Congé paternité et rugby pro sont-ils compatibles ?

Par Nicolas ZANARDI
  • Timoci Nagusa a choisi de profiter pleinement de son congé paternité, une première dasn le rugby pro. Photo Icon Sport
    Timoci Nagusa a choisi de profiter pleinement de son congé paternité, une première dasn le rugby pro. Photo Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Cette semaine, l’ailier fidjien Timoci Nagusa a créé un drôle de précédent en faisant valoir son mois de congé paternité auprès de son employeur du FC Grenoble. Une première dans le monde du rugby, révélatrice d’une évolution des mœurs ou vouée à rester un cas isolé ? Vaste question…

Pour tout dire, depuis le premier juillet et l’annonce par le président Macron du passage de 14 à 28 jours (dont sept obligatoires) du congé paternité, on s’était posé la question, sans en imaginer la réponse. Un rugbyman professionnel allait-il en profiter pour faire valoir ses droits, en pleine saison ? Honnêtement, on ne l’imaginait pas une seconde. Ou en tout cas, pas si vite… Il n’a ainsi suffi que de trois mois pour dénicher un cas susceptible de faire jurisprudence, à savoir celui de l’ancien ailier du MHR Timoci Nagusa, qui a officiellement annoncé sur le réseau social Twitter vouloir se consacrer plus à sa famille, dans le sillage de la naissance de sa fille, et la fin de sa carrière approchant. «Après la naissance de ma petite fille la semaine dernière, j’ai décidé de prendre mon congé paternité pour aider ma femme le mois qui arrive, le temps qu’elle se repose. Sans aucune hésitation, sachant que quand le rugby s’arrêtera, seule la famille restera.» Une requête à laquelle le FCG n’a évidemment eu d’autre choix que d’accéder, ainsi que nous le confirmait dans la semaine le manager Fabien Gengenbacher. «Un joueur professionnel est un salarié comme un autre, lui et son employeur sont soumis aux règles du droit du travail. Du point de vue légal, sa demande était tout à fait légitime.» Mais le reste-elle d’un point de vue «moral» vis-à-vis de son staff et de ses coéquipiers, ou tout bonnement en se bornant à des considérations sportives ? Là réside toute la question…

Morale et privilèges

En effet, si l’initiative de Timoci Nagusa a été plutôt très bien reçue et comprise par le grand public (même le compte de la Ligue Nationale de Rugby lui a publiquement adressé ses félicitations), c’est évidemment beaucoup moins le cas de la part du microcosme et de son club… En premier lieu, il s’agit de préciser que Timoci Nagusa n’a pas encore disputé la moindre minute cette saison, le staff jugeant depuis la reprise son état de forme insuffisant. L’homme aux 80 essais en Top 14 aurait-il pris la même décision de profiter de son congé parental, s’il n’avait pas été en froid avec ses entraîneurs ? Si l’intéressé aura beau jeu de répondre par l’affirmative, on pourra toujours en douter…

Par ailleurs, la demande de Nagusa n’en a pas moins laissé les observateurs sceptiques, à commencer par l’ancien ouvreur du Lou Jonathan Wisniewski, interrogé à ce sujet sur le plateau du Late Rugby Club. «C’est particulier, ça me laisse un peu sans voix. Quand on est rugbyman pro, on a une vie qui est quand même déconnectée de la réalité. On évolue dans des univers privilégiés, on gagne bien sa vie, on vous lave votre linge, on prépare vos repas… On n’a pas la vie de Monsieur et Madame Tout-le-monde, donc ça me paraît compliqué de vouloir bénéficier des mêmes privilèges que ceux qui gagnent moins bien leur vie et en ont vraiment besoin.»

Cela d’autant plus qu’en stoppant les entraînements pendant un mois, avec les nuits qui vont avec un bébé, on peut facilement estimer qu’il faudra après un mois de congé paternité au moins autant de temps à un joueur pour retrouver un niveau de forme compatible au haut niveau. Pas forcément de nature, là encore, à satisfaire les clubs employeurs…

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