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Gaël Fickou : « Tout le monde tombe, un jour... »

  • Le patron des lignes arrières du XV de France s’est longuement confié à quelques semaines du début du Tournoi des 6 Nations sur les attentes en termes de résultats. Un échange entre espoirs légitimes et conscience du chemin qu’il rest à parcourir jusqu’au Mondial 2023.
    Le patron des lignes arrières du XV de France s’est longuement confié à quelques semaines du début du Tournoi des 6 Nations sur les attentes en termes de résultats. Un échange entre espoirs légitimes et conscience du chemin qu’il rest à parcourir jusqu’au Mondial 2023. Icon Sport - Icon Sport
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Le patron des lignes arrières du XV de France s’est longuement confié avant le début du Tournoi des 6 Nations sur les attentes en termes de résultats. Un échange entre espoirs légitimes et conscience du chemin qu’il reste à parcourir jusqu’au Mondial 2023.

Les équipes de l’hémisphère Nord ont marqué les esprits durant la dernière tournée d’automne. Le Tournoi des 6 Nations qui se dessine sera-t-il plus difficile à remporter qu’une Coupe du monde ?

Tous les Tournois sont difficiles. à l’approche de cette compétition, toutes les équipes nationales élèvent leur niveau de jeu, sont au maximum de leurs possibilités... Une nation comme le pays de Galles, même si elle a moins brillé en automne, est, par exemple, toujours prête le jour où commence le Tournoi. Combien de fois les observateurs ont jugé les Gallois en méforme ? Et combien de fois ceux-ci ont-ils remporté le Tournoi dans la foulée ?

Pas faux...

Aujourd’hui, tout le monde a les yeux braqués sur l’Angleterre, l’Irlande et la France parce qu’elles ont dernièrement battu les Springboks et la Nouvelle-Zélande. En ce sens, je me méfie d’autant plus des Gallois, qui adorent avancer masqués. Ils sont les tenants du titre, je vous rappelle.

Le XV de France a-t-il basculé dans une autre dimension, après avoir battu les All Blacks au Stade de France ?

On me parle encore souvent de cette rencontre. Mais tant que nous n’aurons pas remporté un titre, nous n’aurons pas encore basculé dans une autre dimension. […] Cet hiver, l’attente sera énorme autour de nous. Les gens attendent une victoire dans le Tournoi. à nous d’être à la hauteur...

Ce match face aux All Blacks était néanmoins incroyable...

J’avais connu des France / Angleterre où le Stade de France avait vraiment été bouillant. Mais ce soir-là, contre les Blacks, c’était vraiment particulier. Dix minutes après le match, l’atmosphère était toujours aussi dingue... On aurait dit que les gens ne voulaient pas partir du stade...

Vous étiez ce jour-là titulaire au centre aux côtés de Jonathan Danty, votre ancien coéquipier au Stade français. En quoi est-ce différent ?

Il n’y a pas de différence. Tous les mecs du groupe France méritent leur place un jour ou l’autre. Jo, c’est quelqu’un que je côtoie depuis plus de dix ans. On joue ensemble depuis les équipes de France de jeunes. […] Au centre, la concurrence est rude et nous pousse aujourd’hui à nous dépasser : il y a Jo, Virimi (Vakatawa), Arthur Vincent, Pierre-Louis Barassi, Tani Vili et tant d’autres...

Quelle est la différence entre les postes de premier et deuxième centre, au juste ?

La difficulté du poste de deuxième centre concerne la défense, puisque tu dois à la fois surveiller l’intérieur et l’extérieur. En revanche, tu as plus d’espace pour t’exprimer en attaque. Mais je vais vous mettre à l’aise : quand le jeu est parti, il n’y a plus vraiment de différence. On permute tout le temps, au gré du jeu.

Avez-vous une préférence, néanmoins ?

Tant que je joue centre, je suis heureux... Premier ou deuxième, peu m’importe...

Parlez-nous des entraînements à haute intensité de Fabien Galthié. Sont-ils vraiment aussi durs qu’on veut bien le dire ?

