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Vern Cotter : « Je vois les Bleus gagner le Tournoi... ou l’Irlande ! »

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    Vern Cotter : « Je vois les Bleus gagner le Tournoi... ou l’Irlande ! » Fotosport / Icon Sport
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L’actuel sélectionneur des Fidji qui a offert à Clermont son premier titre de champion de France en 2010, a ensuite entraîné l’Ecosse et Montpellier. Il décrypte les forces en présence du prochain Tournoi des 6 Nations...

Quelle impression l’équipe de France vous fait-elle, avant le début de ce Tournoi ?

Chez moi, en Nouvelle-Zélande, la victoire des Français a beaucoup fait parler. C’est un succès marquant, fondateur pour cette équipe qui m’impressionne, depuis quelques mois.

Pouvez-vous détailler ?

Lors de leur match face aux Blacks, les Français ont été, à l’heure de jeu, poussés dans leurs derniers retranchements. Ça poussait, poussait ; ça accélérait encore et encore… Dans ces instants-là, il faut être fort pour ne pas craquer et se laisser submerger par les attaques néo-zélandaises. Les Tricolores, eux, ont encaissé le premier choc puis déclenché une relance de quatre-vingts mètres, partie de leur propre en-but. Cette confiance-là est hallucinante. D’habitude, personne ne défie les All Blacks de la sorte.

Ah oui ?

D’habitude, si tu relances de ton en-but contre les Blacks, tu te fais croquer par Rieko Ioane ou Sam Cane ; dans 90 % des cas, il y a une mêlée à cinq mètres et un essai derrière. […] La maîtrise affichée par les Tricolores fut ici remarquable. […] Derrière les rucks, Antoine Dupont alterne à merveille entre jeu dans l’axe, attaques au large ou occupation au pied dans le champ profond ; il porte la balle autour des mêlées ouvertes, cherche la brèche où les avants adverses tardent à se replacer. C’est impressionnant.

Le jeu des Bleus a-t-il évolué depuis la Coupe du monde 2019 au Japon ?

Énormément, oui. Les Français sont bien plus précis dans les zones de ruck, plus disciplinés qu’ils ne l’étaient auparavant : ils contestent avec efficacité, ce qui n’était pas le cas avant que Fabien Galthié n’arrive au chevet du XV de France.

En clair ?

Les attitudes des joueurs, dans les zones de combat et vis-à-vis de l’arbitre, ont changé et je pense que Shaun Edwards est pour beaucoup, là-dedans. […] En fait, Edwards a permis aux Bleus de bénéficier d’une vitesse dont ils étaient dépourvus. Les libérations sont plus propres et c’est tout le jeu qui s’en ressent, derrière.

Les Tricolores sont-ils, à vos yeux, les favoris du Tournoi ?

Oui… Avec l’Irlande. Après le départ de Joe (Schmidt), les Diables Verts ont eu un peu de mal à retrouver leur efficacité. Andy Farrell (le nouveau sélectionneur) a d’abord voulu changer le fonds de jeu, l’ADN de l’équipe : il s’est néanmoins rapidement aperçu que ses garçons avaient besoin du coup de pied de Sexton ou Murray, de se rassurer en jouant tous les contre-rucks, de rester fidèles à leur identité, en somme… Aujourd’hui, l’Irlande a trouvé le bon équilibre. Farrell a apporté sa touche en défense mais est resté fidèle aux principes du jeu mis en place par Joe Schmidt.

On vous suit.

Cette équipe d’Irlande est aussi portée par une exceptionnelle génération de Leinstermen. Regardez les dégâts que font ces mecs en coupe d’Europe… Dès lors, gare à l’Irlande : même si leur calendrier n’est pas vraiment favorable (les Celtes se déplacent en France et en Angleterre), ils sont armés pour détruire les certitudes de leurs adversaires. En mêlée, ils sont par exemple les meilleurs de la compétition : Tadhg Furlong, Ronan Kelleher et Andrew Porter sont de terribles pousseurs ainsi que de remarquables porteurs de balle…

Qui sont les autres joueurs clés de l’Irlande ?

Bundee Aki, le trois-quarts centre, est le patron de la défense. C’est un rugueux, celui-là. Il donne une âme, une férocité à ce rideau défensif…

Il est admis que les joueurs britanniques et irlandais sont particulièrement émoussés après une tournée des Lions. Est-ce donc le moment idéal pour le XV de France de remporter le Tournoi ?

Je ne sais pas si les Lions sont fatigués. Je crois au contraire qu’en Ecosse, le fait d’avoir eu huit sélectionnés chez les Lions a au contraire galvanisé les troupes et offert à cette équipe un regain de confiance. Aujourd’hui, ces Ecossais qui se sont si souvent plaints de n’avoir pas assez de Lions britanniques ne font plus aucun complexe, par rapport aux autres nations.

Vous connaissez bien cette équipe pour l’avoir entraînée quatre ans durant…

L’Écosse n’arrête plus de progresser. Il y a de la puissance dans cette équipe avec l’ailier Duhan van der Merwe, le pilier Zander Fagerson ou le flanker Hamish Watson ; il y a du talent avec Stuart Hogg au fond du terrain, Finn (Russell) ou Ali Price à la charnière ; il y a surtout une belle conquête. Les Ecossais ne sont pas faciles à jouer : les Anglais le savent, pour avoir perdu trois des quatre dernières Calcutta Cup (le trophée remis au gagnant d’Angleterre/Ecosse).

Vous parlez de Finn Russell. Est-il un génie ou a-t-il encore trop de déchet ?

C’est un joueur de classe mondiale. Il n’y a aucun débat possible à ce sujet. Je ne vois personne avec la vision du jeu de Finn Russell. Personne. Le problème, c’est que les gens pensent que c’est un branleur, un nonchalant, parce qu’il joue avec le sourire. Avec Finn, il faut avoir un plan de jeu et lui donner les clés du camion. C’est un gros bosseur, qui prépare ses matchs à la vidéo et dissèque les stratégies des adversaires. Il faut le responsabiliser.

Où voyez-vous le XV de la Rose ?

C’est la grande inconnue. Les Anglais ont pris un coup après l’affaire des Saracens (le club avait été rétrogradé à la suite d’une infraction au salary cap) ; ce club, c’était l’âme du rugby anglais ; c’est lui qui tenait la baraque, qui était le laboratoire du XV de la Rose. Quand tout s’est effondré, les joueurs se sont sentis perdus, trahis et les performances de l’Angleterre s’en sont ressenties. Le retour au top des Sarries (ils sont deuxièmes du Premiership) change aujourd’hui la donne mais je vois le XV de la Rose moins fort en conquête qu’il ne l’était. La mêlée fermée manque de puissance. Mais…

Quoi ?

J’ai l’impression que la blessure d’Owen Farrell va faciliter les choix d’Eddie Jones. Lors des derniers tests d’automne, j’ai en effet trouvé le jeune Marcus Smith (Harlequins) excellent à l’ouverture ; il impulse une nouvelle dynamique et peut amener la jeunesse anglaise au sommet. A mes yeux, il doit continuer de mener le jeu anglais.

Vous n’avez pas parlé des Gallois alors qu’ils sont tenants du titre…

Sans Alun-Wyn Jones (le joueur le plus capé du circuit international), les Gallois vont batailler mais pour moi, ils ne remporteront pas le titre cette année. Le grand Jones leur manquera trop : il est à la base de tout, dans le jeu gallois…

Vous êtes hors-jeu !

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