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Le rêve bleu de Maxime Lucu

Par Pablo ORDAS
  • Maxime Lucu devrait être appelé par Fabien Galthié pour la tournée de novembre.
    Maxime Lucu devrait être appelé par Fabien Galthié pour la tournée de novembre. Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Appelé à trois reprises par Fabien Galthié pour des stages, le demi de mêlée de l’UBB n’a encore jamais eu la chance de porter le maillot du XV de France. Féru de travail, l’ancien biarrot s’est construit, au fil de sa carrière, la réputation d’un joueur humble et généreux sur le terrain, comme peu le sont.

La scène s’est déroulée le 4 septembre dernier. Sept ans après l’avoir quittée, Biarritz retrouvait l’élite du rugby français et battait l’UBB avec la manière (27-15). Maxime Lucu jouait dans le camp girondin. Après le match, malgré la défaite, il s’offrait un tour d’honneur pour saluer un public, son public, celui qui l’a tant chéri pendant de longues années. Les supporters rouge et blanc, encore nombreux dans le stade quelques minutes après le coup de sifflet final étaient là. Debout, à acclamer leur ancien chouchou qui, bien que désormais joueur de l’UBB, a gardé une place à part dans leurs cœurs.

S’il n’est pas étonnant de voir un joueur être applaudi lorsqu’il affronte son club formateur, il est en revanche plus rare d’observer un garçon et son ancien public communier de la sorte. Une telle ovation est-elle surprenante ? Certainement pas.
En défendant pendant cinq ans les couleurs du BO chez les professionnels, le gamin de Saint-Pée-sur-Nivelle a laissé une trace indélébile au sein du club basque. Celle, avant tout, d’un meneur d’hommes, généreux comme peu le sont sur le terrain et doté d’une humilité remarquable. Alban Placines, qui a joué à ses côtés pendant huit saisons, décrit : « Maxime est assez discret de prime abord. Mais quand on le connaît, il a un gros caractère. Le moment où il le cache le moins, c’est sûrement sur le terrain. On le voit être un gros gagneur et avoir des gestes vraiment forts. »

Il est vrai que Maxime Lucu est à ranger au sein de la catégorie des joueurs expressifs sur le pré. Il est capable de s’enflammer sur une pénalité ou un ballon gratté et aime haranguer son public. « Je ne sais pas si ça aide à motiver mes coéquipiers, parce que des fois, ils se moquent un peu, sourit le joueur de 28 ans. Ils me disent que je suis un peu fou, mais ce sont des trucs qui me servent à entrer dans une rencontre. J’ai besoin de me retrouver là-dedans. Je n’arrive pas à faire de bons matchs lorsque je les traverse sans émotion. C’est parfois un peu trop. Je peux gueuler sur une mêlée alors qu’il n’y a rien, mais ça me fait du bien. »

Garçon entier, doté d’une certaine « grinta », le demi de mêlée est de ceux qui prennent vraiment les choses à cœur. « C’est un joueur avec une générosité énorme, sur et en dehors du terrain. Il a une humilité assez impressionnante », loue Gonzalo Quesada, qui l’a entraîné sur la Côte basque pendant une saison. « C’est une personne géniale, hyperinvestie, autant dans le rugby que dans la vie », ajoute Alban Placines. « Au BO, il finissait les saisons un peu rincé. Il était capitaine, des fois, le club était un peu dans le dur et ça le marquait. À Bordeaux, dès qu’on le bouge un peu, je sais que ça l’énerve pas mal », complète son grand frère Ximun Lucu.

Un acharné de travail

Évoquer la personnalité de Maxime Lucu, c’est aussi parler d’un acharné de travail, un gros bosseur qui se donne les moyens d’obtenir ce qu’il veut. Garçon talentueux, sans être non plus surdoué, il est arrivé à ce niveau à force de travail. Il n’y a pas de secret dans le sport. C’est souvent la clé de la réussite. « Pour devenir professionnel, il faut avoir un minimum de talent, concède celui qui s’est construit en Pro D2, à une époque où le BO tanguait parfois. Mais par rapport aux autres, j’étais en dessous. C’est le travail qui m’a permis de rattraper le retard que j’avais. » Ximun Lucu, développe : « Il a un peu basé sa carrière sur ça. Même chez les jeunes, il bossait beaucoup. Ça lui a souri. » Alban Placines, enchaîne : « C’est quelqu’un qui vient toujours plus tôt et qui finit toujours plus tard. Il prend beaucoup de temps pour buter, travailler son jeu au pied, ses sorties de camp. Il n’est pas au niveau où il est actuellement pour rien. »

