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Reportage - À la rencontre de la diaspora géorgienne de Brive

Par Romain Lafon
  • Brive, la diaspora Géorgienne
    Brive, la diaspora Géorgienne Midi Olympique - Patrick Derewiany - Midi Olympique - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Fortement implantés à Brive, où ils sont six dans l’effectif professionnel, les Géorgiens (opposés aux Bleus, dimanche à Bordeaux)
se sont parfaitement adaptés à la vie locale. Pour le plus grand plaisir de leur « grand frère », Goderzi Shvelidze, désormais entraîneur des avants brivistes. Rencontre avec ces joueurs qui ont quitté tôt leur terre natale pour vivre du rugby...

Lundi après-midi, annexe du Stadium municipal de Brive : les joueurs font leur entrée sur le terrain synthétique Jean-Marie Soubira. Parmi l’effectif corrézien on peut recenser une douzaine de nationalités, des Français au Colombien Andrès Zafra en passant par les Sud-Africains, ou autres Argentins. Mais les plus représentés après les Français restent bien les Fidjiens et Géorgiens avec six représentants chacun. Les joueurs du Caucase, assez présents en Corrèze depuis quelques années, sont facilement identifiables. Barbes bien fournies pour la plupart, « pour lutter contre le froid » si l’on en croit le pilier droit Luka Japaridze, originaire d’une région montagneuse en Géorgie ; ou encore bordjgali, ce symbole géorgien formé de sept branches en rotation représentant le soleil, le temps et l’éternité (symbole qui fait aussi figure de logo de l’équipe nationale de Géorgie), tatoué sur le mollet gauche du tout jeune talonneur Vano Karkadze.

« Les Français ne savaient pas qui nous étions, les Géorgiens »

Les jeunes caucasiens se sont parfaitement intégrés en Corrèze avec l’aide entre autres de Goderzi Shvelidze, ancien pilier devenu entraîneur des avants brivistes cette saison après quelques années avec les espoirs. « Nous avons beaucoup de respect pour « Obé » (surnom donné à Goderzi Shvelidze lors de ces années de joueur, en référence à Obélix, N.D.L.R.) et les plus anciens qui ont été les premiers à venir en France. Ils ont dû beaucoup travailler pour faire connaître la Géorgie aux Français », explique le demi de mêlée Vasil Lobzhanidze. « Quand notre génération est arrivée, la route était déjà bien tracée, reprend le pilier Soso Bekoshvili. Les plus anciens qui étaient les premiers à venir jouer en France ont fait le boulot. Ils ont montré ce qu’étaient les Géorgiens, donc pour nous c’était plus facile d’autant que nous avions des appuis sur place. »

Quand le « grand frère » parle, tous les jeunes écoutent dans le plus grand des respects.
Quand le « grand frère » parle, tous les jeunes écoutent dans le plus grand des respects. Midi Olympique - Patrick Derewiany - Midi Olympique - Patrick Derewiany

Goderzi Shvelidze détaille les propos de ses « petits » : « C’est vrai que quand notre génération est arrivée, les clubs français ne savaient pas qui nous étions, les Géorgiens. Ils ne savaient pas de quel endroit nous venions. Ils ne savaient même pas si on se déplaçait en voiture ou si nous étions toujours à cheval (rires), si on avait du gaz ou de l’électricité. Et puis petit à petit nous avons montré notre voie, nous avons placé notre pays sur la carte. Nous avons mis longtemps à acquérir cette confiance, mais les Français ont compris que nous étions des travailleurs, très costauds car nous étions des anciens lutteurs ou judokas passés au sport collectif. »

Aujourd’hui l’ancien pilier est une sorte de grand frère pour les plus jeunes, les aidant notamment pour tout ce qui est de l’ordre de l’administratif, car vivre en France pour un étranger, qui plus est à 18 ou 20 ans est difficile. Shvelidze peut aussi s’improviser organisateur de sorties comme l’été dernier quand les Géorgiens sont partis pêcher du côté du lac de Chasteaux.

