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Allez les Bleus, marquez les esprits !

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    Allez les Bleus, marquez les esprits ! Midi Olympique / Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
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Ce France-All Blacks, sommet véritable de cette tournée d’automne, sera l’occasion de savoir si ces Bleus, séduisants depuis deux ans, sont oui ou non des champions du monde en puissance...

Lundi dernier, on a dîné avec John Eales, surnommé « Mister nobody» en son royaume, parce que « nobody is perfect », voyez-vous.  Ce soir-là, le double champion du monde australien était l’invité d’honneur de la cérémonie des Oscars Midol et, entre une brève considération sur l’avenir en équipe d’Angleterre du fils de Michaël Lynagh, un murmure étonné face aux paluches de catcheur de Grégory Alldritt ou diverses louanges au sujet de la récente performance de Cameron Woki en deuxième ligne, l’ancien buteur des Wallabies a beaucoup parlé de France - All Blacks. Il a dit : « C’est le premier grand match de l’histoire de cette équipe France. » On lui a demandé : «Vous y croyez, vous ? » Il a haussé les épaules, jeté un œil à la scène où babillait Matthieu Jalibert un micro dans les pognes et a finalement répondu : « Dans ma carrière, j’ai battu la Nouvelle-Zélande plus de fois qu’elle ne m’a battu. Mais je n’ai jamais vaincu des All Blacks qui avaient perdu six jours plus tôt... » Au matin du dîner, par l’entremise d’une sorcellerie nommée « zoom », le non moins « perfect » Dan Carter ne nous disait d’ailleurs pas autre chose: « Je sais que les All Blacks, lorsqu’ils ont déplié le calendrier de l’année 2021, ont coché deux rencontres : celle face aux Springboks, l’été dernier, et celle contre le XV de France, cet automne. à leurs yeux, finir la saison internationale sur une bonne note est primordial. Le dernier match de l’année, c’est toujours celui qui conditonne tes vacances... » 

Fâchés tout rouge et meurtris par la gifle irlandaise, les coéquipiers d’Ardie Savea se pointent au Stade de France, béni terrain où ils n’ont jamais perdu, avec la furieuse envie de faire oublier la gaufre celte et l’ardent désir de claquer le bec à un rival déclaré, en vue de la Coupe du monde 2023. On jurerait d’ailleurs que de l’autre côté du ring, la bande à Galthié a compris le danger qui la guette et, ces jours derniers, le XV de France s’est, sans le dire, recroquevillé dans sa bulle, laissant la tension, le stress et la raideur empiéter sur un terrain jusqu’ici vierge de toute angoisse. Signe avant coureur de l’orage qui s’annonce, Fabien Galthié apparut donc, au crépuscule du dernier France - Géorgie, comme un rien bourru, ronchon et puisque la confrérie des médias dont il fit longtemps partie lui adressait un flot légitime de questions, le sélectionneur répondit de façon laconique à la plupart d’entre-elles, parfois par un simple « oui », parfois par un strict « non», jugeant même en conclusion de son laïus avoir brillamment « épuisé » son auditoire. Au-delà de l’humeur du patron, il y a ces quatorze joueurs eux-aussi « épuisés » de faire les allers-retours entre leur club et Marcoussis, lorsqu’arrive le mercredi soir et que sonne la fin de l’entraînement à haute intensité ; il y a enfin, en toile de fond, le débat Jalibert - Ntamack, harassant, redondant, qui ne cesse d’ensevelir toutes les tentatives des Bleus de parler d’autre chose...

Qui remportera « l’ALtradico » ? 

