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Quel destin pour le rugby féminin ?

Par Baptiste Barbat
  • Les Bleues entament une saison internationale intense.En bas, de gauche à droite, Fabrice Ribeyrolles, David Courteixet Annick Hayraud. Photos Baptiste Barbat et Icon Sport
    Les Bleues entament une saison internationale intense.En bas, de gauche à droite, Fabrice Ribeyrolles, David Courteixet Annick Hayraud. Photos Baptiste Barbat et Icon Sport
  • Quel destin pour le rugby féminin ?
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Pour les féminines, cette tournée de novembre est le lancement d’une saison exceptionnelle. Septembre 2022 accueillera la Coupe du monde à VII en Afrique du Sud, le mois suivant ce sera au tour du XV en Nouvelle-Zélande. De nombreuses questions en découlent, Annick Hayraud, David Courteix et Fabrice Ribeyrolles apportent les premiers éléments de réponse.

Cette saison sera décisive pour le rugby féminin puisqu’elle s’achèvera par deux Coupes du monde, à VII et à XV. Une complexité à gérer qui nous permet de mettre la lumière sur les relations parfois tendues mais aussi le travail commun entre les deux sélections et les clubs. Heureux hasard, Annick Hayraud, manager de France XV et David Courteix, manager de France VII, sont Clermontois, la ville championne de France en titre, sous les ordres de Fabrice Ribeyrolles. Nous avons donc réuni ses trois "caractères", amis dans la vie privée, dans une salle du comité d’Auvergne. Pas besoin de poser de questions, chaque affirmation amène sans cesse un rebond plein de franchise. Une discussion passionnante, qui se poursuivait encore au moment des au revoir. Un débat qui en appelle d’autres, tant les choses ont besoin d’être dites et tant le chantier du rugby féminin peut être beau.

Dans cette "saison-doublon" faut-il prioriser, le VII, le XV, partager les deux ? Les joueuses pourront-elles disputer les deux ?

David Courteix Oui, il est envisageable que des joueuses disputent les deux compétitions. Mais la commande politique est claire : priorité au XV. J’ai certainement des joueuses qui vont pleinement rejoindre le XV, parce qu’elles le souhaitent, parce qu’elles en ont les moyens, mais c’est une discussion au cas par cas, que nous avons avec Annick et son staff, car les filles sont différentes. Certaines ont besoin de mener 50 projets de front, d’autres d’être focalisées sur un seul.

Fabrice Ribeyrolles Le problème, c’est que les clubs sont toujours au bout de la chaîne de décisions concernant les joueuses. En plus, nous sommes prévenus au dernier moment. Ok le XV de France est prioritaire ! C’est notre vitrine, et c’est génial ce qu’elles font. Mais les joueuses sont à 70 % du temps dans les clubs, on aimerait et on mérite d’être sollicité, écouté et entendu.

Annick Hayraud La complexité c’est d’harmoniser le calendrier World Rugby, avec celui des joueuses. Le niveau international ne concerne que 35-40 joueuses.

Fabrice Ribeyrolles Alors que l’Élite 1, c’est 600 joueuses. Tant qu’on joue ça nous convient, on va découvrir la nouvelle Coupe de France. On verra bien.

Prenons un cas concret, celui de Chloé Jacquet (son portrait est à découvrir en page jeunes-féminines). Joueuse de France VII sélectionnée avec le XV. Comment se sont passés les échanges autour de sa sélection ?

Annick Hayraud On l’a reçu avec mon staff, jouer à XV l’intéressait, on a trouvé un équilibre ensemble, sans imposer quoi que ce soit. Elles sont trois septistes dans ce cas-là.

Fabrice Ribeyrolles As-tu appelé son entraîneur, Jean-Mathieu Alcade, pour en parler avec lui ?

Annick Hayraud Non.

David Courteix Nous nous sommes appelés avec Jean-Mathieu quand il s’est engagé à Lyon pour parler notamment de Chloé, son poste, ses aptitudes. Ce sont des discussions que nous avons à la Fédé.

Annick Hayraud Je ne l’ai pas appelé cette fois-ci, mais nous avons des discussions régulières. Mais tu vois, on a également sélectionné Léa Murie, qui est hors contrat, là j’ai prévenu son entraîneur.