D’ailleurs, ses différents coachs ont dû calmer le rythme du demi de mêlée dans sa jeunesse. David Darricarrère, qui l’a entraîné au BO entre 2015 et 2017, développe : « Deux ou trois fois, il a fallu le freiner, car cette frénésie de travail le mettait parfois en danger physiquement. Mais j’ai l’impression que plus il travaille, plus il prend de plaisir. » Elle est peut-être là, sa force principale. Pour Lucu, le rugby est un jeu, un rêve de gamin. Même si c’est devenu aujourd’hui son métier, il est toujours animé par cette passion restée intacte depuis ses débuts à l’âge de quatre ans. Gonzalo Quesada explique : « C’est un acharné de travail, tout simplement parce qu’il adore ce qu’il fait. Ça paraît paradoxal, car tous les joueurs professionnels devraient être comme ça. La plupart aiment évidemment jouer au rugby et se préparer, mais Max est un fanatique de ce sport. Il vit pour ça. Pour pouvoir plus s’éclater sur le terrain, il se prépare comme il faut. J’ai entraîné de nombreux joueurs. Il fait partie de ceux qui aiment le plus jouer au rugby. »

 

Quesada : « Avoir un numéro neuf aussi courageux, c’est un avantage »

Ses qualités ont fait de lui un demi de mêlée complet, un des cadres de l’UBB après avoir longtemps été le pilier du Biarritz olympique, et un exemple de longévité sur un terrain. Au BO, il jouait entre 27 et 30 matchs par an. À Chaban-Delmas, il est devenu le numéro neuf le plus utilisé par Christophe Urios, et après s’être vite adapté au Top 14, ses performances ont tapé dans l’œil de Fabien Galthié.

Ainsi, il a été appelé à trois reprises par le sélectionneur (deux fois pendant le tournoi de 2020, puis en juin 2021). Sans pouvoir, pour autant, porter le maillot bleu. La faute à une concurrence accrue au poste, puis à une pubalgie aux adducteurs, cet été, qui l’a empêché de s’envoler pour l’Australie, où il aurait très certainement connu sa première cape. « Il ne savait pas s’il devait jouer avec la douleur ou pas, confie Ximun Lucu. Il a pris la décision de ne pas y aller, mais ça l’a marqué mentalement. Il m’avait appelé dans la nuit, après avoir eu Fabien Galthié pour lui annoncer qu’il ne pourrait pas y aller, et m’avait dit : « je ne sais pas si j’ai fait une connerie. »

Quatre mois plus tard, celui qui fut capitaine du BO dès l’âge de 23 ans, revient sur cet épisode douloureux : « Nous venions de perdre avec l’UBB en demi-finale de Top 14. Il y avait cette déception-là. Je traînais cette blessure depuis deux mois. Quand j’ai appris la sélection, je ne pouvais pas me permettre d’y aller à 50 % pendant six semaines. Je ne me voyais pas arriver là-bas ainsi et piquer la place d’un mec à 100 %. J’ai préféré être honnête avec le staff plutôt que de mentir sur ma situation. »
Désormais de retour au meilleur de sa forme, il espère enfin enfiler la tunique tricolore, afin d’accrocher une première sélection. « Ce maillot bleu m’intéresse énormément, avoue-t-il. Depuis que j’ai fait ce match en tant que 24e homme à Cardiff (février 2020, N.D.L.R.), je me suis toujours donné comme objectif d’être à cette place un jour. Je ne passe pas loin, mais il y a de très bons joueurs à mon poste. Il faut donc être humble et bosser, mais c’est sûr que je rêve de porter ce maillot un jour. » Aura-t-il l’occasion de l’enfiler dès cet automne ? Réponse imminente.

Lucu est un compétiteur, et s’il connaît une première sélection dans les mois à venir, il ambitionnera tout naturellement de rester dans le groupe France jusqu’au mondial 2023. À ce sujet, Quesada, manager du Stade français analyse : « Il y a de très bons numéros neuf en France, mais je pense qu’il a complètement sa place chez les Bleus. Vous savez, Max a la gagne en lui. C’est le joueur en France qui a le plus de facilité avec ses deux pieds. C’est un excellent buteur, un énorme défenseur. Avoir un numéro neuf aussi courageux et bon défenseur autour des rucks, c’est toujours un avantage, d’autant qu’il possède une très belle passe. Je ne suis pas surpris de le voir aux portes de l’équipe de France et je le serais encore moins si je le vois dans le groupe pour la coupe du Monde 2023. »

Pour le Senpertar, jamais sélectionné dans les sélections nationales chez les jeunes, forgé dans la rudesse du Pro D2 à Biarritz, ce serait une consécration. « Mon schéma de carrière n’était pas préétabli, mais c’est tout aussi beau, affirme-t-il. C’est bien, aussi, de voir d’où tu viens grâce au travail. Il y a eu énormément de parts de chance dans mon chemin, mais ça prouve, pour tous les jeunes, que si tu crois en toi, tu peux y arriver… »
 

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