché l'alcool dans le garage parce qu'il picole comme un trou ! » Moi, je n'ai pas cette culture là. J'ai quitté mes parents à quinze piges et fait d'énormes sacrifices pour devenir professionnel. Je ne voulais pas tout foutre en l'air pour quelques litres de whisky.

 

Vous êtes-vous parfois senti exclu des groupes que vous avez côtoyés ?

Oui, pour des raisons diverses. Quand j'étais en rééducation à Toulouse, il y a deux ans, je bossais seul de 8 heures à 15 heures puis je faisais ma vie, je profitais, je postais des photos sur les réseaux sociaux. J'ai alors été convoqué par les dirigeants. Ils m'ont dit : « Ne t'expose pas, Max. Tu es assez intelligent pour comprendre qu'en te voyant ainsi, les gens font des raccourcis ».

 

Que répondiez-vous ?

« Vous, vous êtes en tout cas assez cons pour les faire, ces raccourcis ! J'ai 34 piges et je ne vais pas m'excuser de vivre ! » Tout ça, le groupe me l'a fait payer. Mais ce n'est pas grave. J'ai fait le deuil.

 

Terminons sur le Mondial 2011 : pensez-vous avoir été malmené par l'arbitrage de Craig Joubert, au soir de la finale ?

Il y a matière à gueuler, oui. Sur le terrain, c'était la piscine. Kaino, McCaw et compagnie sautaient partout dans les rucks. Je revois encore McCaw plonger, se relever et regarder l'arbitre. Et Joubert a juste dit : « Ca joue ! Y a rien ! » L'enjeu était tellement énorme pour la Nouvelle-Zélande qu'il était impossible que les All Blacks perdent.

 

C'est la légende, en tout cas...

Derrière ça, ils ont essayé de faire passer la pilule en élisant Thierry Dusautoir meilleur joueur du monde. « Titi », c'est un immense joueur, un super capitaine, un troisième-ligne ahurissant. Mais avant 2011, on n'élisait jamais le perdant d'une finale « meilleur joueur du monde » . J'ai l'impression que tout était orchestré. Ils nous ont mis une belle carotte , quoi...

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