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Top 14 - Michalak, le grand entretien : « J'avais le pressentiment qu'un jour, je travaillerais avec Azéma »

Par Pierre-Laurent GOU
  • Michalak : « J’avais ce pressentiment : un jour, je travaillerai avec Franck Azéma »
    Michalak : « J’avais ce pressentiment : un jour, je travaillerai avec Franck Azéma » Photo RCT
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Ouvrant la boîte à souvenirs de ses 20 ans de carrière, l’ancien ouvreur Frédéric Michalak nous présente aussi sa mission qui débute au sein du staff de Toulon.

Vous voilà revenu en France…

Oui, depuis une semaine. Je suis rentré en famille, j’ai passé le week-end à Paris et je me suis installé à Toulon depuis mardi soir. Mercredi, j’ai commencé ma nouvelle mission avec le RCT et rencontré Franck Azéma. Il fallait que je prenne mes marques au plus vite.

Quel est votre bilan de votre mission aux Roosters de Sydney, franchise de rugby à XIII ?

Ce fut très positif à tous les points de vue, notamment sur le fait de pouvoir me rapprocher du terrain, ce qui était mon souhait. Cela a été ma première véritable expérience comme technicien. J’étais chargé du développement du jeu au pied pour les joueurs mais aussi intervenant sur les skills sur les passes. J’ai aussi découvert une autre façon d’aborder les entraînements, les préparations des matchs mais aussi un autre sport, le rugby à XIII. L’état d’esprit est très différent du XV, très axé sur le spectacle. J’ai pu piocher dans le XIII des éléments pour les entraînements qui me seront très utiles à XV.

Cette expérience était donc la première marche vers le métier entraîneur ?

Totalement. À la fin de ma carrière, j’ai eu besoin de prendre du recul avec le terrain afin de comprendre comment fonctionne structurellement un club professionnel. J’avais aussi besoin de me former, de m’ouvrir à d’autres milieux. J’ai repris mes études et lancé différents projets. C’est aussi pour cela que je suis parti en Australie, pour découvrir autre chose, une autre culture et une autre manière de fonctionner. Apprendre des choses. Je suis quelqu’un de naturellement curieux. Je crois que si jamais j’avais plongé tout de suite dans l’entraînement, cela ne m’aurait pas convenu. Là, je suis un cheminement, pas à pas. Je crois que cela me correspond. J’ai besoin de nouveaux défis et j’avoue que je suis très excité par le challenge qui m’est proposé à Toulon, tout en continuant mes activités hors rugby si possible.

Quelle va être votre mission au RCT ?

Je me suis engagé pour 18 mois. Je vais intervenir deux à trois jours par semaine, notamment sur le développement des joueurs, le jeu au pied et à la main. Je ne suis pas là pour prendre la place de quelqu’un mais pour être en soutien du staff, au service de Franck Azéma. Je ne serai pas là pour sortir ma science mais pour être au service des joueurs et du staff, de leurs demandes.

Le but est-il de devenir, à terme, entraîneur ?

Oui. De toutes les façons, un entraîneur doit constamment se nourrir des autres. Il est tout le temps en phase d’apprentissage. J’ai arrêté ma carrière de joueur il y a quatre ans. J’ai commencé à entraîner pour la première fois avec les Roosters, effectué avec le XV de France quelques interventions lors de leur tournée en Australie. Donc, oui, je suis un jeune entraîneur en phase d’apprentissage.

Pourtant, vu votre carrière de joueur, vous auriez la légitimité pour être entraîneur numéro un dans une équipe professionnelle...

J’ai encore des paliers à franchir. À partir du moment où tu décides d’être entraîneur numéro 1 dans un club, c’est un travail à 100 %. On ne peut pas tout faire. Quand tu as le nez dedans, tu ne peux pas te disperser. Le Top 14 est un long championnat, c’est un marathon avec beaucoup de pression. Quand tu coaches une équipe de Top 14, il faut être prêt pour cela. Je ne dis pas que je ne le suis pas, mais je n’en ai pas forcément l’envie. Pour le moment, je suis surtout candidat pour apporter de l’expertise et du contenu aux entraînements. Mais de là à diriger une séance et un groupe… Chaque chose en son temps.

Allez-vous continuer à être consultant sur Canal + ?

Je serai en début de semaine avec Toulon. Ensuite, je continue ma mission avec Canal + et mes autres activités.

En commentant les prestations des joueurs du RCT ?