C’est comme un match, en fait. Les mecs ont faim parce qu’ils savent que Fabien (Galthié) est capable de titulariser un joueur qui l’impressionne à l’entraînement. Il y a des places à prendre. Alors, tout le monde s’envoie...

Cette équipe de France attire à elle les louanges. Comment le vivez-vous ?

Mieux vaut ça que le contraire... En revanche, je n’aime pas entendre que cette génération est plus talentueuse que la précédente. Ce n’est pas vrai. à mes débuts en équipe de France, il y avait déjà des mecs incroyables, des rugbymen aussi bons que ceux d’aujourd’hui.

Dès lors, où se situe la différence ?

L’atmosphère dans l’équipe était moins bonne, auparavant. Surtout, le staff actuel est simplement hallucinant. Chacun des membres de cet encadrement fait partie des meilleurs spécialistes du monde dans son domaine. Quand Fabien Galthié me demande ce qui a changé, je lui réponds que c’est la précision que son staff -sportif, physique ou médical- a placée dans notre quotidien. Karim (Ghezal) est une référence en touche, notre coach de la défense (Shaun Edwards) est sensationnel, William Servat est ultra compétent sur les zones de ruck et Laurent Labit connaît le jeu d’attaque sur le bout des doigts. Au-dessus d’eux, Fabien (Galthié) sort sa baguette magique et met tout en musique.

Malgré toute la compétence de ce staff, vous pouvez aussi compter sur des joueurs hors du commun...

Je n’ai pas dit le contraire. On a le meilleur joueur du monde (Antoine Dupont) et deux ouvreurs de très haut niveau (Matthieu Jalibert et Romain Ntamack)... Depuis deux saisons, il y a une stabilité à la charnière qui n’existait plus depuis vingt ans.

« Les mecs ont faim parce qu’ils savent que Fabien (Galthié) est capable de titulariser un joueur qui l’impressionne à l’entrâinement »

Et l’ambiance, alors ? Pourquoi dîtes-vous qu’elle est saine ?

Il n’y a pas de vice, dans cette équipe. Je n’y vois pas de mec tordu. Quand « Toto » (Dupont) a été désigné capitaine pour remplacer Charles Ollivon à l’automne, je n’ai pas fait la gueule. J’étais juste content pour lui. Et cela aurait été Grégory Alldritt, je l’aurais vécu de la même façon.

On vous suit.

Je ne force pas le trait, je vous jure ! Les mecs s’aiment vraiment, dans cette équipe ! Avez-vous vu comment Teddy Thomas et Damian Penaud se sont pris dans les bras, juste avant que le dernier Racing - Clermont ne débute? C’est du « fake », ça ? Non, c’est juste une amitié profonde, réelle. [...] Ces deux dernières années, on a vécu de belles choses ensemble, des trucs qui soudent une équipe. Quand je croise Uini Aotnio ou Romain Taofifenua sur les terrains du Top 14, je n’ai plus envie de les quitter.

Gael Fickou est un des co-capitaines de l'équipe de France de Fabien Galthié
Gael Fickou est un des co-capitaines de l'équipe de France de Fabien Galthié Icon Sport - Icon Sport

Suiviez-vous le Tournoi des 6 Nations, quand vous étiez enfant ?

Bien sur. Ce dont je me rends compte aujourd’hui, c’est que le Tournoi reste la compétition phare. Tout le monde la regarde, tout le monde s’y intéresse. On sent le pays investi avec nous. (il marque une pause) La Coupe d’Europe et le Top 14 s’adressent davantage à un public d’avertis, il ne faut pas se mentir.

Etes-vous un boulimique de rugby ? Regardez-vous tout ce qui passe à la télé ?

Je ne suis pas un boulimique de rugby : j’ai souvent besoin de couper, de regarder du basket, du foot et de me consacrer à mes autres activités professionnelles. Malgré tout, je connais mon sport sur le bout des doigts : je connais tous les joueurs, leurs façons d’attaquer, de défendre... ça fait partie du job, je crois.

Pour autant, connaissez-vous des boulimiques de balle ovale ?