Fabrice Ribeyrolles Il existe des blocages aujourd’hui car chacun voit midi à sa porte. Avec plus d’échanges, je pense qu’on lèverait ses blocages.

David Courteix (se marre et s’adresse à nous) — Vous assistez en direct à une réunion que la fédération devrait organiser dans les semaines à venir.

Nous nous éloignons du sujet de base, mais nous sentons que le projet qui vous anime va bien au-delà de seulement organiser cette saison complète…

David Courteix Nous avons un défi à relever. Le rugby féminin est en croissance exponentielle et au début de son professionnalisme. L’ambition commune c’est que les joueuses soient épanouies. C’est sincère ! Mais dans les faits, on ne l’applique pas de la même manière. À quel point sommes-nous prêts à faire des concessions ? Qu’est-ce que placer la joueuse au centre des décisions ? Le modèle masculin, n’est pas le modèle unique de développement. Aujourd’hui des efforts sont déjà faits. On développe notre travail en commun, et ça nous offre la possibilité de faire quelque chose d’original. Différent de ce qui se fait chez les garçons.

Fabrice Ribeyrolles Mais nous n’avons aucune vision à long terme. Chaque année nous découvrons de nouvelles réformes, sorties du chapeau. Du coup, chaque acteur tiraille la joueuse de son côté.

David Courteix On m’a fait comprendre que la médaille d’argent c’était bien, mais que l’or c’est mieux. On demande à Annick de tout mettre en œuvre pour être championne du monde. Les présidents de clubs diront que c’est génial que les filles soient heureuses et bien installées. Si elles ramènent le bouclier en juin, c’est mieux.

Annick Hayraud Avant la Covid, World Rugby avait commencé à dessiner un projet commun, mondial. Ça a pris beaucoup de retard avec la pandémie. À notre niveau ce qu’il faudrait c’est une vision globale des clubs, mais ils ne vont pas tous à la même vitesse.

David Courteix Sincèrement, on a tous envie de développer un monde original, prospère, idéal pour les joueuses. On part d’une page blanche, mais pour éviter que ça parte dans tous les sens, la Fédération doit définir le cadre et les limites de cette page blanche dans lesquels, les clubs pourront exprimer leurs libertés.

Une partie du problème semble être au sein des clubs, ou l’équilibre du championnat n’est pas encore trouvé. Quelle solution imaginez-vous ?

Fabrice Ribeyrolles 25 des 36 joueuses sélectionnées pour la tournée d’automne sont issues de 3 clubs.

Annick Hayraud Le passage à 16 clubs en élite devait permettre aux joueuses de jouer en première division tout en restant dans leur club formateur. Ça n’a pas fonctionné. Le passage à 12 clubs l’an prochain a pour but d’augmenter le niveau général du championnat.

Fabrice Ribeyrolles Il y a trop de différences entre les clubs. Entre ceux qui luttent pour leur survie, ceux qui ont 2 ou 3 internationales, et ceux qui en ont une dizaine, les directives sont complètement différentes. Nous avons besoin d’un championnat fort, pas que pendant les phases finales. Une saison à 12, 14, 15 matchs ça me paraît bien. Ensuite, si même Midi Olympique ne nous couvre pas chaque semaine, c’est que nous avons un problème. Les talents ne sont pas assez répartis, on voit trop de grands écarts le week-end. Si les matchs sont plus serrés, les partenaires viendront, les médias aussi et tout le monde y gagnera. Il faut qu’on soit formateurs plus que recruteurs.

La balle est donc dans le camp des clubs. Nos 3 convives, restent optimistes, encouragés par les premiers efforts consentis, persuadés que la France a le meilleur potentiel féminin du monde, que les autres nations, nous envient le nombre de personnes en tribunes et dans les centres de formation. Reste à savoir si les clubs veulent prendre part à ce projet quasiment utopique, d’un fonctionnement à part, d’une draft à la française, pour des joueuses épanouies, des clubs forts et des sélections référentes. Entraîneurs, présidents, l’invitation pour un nouveau débat est lancée, y participerez-vous ?

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