Oui et je vais essayer de rester impartial. Quand je travaillais au Lou, il m’arrivait déjà de donner mon avis sur leur rencontre. À partir du moment où il y a une contre-performance, il faut essayer de l’expliquer et d’argumenter son propos. Je suis content de poursuivre avec Canal car je m’éclate. Je n’y vois pas de conflit d’intérêts particulier. En Australie, aux Roosters, des anciens joueurs venaient intervenir aux entraînements avant d’être chroniqueurs le week-end à la TV australienne sur les matchs. Le rugby est un sport difficile à comprendre. Avec le Canal Rugby Club, on essaie de le proposer au plus grand nombre, de vulgariser ses règles et ses stratégies. Après, c’est plus facile car je ne commente pas les matchs en direct, je les analyse après coup. J’ai un vrai temps de réflexion.

Désormais membre du staff varois, Michalak retrouve son ancien club de Toulon.
Désormais membre du staff varois, Michalak retrouve son ancien club de Toulon. Icon Sport - Icon Sport

Comment voyez-vous votre collaboration avec Franck Azéma, sachant que c’était son prédécesseur, Patrice Collazo, qui avait pris contact avec vous ?

Laissez-nous le temps de nous connaître. Avec Franck on se découvre. J’avais dit à ma femme, au début de l’année, que je travaillerai un jour avec lui. J’en étais persuadé, j’avais ce pressentiment. Je ne pensais pas que ce serait si rapide, ni à Toulon malheureusement pour Patrice. Depuis mardi, on fait véritablement connaissance car à Canal, il était sur le terrain pour commenter les matchs et moi en plateau. On s’est parlé pour la première fois, ce mardi.

Comment appréhender le côté précaire de la profession d’entraîneur, surtout à Toulon, où les entraîneurs peuvent être éjectés après deux ou trois défaites ?

Vous savez, mon papa est maçon et ce n’est pas évident. Il se lève le matin pour aller monter des murs, faire du ciment, par -5 degrés. Ce n’est pas un métier facile non plus. Entraîneur te permet quand même de rester dans ta passion. Tu es dans la relation humaine qui détermine une performance collective. Alors, oui, tu n’as pas le droit de te tromper, de rater le début du championnat mais il y a une dimension humaine importante qui m’attire.

L’année 2021 touche à sa fin. 2001, il y a 20 ans, c’était l’occasion de votre première titularisation en championnat avec le Stade toulousain, face à Pau…

(Il coupe) C’est passé super vite. À mes débuts, je me moquais des anciens qui me disaient de profiter car une carrière, cela passe très vite. Je ne peux que confirmer leur propos, 20 ans plus tard.

Une première année de votre carrière qui sera très, très riche...

Je vivais ça comme un rêve... Jusqu’alors, je côtoyais les stars de Toulouse le mercredi, lors de l’opposition juniors-seniors. C’était des joueurs que je badais. J’étais insouciant et même un peu fou, mais je me souviens de la fierté que j’avais de jouer aux côtés des Pelous, Garbajosa, Penaud, Califano, Cazalbou… C’était formidable. Je découvrais aussi les stades pleins. Rien que d’évoquer cette finale au Stade de France, j’en ai la chair de poule. Deux ans auparavant, je jouais la finale des jeunes. Là, je jouais en première, avec le maillot qui me faisait rêver depuis l’âge de 6 ans.

Pourtant, de l’extérieur, on avait l’impression que tout glissait sur vous, que vous n’aviez aucune pression, que vous preniez tout à la rigolade…

J’ai grandi rugbystiquement dans des conditions idéales. Le Stade toulousain te préparait à vivre ce genre de moment. Toulouse avait l’habitude de gagner. C’était le grand Stade toulousain. Certes, avec Clément Poitrenaud et Nicolas Jeanjean, nous étions les petits jeunes, mais nos partenaires avaient une telle expérience... On se reposait sur eux. Nous n’avions qu’à jouer au rugby. Et puis, personnellement, depuis tout petit, je voulais jouer dans cette équipe. C’était le chemin que je m’étais tracé. Au fond de moi, c’était normal. Je ne vivais que pour le rugby. Je regardais tous les matchs, notamment ceux de Christophe Deylaud qui était mon modèle, mon idole. Je voulais lui ressembler. Je ne vivais que pour le rugby.

Un peu comme Antoine Dupont, aujourd’hui. Est-il votre digne successeur ?

Il vient de réaliser une année 2021 exceptionnelle. Il a tout gagné, Top 14, Coupe d’Europe, il a été sacré meilleur joueur du monde, les lecteurs du Midol lui ont octroyé l’Oscar d’or, il a eu le titre de meilleur joueur du Top 14 et de la Champions Cup. Je suis admiratif de son parcours et je me suis permis de lui dire par message. Sa manière de jouer lui est propre. Il fait du bien au rugby, car on avait tendance à avoir des stéréotypes, même au niveau des grands joueurs. Or il n’y a qu’un Dupont. Il arrive à déclencher des choses que d’autres ne savent pas faire. On va au stade pour le voir jouer. Allez, il a un seul défaut… Il ne bute pas (rires). Mais je suis sûr que s’il s’y met, il va faire 100 % tous les week-ends. Il est incroyable, hors norme. En plus, il a un excellent état d’esprit. On voit qu’il aime ce qu’il fait.