On pourrait dédramatiser, oui. On pourrait se dire qu’à deux ans du Mondial 2023, le XV de France a encore le droit de faire des essais et, par la force des choses, de se planter. Mais à chaque fois que l’on essaie vainement de prendre du recul sur le sommet de cette coupe d’automne des nations, les éléments extérieurs nous ramènent, malgré nous, à la réalité du moment: ici, c’est Clive Woodward qui dans le cahier sport du Sunday Mail assure qu’entre « la plus puissante nation du monde (la Nouvelle-Zélande) et celle qui est amenée à le devenir (la France), l’affrontement promet d’être inoubliable » ; là, c’est le président de la République qui se pointe à l’improviste à Marcoussis pour donner un peu plus de solennité à une rencontre qui n’en manquait déjà pas ; ailleurs, c’est le totem olympique Tony Estanguet qui entend promener, aux côtés de Jerome Kaino, le trophée Webb-Ellis aux abords du Stade de France, samedi soir. En clair, le genre humain voudrait faire comprendre au XV de France que ce test vaut tout l’or du monde, il ne s’y prendrait probablement pas autrement. 

De fait, cette équipe de France se trouve aujourd’hui, et après deux ans d’existence, à un tournant de sa vie : une victoire et c’est un pas de géant pour cette sélection séduisante, attachante et talentueuse ; une défaite et c’est le retour à l’ordinaire, la toute première fois de l’ère Galthié où la sélection fait du surplace. Et quoi? Jusqu’ici, les Bleus ont relevé tous les défis qui s’étaient présentés à eux, nous faisant oublier avec brio les dix années de galère auxquelles nous avions, sans avoir fauté au préalable, tous été condamnés : en 2020, il y eut une victoire contre la reine d’Angleterre, puis un succès au pays de Galles qui mit fin à une décennie de brimades à Cardiff, un triomphe à Dublin quelque temps plus tard et même, dans les circonstances épouvantables que l’on sait, un test remporté dans le grand Sud, au cours d’une tournée d’été où les finalistes  du Top 14 n’avaient même pas été conviés. De toute évidence, ces Bleus et leur chef nous ont rendus la vie la plus douce et les week-ends de Tournoi moins frustrants. Vont-ils à présent tirer un trait sur vingt ans de défaites contre la Nouvelle-Zélande, le dernier succès d’une équipe de France sur son sol face aux Tout Noir ayant eu lieu à l’automne 2000 ? à quelques heures du coup d’envoi de l’« Altradico », on est en quelque sorte tiraillé par la même dualité qui tourmente depuis quelques jours Mohed Altrad, sponsor maillot du XV de France depuis 2017 et des AllBlacks à partir du 1er janvier 2022. Lundi soir, au Pavillon Gabriel, le président du MHR nous avouait donc : « Ce match m’interpelle. D’un côté, mon cœur me dit que les Bleus vont gagner. De l’autre, ma raison me susurre que la Nouvelle-Zélande remporte 80 % de ses affrontements face au XV de France. Je ne sais que penser... »

Joe Rokocoko : «La pression est sur la Nouvelle-Zélande » 

Alors, il paraît que Fabien Galthié a un plan. Il paraît que pour tordre le cou aux Néo-Zélandais, il ne faut surtout pas singer l’Irlande et ma foi, on remercie ardamment le sélectionneur d’épargner la noble idée qu’on se fait du french flair, l’amour que l’on porte chez nous à ce que nos paternels appellent le « beau rugby». Malgrè l’aversion que nous inspire souvent le jeu des Diables Verts, leur récent succès reste riche de plusieurs enseignements, que nous synthétise ici Jerome Kaino, entraîneur de la défense du Stade toulousain et flanker des All Blacks à 81 reprises : « Les Irlandais ont pris le contrepied de l’idée voulant que dans le rugby moderne, le maître du ballon s’expose à des contres ; ils ont pris parti de la possession, remportant 70% ou 75% des ballons. De leur côté, les Néo-Zélandais ont beau compter les meilleurs attaquants du monde, ceux-ci ont été condamnés à défendre.» Joe Rokocoko, 68capes et 66 essais sous le maillot noir, nous laissait, lui aussi, croire en l’impossible, cette semaine au téléphone : « La pression est du côté néo-zélandais. Quand les All Blacks perdent, les gens hurlent et les médias frappent. Au pays, ça devient vite irrespirable. Après une défaite, un All Black n’est pas seulement condamné à gagner ; il est condamné à gagner largement. » Samedi soir, le déchaînement des Tout Noir promet donc d’être sauvage. Soyez prêts, « les petits ». Car cette fois, c’est tout un pays qui vous regarde...

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