Abonnés

Portrait. Mort d'Alain Estève, le dragon du grand Béziers

Par Jean-Luc GONZALEZ
  • Alain Estève est décédé à l'âge de 77 ans.
    Alain Estève est décédé à l'âge de 77 ans. - Patrick Derewiany
Publié le Mis à jour
Partager :

Alain Estève fut durant les années 70 l’un des joueurs les plus craints de la planète rugby. Il est décédé ce mardi 7 novembre à l'âge de 77 ans. Dans une autobiographie émouvante publiée en janvier 2022, il avait levé le voile sur une jeunesse désastreuse qui en fit un révolté de la vie.

Chaque homme à une enfance. Celle d’Alain Estève ne fut jamais un sujet. Faite de misère, d’alcool et de mauvais traitements, elle resta longtemps la part d’ombre du géant de Béziers. Grâce, ou à cause, d’un double cancer qui lui rappela que la vie pouvait avoir une fin, il avait osé lever le voile sur cette partie essentielle de son existence. Elle aurait tourné à la catastrophe si le bonhomme n’avait pas eu la rage de quitter une condition d’enfant pauvre, livré à lui-même dans une famille défaillante. Cette fureur de vivre le sauva et fit de lui un homme d’exception. Une force plus nature que la nature, plus rude que la rudesse, plus sensible qu’un premier communiant, pouvait-on lire dans sa biographie parue en janvier 2022.

Pour se mettre à poil, une fois pour toutes, pour afficher ses cicatrices, les visibles et les invisibles, Alain Estève avait accepté les sollicitations de Jean-Luc Fabre. Assureur à la ville, ancien président de Agde, amoureux de l’AS Béziers depuis l’adolescence. S’il n’avait pas été l’ami des bons et des mauvais moments, jamais "le Grand" ne se serait engagé dans une telle confession. Une affaire de confiance et d’amour. Alors, en ouvrant tous les tiroirs, en épluchant tous les dossiers, en écoutant la famille, notamment ses filles et les amis d’Alain, Jean-Luc Fabre a mis en lumière des secrets de famille que "le Grand" taisait.

Huit titres de champions de France

Pour ceux qui n’étaient pas nés au temps où le Grand Béziers (dix titres de 1971 à 1984) faisait régner une forme de terreur sur le rugby français, Alain Estève en était le dragon, un immense barbu doté d’attributs peu communs. Une gueule abonnée aux provocations et aux invectives, un front capable de filer d’énormes coups de boule sans jamais se lasser, des jambes pour rattraper des trois-quarts à la course et des mains faites pour jouer autant que pour punir. Il pratiquait une justice de l’instant, déformant les nez, redressant les mêlées.

Huit titres de champions de France (de 1971 à 1981) et seulement vingt sélections en équipe de France (de 1971 à 1975). S’il était né un demi-siècle plus tard, Alain aurait atteint la centaine. Mais Estève a toujours eu l’insulte et la provocation faciles, ce qu’il paya jusqu’à tard. Te traitant "d’enculé" à peine qu’il te traitait. Adversaires, arbitres, président de la FFR, entraîneurs, huissiers, journalistes, procureur de la république, copains de virée, partenaires : ils y sont tous passés. Beaucoup ont pris ça comme une marque d’affection, voire de respect.

Alain Estève, qui est décédé à l'âge de 77 ans, était revenu à Sauclières, le stade des exploits du Grand Béziers.
Alain Estève, qui est décédé à l'âge de 77 ans, était revenu à Sauclières, le stade des exploits du Grand Béziers.

Derrière le méchant de service (ce livre le raconte) s’est toujours caché un bonhomme au grand cœur que ses premiers pas dans la vie auraient pu briser. Enfant, il fut une victime. La maison de correction où il passa dix années de jeunesse en fit un coupable, un révolté, un affamé de la vie. Pour en avoir manqué longtemps, Alain Estève aima l’argent. Et aussi les femmes, la célébrité et son métier de patron de boîtes de nuit. Les témoignages de joueurs illustres, recueillis dans cet ouvrage disaient combien il était "hors normes". C’est aujourd’hui une légende.

Quant à l’affaire de la finale 71, Alain Estève, le seul qui fut en mesure de blesser André Herrero, n’a pas avoué. "Je mourrai avec mon secret. Personne ne me fera parler." À jamais.

À sa famille et ses proches, la rédaction du Midi Olympique adresse ses condoléances à Alain Estève. 

Vous êtes hors-jeu !

Cet article est réservé aux abonnés.

Profitez de notre offre pour lire la suite.

Abonnement SANS ENGAGEMENT à partir de

0,99€ le premier mois

Je m'abonne
Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (4)
Mycupj Il y a 5 mois Le 08/11/2023 à 15:12

Affligeant ! RIP

Lynette Il y a 5 mois Le 07/11/2023 à 19:06

Quel joueur! avec Palmier, Senal, Vacquerin, Paco et toute cette fabuleuse équipe de l' ASB, j'ai passé à Sauclière d'excellents moments; il est allé rejoindre Armand ; repose en paix Alain et sincères condoléances à sa famille!

pascalou Il y a 5 mois Le 07/11/2023 à 18:02

Repose en paix grand guerrier