Comment peut-il conserver cet état d’esprit, salué par beaucoup de monde ?

Il est ce qu’il est ! ll ne joue pas un rôle. Donc on n’a pas de soucis à se faire. Il est toujours vrai dans sa façon d’être. Quand tu l’écoutes, dans ses interviews d’après match, il est déjà dans l’analyse. Il sait la faire rapidement, et c’est pourtant un exercice difficile. Lui comme les joueurs de sa génération sont bien avec leur époque. Ils savent utiliser les outils de communication qui sont à leur disposition.

N’attendons-nous pas trop de lui, qu’il débloque les matchs sur un exploit personnel, un peu comme pour vous à vos débuts ?

Mais est-ce véritablement un problème ? La question se pose. C’est aussi ce qui permet d’avoir des joueurs différents. J’ai aimé que l’on me donne ce rôle. Mais j’ai aussi appris que les autres joueurs ont tous leur importance. Quand tu joues aux postes de la charnière, tu es aussi là pour faire briller les autres. Avec le temps, tu perçois le côté stratégique du rugby. Ce que je ne voyais pas à 20 ans. À cet âge, tu joues sur tes qualités, à l’instinct. C’est après que tu comprends un peu plus de choses.

Si vous deviez retenir les moments importants de votre carrière, lesquels citerez-vous ?

Le titre de 2001. J’ai eu la chance d’être au milieu de légendes de mon club. De gagner avec eux, c’était génial. J’ai aussi envie de retenir le titre européen de 2005 à Murrayfield, contre le Stade français. À l’époque, entre les deux clubs, il y avait une sacrée rivalité. J’ai eu la chance de réussir le drop de la victoire, dans les arrêts de jeu. Cela m’a marqué. Je garde aussi un bon souvenir de la finale de 2004 perdue contre les Wasps, car c’était un sacré match de rugby. Une finale magnifique dans la cathédrale du rugby. Après, mon aventure en Afrique du Sud, au-delà du titre de Currie Cup et de la finale de Super Rugby, m’a permis quelque part de devenir un homme. C’était la première fois que je me mettais en danger. On m’avait un peu enterré et j’ai su rebondir. Le temps que j’ai passé aux Sharks m’a marqué. A Toulon, l’aventure humaine a été incroyable. Il y a les titres, bien sûr, mais on n’imagine pas la cohésion qui pouvait exister entre les joueurs. Enfin d’avoir pu choisir sa fin, disputer une demi-finale avec le Lou, en guise de jubilé devant toute ma famille, fût magique.

Et en équipe de France ?

Ma première sélection face à l’Australie et la paire Gregan - Larkham. Je passais un sacré test, face à ce qui se faisait de mieux à l’époque. Je retiens aussi la Coupe du monde 2003, même avec la défaite en demi-finale. Malgré mes trois pénalités ratées face aux Anglais, l’aventure avait été incroyable. J’avais pu prendre conscience du très, très haut niveau. 2007 ? Cela reste particulier. La précédente édition, nos résultats dans le Tournoi, le fait que cela se déroule en France... Tout ceci avait généré un engouement incroyable. Au lieu d’en profiter quand on s’en est aperçu, on s’est recroquevillé sur nous-mêmes. Nous avons très mal démarré la compétition à cause de cela. Il y a eu, ensuite, l’épisode de la troisième mi-temps initiée par Christophe Dominici, après la défaite face à l’Argentine en ouverture. Cela nous avait permis de relancer la machine, de vivre le truc. Mais il reste un goût d’inachevé.

Il faudra s’en souvenir pour 2023. Prend-on autant de plaisir à jouer un Mondial dans son pays ?

Tout est dans la manière dont tu abordes cette pression et le stress qui va avec. Comment tu le gères. Comprendre le contexte dans lequel tu évolues pour mieux l’appréhender, pour être en position d’être performant. Souvent, le vainqueur d’une Coupe du monde, c’est celui qui arrive à rester calme, à jouer ces matchs comme si c’était une rencontre classique.

Avez-vous fait le deuil de votre carrière de joueur ?

J’ai pu arrêter quand je le souhaitais ma carrière de joueur. La petite mort, elle existe, notamment les premiers temps, le premier été. Mais je l’avais appréhendée. Étant curieux, je me suis ouvert à d’autres choses. J’ai fait pas mal de rencontres qui m’ont servi. Je n’ai pas été, comme malheureusement trop de joueurs avec qui j’ai joué, sans rien. À ne pas savoir de quoi demain sera fait. Ce qui manque, c’est la vie de groupe, du vestiaire. D’une certaine manière, c’est cela que je vais retrouver comme coach.

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