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Phillipe Broussard : « Les supporters incarnent l’histoire et la fidélité »

  • Les supporters de Biarritz à Aguiléra pour le match entre Biarritz et Brive
    Les supporters de Biarritz à Aguiléra pour le match entre Biarritz et Brive Icon Sport - Icon Sport
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Philippe Broussard (directeur adjoint de la rédaction du Monde) Auteur d’un ouvrage de référence et d’enquêtes sur les supporters, il nous donne son avis sur la possible évolution des fans de rugby.

Que faut-il penser de cette montée de l’influence des supporters des clubs de rugby. Est-ce une tendance récente ?

Dans le foot c’est assez ancien. À Marseille, ça existait déjà à l’époque Tapie. Le phénomène a commencé en Italie, où est né le mouvement ultra et en Allemagne où il existe une grosse tradition de discussion et de négociation entre les dirigeants et les groupes de supporters. En France, c’est apparu dans les années 80-90 avec la montée des groupes structurés qui deviennent des interlocuteurs pour les clubs sur plein de questions, pratiques ou symboliques.

Quel fut le moteur de cette évolution ?

C’est la manifestation d’un phénomène assez connu. Les supporters ont le sentiment d’incarner l’Histoire et la fidélité à un club et à un stade. Dès qu’ils sentent que ces fondamentaux sont bousculés, ils le font savoir. Ils sont sensibles aux questions d’identité notamment. Je n’ai pas suivi l’affaire de Toulon de près. Mais ce que vous dites ne me surprend pas car à mes yeux Toulon est le public le plus « foot » du rugby français.

On a souvent dit que les supporters voulaient répondre à la professionnalisation à outrance…

Oui, ils revendiquent un moteur essentiel. Celui de la passion. Ils ne sont pas là pour l’argent. Les supporters sont par définition fidèles, passionnés et nostalgiques. Ils défendent leurs couleurs et leur stade qu’ils voient comme une maison de famille, un patrimoine qu’il faut défendre contre des gens de passage. Je pense aux investisseurs ou aux joueurs qui ont un côté mercenaire. Peut-être que le rugby est à l’aube d’un tel phénomène puisque les joueurs changent de plus en plus de clubs. Les supporters ont pour eux l’avantage de la sincérité alors que les joueurs font carrière en allant au plus offrant et les dirigeants pensent business et marketing. Une phrase revient souvent : « Nous, supporters, serons toujours là ! » On l’a vu au PSG. À une époque de crise, les supporters le scandaient dans les tribunes, mais aussi ailleurs.

Les réseaux sociaux, ne tombent-ils pas à point nommé pour décupler la voix des supporters ?

Oui c’est vrai. À une époque, pour s’exprimer les supporters n’avaient que le stade lui – même ou certaine publications. Le développement des réseaux sociaux leur offre une caisse de résonance énorme. Et, il faut bien le dire, un moyen de pression supplémentaire. Quand un club se fait « allumer », et qu’il sent la grogne monter, il a tendance à en tenir compte.

Est-ce que les groupes ont tendance à se comporter en contre-pouvoir assumé ?

Totalement, et c’est le but du jeu. Pour les groupes ultras, la difficulté est de s’imposer comme interlocuteur mais tout en restant farouchement indépendant. C’est l’essence de la culture ultra. Ils refusent de se faire payer des voyages par exemple, ils ne veulent pas être inféodés ou récupérés par les clubs.

N’y a-t-il pas un risque de les voir tomber dans la négativité ou de devenir contre-productifs ?

Non, je ne pense pas. À mon avis, les clubs ont tout intérêt à maintenir un dialogue avec leurs supporters, attention pas ceux qui sont violents, bien entendu. Mais il n’y a rien de pire pour un club de négliger ou de mépriser ses fans en ignorant leur avis. Je prends un exemple concret : pas mal de clubs ont voulu changer des couleurs de maillot, des écussons ou le nom du stade. Mais ça ne correspondait pas aux vues du public profond et finalement ça s’est retourné contre eux, si vous cassez cette âme, ça devient même contre-productif, même commercialement.

Car les supporters tiennent un tel rôle que si vous vous fâchez avec eux, il y a moins d’ambiance, et le stade devient moins attractif.

Les clubs de football allemands ont bien compris ça. Ils pratiquent un vrai dialogue. Ils ont compris qu’il fallait préserver le noyau historique, par opposition aux clients de passage. Si vous vous fâchez avec eux, ça devient dangereux. Certains clubs de foot anglais le voient. Arsenal par exemple. Le public historique a diminué et on voit des spectateurs de passage qui viennent à l’Emirates Stadium comme à Eurodisney. l’atmosphère perd de son âme, on n’est plus dans la passion et tout le monde est pénalisé. c’est un danger pour les très gros clubs.

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