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Le centième anniversaire du rugby : récit de matchs de légendes entre sélection mondiale et Angleterre

Par Olivier Margot
  • L'équipe de la sélection mondiale
    L'équipe de la sélection mondiale Midi Olympique - Midi Olympique
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Il y a cinquante ans, quand le noble jeu était encore un art de la surprise, le rugby anglais fêtait son centenaire. Aujourd’hui quelque peu oublié, l’événement fut pourtant considérable, mariant le poids d’une dynastie au frisson de l’inédit.

La Rugby Football Union, née à Londres le 26 janvier 1871 au Pall Mall Restaurant de Charing Cross, privilégia l’audace, la stupeur et le plaisir, choisissant avec soin une sélection mondiale intitulée XV du Président. Quatre matches furent programmés, le dernier à Twickenham, en présence de la reine Elizabeth et du prince Philip. Plus qu’une sélection, il s’agissait d’un défi : pour la première fois, des Springboks vivant sous le régime de l’apartheid allaient se confondre avec deux Maoris, Bryan Williams et Sidney Going, deux Fidjiens, Quoro et Barley, en match, au vestiaire, à table, à l’hôtel... Cinq Français, et non des moindres, participeraient à ce renversement de l’Histoire : Pierre Villepreux, Christian Carrère, Joseph Maso, Élie Cester, Roland Bertranne.
Pierre Villepreux raconte : « Le premier match eût lieu le mercredi 7 avril à Leicester, contre l’équipe des Midlands and Home Counties, forte de 12 internationaux. La ville de Rugby n’étant pas loin, nous avions fait un détour, une sorte de pèlerinage intime. Arrivés à Leicester, Brian « Brave » Lochore, capitaine des All Blacks et désigné capitaine du XV du Président, prit l’entraînement en mains. Il nous faisait courir 25 minutes les uns derrière les autres, le dernier étant dans l’obligation de remonter la file en accélérant. C’était épuisant. On a fini par lui dire : « Brian, on va faire autrement. » D’autant qu’on s’entraînait dans des parcs, jamais sur un terrain ! »

Jo Maso avec la sélection mondiale
Jo Maso avec la sélection mondiale Midi Olympique - Midi Olympique

Malgré une préparation incertaine, ce premier match fut une réussite. Les vedettes mondiales, tranquillement installées dans les fauteuils profonds de l’Abbey Moter Hotel, admiraient leur maillot aux cinq couleurs, arborant la Rose et ces dates: 1871-1971. Le coup d’envoi étant fixé à 19 h 15, ils allaient jouer en nocturne, devant 15 000 spectateurs sortant du travail. Déjà président du Comité de Sélection anglais, Mike Steele- Bodger se révélerait être un superbe manager, créant une dynamique exceptionnelle.

Sur le Stade du Leicester F.C, ni Carrère ni Bertranne ne finiraient la première mi-temps. La sélection mondiale l’emporta malgré tout 18-13 (3 essais à 3), victoire qui devaient tout aux avants et aux exploits personnels de Ian Kirkpatrick et de Frick Du Preez, le Sud-Africain de 35 ans marquant deux essais après des courses de 30 mètres, tout en dominant en touche Colin Meads, la légende des All Blacks.

Pierre Villepreux avec la selection mondiale
Pierre Villepreux avec la selection mondiale Midi Olympique - Midi Olympique

Tout changea le samedi 10 avril à Birkenhead Park, le XV du Président surclassant l’Angleterre du Nord 26-12 et 7 essais à 1. Que s’était-Il passé ? Villepreux explique : « On avait fait rentrer Jo Maso au centre et moi à l’arrière, on jouait vite les pénalités à la main, amenant l’adversaire à jouer contre nature, d’autant qu’en défense les Anglais montaient tout droit. Demi de mêlée et capitaine, le rapide Dawie De Villiers jouait pour les autres, plus que Sid Going, plus basique. Et sur l’aile gauche, on découvrait le benjamin Bryan George Williams, 20 ans. Dès lors, tout s’est fait indirectement, presque naturellement. J’ai marqué trois essais sur des décalage d’ailiers; Jo et moi, on « sautait » Jansen, le puissant centre sud-africain ... Après la rencontre, j’ai été abordé par un monsieur très digne qui m’a félicité à sa façon : « Monsieur, quand on joue arrière, on ne peut pas marquer trois essais ! » C’était encore l’époque où le rugby devait rester figé à certains postes... »

La sélection mondiale l’emporta malgré tout 18-13 (3 essais à 3)
La sélection mondiale l’emporta malgré tout 18-13 (3 essais à 3) Midi Olympique - Midi Olympique

Bristol, mercredi 14 avril. Trop d’individualisme et, malgré tout, une nette victoire du XV du Président sur l’Angleterre Sud et Sud-Ouest par 28 points à 13 et 6 essais à 2. Comment oublier la deuxième ligne formée d’Élie Cester et de Colin Meads ?

Samedi 17 avril, Twickenham, le test-match. Le XV du Président domine l’Angleterre par 28 points à 11 et 6 essais à 1, celui-ci inscrit par l’arrière et capitaine Bob Hiller. Jour de gloire et lumière éclatante, en présence de la famille royale. Tous les joueurs voulaient être associés a Maso, distributeur exemplaire. D’ailleurs, quand un Fidjien ou un Maori lui adressait la parole, il l’appellation « Jojo ». Intervention de Villepreux : « À partir du moment où Jo entrait dans le jeu de balle, dans lequel il excellait, il était heureux. Il étonnait partenaires et adversaires par ses passes croisées dans le dos. Les Anglais s’y essayaient, en vain ! »

Contrarié par le vent en première mi-temps, Villepreux n’était pas à la fête. Dans le second acte, ses diagonales retrouvées entraînèrent l’admiration du public, d’autant qu’il convertit cinq transformations sur six, dont trois du bord de touche ! « Si longtemps après, j’ai toujours ce regret, insiste Villepreux: sur une passe de Kirkpatrick, j’ai marqué l’essai en position d’ailier. L’arbitre siffla en-avant, les spectateurs protestèrent. Je suis formel, il n’y avait pas en-avant. »

Contrarié par le vent en première mi-temps, Villepreux n’était pas à la fête.
Contrarié par le vent en première mi-temps, Villepreux n’était pas à la fête. Midi Olympique - Midi Olympique

Ce jour-là, Bryan Williams marqua trois essais, avec à chaque fois l’intervention de Maso et de Villepreux; Dawie de Villiers, futur ambassadeur à Londres, à la source des trois premiers essais, fut l’autre héros de l’après-midi, ainsi que Ian Kirkpatrick le puncheur, auquel Joseph Maso fit le don d’un essai. Auparavant, dans l’enceinte de Twickenham, la reine Élizabeth avait dévoilée la modeste plaque commémorative du Centenaire que cachait un simple drap blanc, rehaussé par l’éclat d’une rose rouge et ces deux dates accolées: 1871-1971.
En présence de la reine Élisabeth et du prince Philip, le dîner de gala donné à l’hôtel Hilton fut grandiose; smokings, discours, c’était l’Angleterre de toujours. Alors, le prince Philip prit la parole. Son toast à la gloire du rugby fut brillant, chaleureux, très apprécié car plein d’humour. Pierre Villepreux se souvient avoir serré la main de la souveraine, la gratifiant de ces simples mots: « Très honoré ».

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