Venir en France, un choix évident

Et même si ce n’est pas toujours évident de quitter sa terre natale pour venir en France, tous répondent qu’ils n’ont pas hésité une seule seconde au moment de prendre leur décision. « Quand on nous appelle de France, je pense que tout le monde dit oui ! » confirme le pilier Luka Japaridze. « C’est un peu dur de quitter notre pays et notre famille, oui. Mais comme nous avons notre boulot à faire et des objectifs en tête cela facilite les choses », justifie le troisième ligne Otar Giorgadze. « Et puis ici à Brive, c’est plus facile car nous sommes nombreux. C’est une petite famille », sourit l’ouvreur Tedo Abzhandadze.

Soso Bekoshvili, demi d'ouverture (22 ans) 26 sélctions avec les Lelos.
Soso Bekoshvili, demi d'ouverture (22 ans) 26 sélctions avec les Lelos. Midi Olympique - Patrick Derewiany - Midi Olympique - Patrick Derewiany

Une petite famille qui se retrouve souvent autour d’une partie de cartes, de consoles ou devant la télévision. Et ce malgré les situations des uns et des autres. « On essaye un maximum d’être tous ensemble, dès que l’on a un peu de temps libre, raconte Luka Japaridze. Juste Soso (Bekoshvili) et Vasil (Lobzhanidze) ont une famille ici. » « Je pense que c’est normal de passer beaucoup de temps ensemble en dehors du rugby, acquiesce le demi de mêlée. Mais la famille passe avant tout quand même. » « C’est aussi pour ça qu’aujourd’hui ils sont très très bien ici. Ils respectent l’endroit où ils vivent, leur logement, la ville ou la France, ainsi que les personnes avec qui ils vivent et ça c’est très important pour nous les plus anciens. Nos jeunes ont beaucoup de respect, et moi je suis fier d’eux », s’émeut leur entraîneur.

« La Coupe du Monde 2023 elle est à la maison »

Et si la France et la Géorgie paraissent deux pays très liès par le rugby, ils ne se sont affrontés qu'à une seule reprise dans l'histoire. C'était lors de la Coupe du monde 2007 en France, un moment toujours particulier notamment pour Goderzi Shvelidze, pilier remplaçant ce jour-là à Marseille. « Je pense que c’est une fierté, et une expérience rugbystique enrichissante de jouer contre la France. » Ce dimanche à Bordeaux, ce sera la même chose pour les Géorgiens qui croiseront sur le terrain tous leurs adversaires en Top 14. « Ce match contre la France va être une bonne expérience pour nous », dixit le tout récent pilier droit international Luka Japaridze (une sélection). Une rencontre face à une nation majeure, qui doit faire passer un cap aux Lelos en vue du Mondial 2023. « On dit entre nous que la Coupe du monde en 2023, elle est à la maison », sourit Otar Giorgadze (29 sélections). « Le Mondial 2023 c’est un vrai objectif. Nous devrions avoir, dans la poule, l’Australie, le pays de Galles, les Fidji et une équipe que nous ne connaissons pas encore (le vainqueur du tournoi de qualification, N.D.L.R.)*, donc l’objectif sera de gagner au moins deux matchs », ambitionne Tedo Abzhandadze, qui compte déjà 26 sélections et une Coupe du monde à seulement 22 ans.

Un match clé donc dans la progression du rugby en Géorgie où les mentalités sont en train de changer et où de nombreux efforts sont faits pour développer ce qu’est devenu le sport numéro un depuis quelques années. « Le rugby géorgien n’est plus axé uniquement sur le contact, explique le troisième ligne. Aujourd’hui, beaucoup d’enfants sont intéressés par le rugby et ça fait grandir ce sport dans le pays. » « Chaque région a peut-être dix nouveaux terrains par an, enchérit Luka Japaridze. Il y a encore le projet de créer d’autres terrains pour intéresser un maximum d’enfants. » Et ainsi trouver les nouveaux visages du rugby géorgien, les futurs Bekoshvili, Japaridze, Karkadze, Giorgadze, Lobzhanidze ou autre Abzhandadze, qui viendront bientôt renforcer les rangs des écuries de Top 14.

* La Géorgie n’est pas encore officiellement qualifiée mais est en bonne position pour décrocher le billet Europe 1.

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