Bien sûr. Au Racing, un mec comme Nolann Le Garrec (demi de mêlée) regarde tous les matchs, connaît tous les effectifs de Pro D2 et de Nationale. A Toulouse, Antoine Dupont et Romain Ntamack sont pareils. Chacun vit son truc comme il l’entend, c’est bien.

« Je ne force pas le trait, je vous jure ! Les mecs s’aiment vraiment dans cette équipe ! »

Votre meilleur ami Teddy Thomas vous manquera-t-il, la saison prochaine ? Il est quasiment acté qu’il jouera à La Rochelle l’an prochain...

C’est acté, oui. Ce départ est une très belle opportunité pour lui. Il va se remettre en question, voir autre chose. Il est mon meilleur ami et va me manquer, évidemment.

Mais ?
On n’est pas mariés non plus ! Il doit faire sa vie ! (rires)

Vous aviez défendu Teddy Thomas après son geste si controversé à l’attention de Santiago Cordero, l’ailier de l’Union Bordeaux-Bègles. Pourquoi ?

Sur le fond, Teddy n’a pas à faire ce geste. Mais ce type de chambrage n’est pas vraiment méchant et a toujours existé, dans le rugby. Il faut arrêter de toujours cibler la même personne... C’est agaçant, à force... Teddy Thomas est un mec simple, un mec en or, vraiment. Les gens ne s’en rendent pas assez compte.

Ça vous fatigue ?
Oui parce que j’ai vu beaucoup plus grave que son geste sur un terrain de rugby. Certains mecs de la télé en ont fait des tonnes... A les entendre, on aurait cru qu’il fallait radier Teddy du rugby ! (il soupire) Il regrette, on lui pardonne et basta !

Comment avez-vous réagi, le jour où les supporters du Stade français, votre ancien club, vous ont sifflé à Jean Bouin en début de championnat ?

Ça m’a amusé. Je pense qu’ils sont peinés de voir un bon joueur, un joueur ayant beaucoup compté pour eux, défendre les couleurs du club ennemi. Ce n’est rien de grave, à mes yeux : on ne peut pas plaire à tout le monde et moi, je sais ce que je vaux.

Au moment où vous avez signé au Racing l’an passé, vous êtes-vous dit : « Que va-t-on penser de moi ? »

Non. Je n’ai pas eu le choix, dans cette histoire. Les dirigeants parisiens m’ont libéré de mon contrat et j’ai alors considéré la meilleure option pour progresser et me régaler. J’avais failli signer au Racing il y a trois ans et lorsque cette opportunité s’est à nouveau présentée, elle m’a semblé être une évidence. Je ne serais pas parti ailleurs.

Revenons au Tournoi. Quel Crunch n’oublierez-vous jamais ?

J’ai l’impression que le France-Angleterre de 2020 (24-17), le match qui a lancé le mandat de Fabien Galthié, a fait basculer l’équipe de France dans une nouvelle ère. Nous étions une jeune équipe, tout le monde pensait qu’on en prendrait quarante contre une équipe archi dominante ces dernières années et au final, on les a logiquement battus.

Y en a-t-il un autre ?

J’ai joué mon premier France-Angleterre à 19 ans. Ce jour-là, nous étions menés 24-19 à quatre minutes de la fin du match. Puis, après dix temps de jeu, Dimitri Szarzewski a percé le rideau, a joué son deux contre un comme un trois-quarts centre et derrière ça, je n’ai plus eu qu’à courir et feinter la passe sur le dernier défenseur... J’entends encore le Stade de France rugir... C’était dingue...

Gaël Fickou a inscrit un essai face à l'Angleterre en 2014
Gaël Fickou a inscrit un essai face à l'Angleterre en 2014 Dave Winter / Icon Sport - Dave Winter / Icon Sport

Et le pire Crunch, alors ?

Celui de l’an passé, à Twickenham. Ce jour-là, on perd de très peu (23-20), sur le gong et après un essai litigieux. (il marque une pause) Il n’y a pas essai, d’ailleurs. Maro Itoje ne marque pas. Même les Anglais le savent. C’est dommage, on aurait peut-être remporté le Tournoi en gagnant là-bas...

Vous parlez de Maro Itoje. N’incarne-t-il pas l’arrogance à l’anglaise dont on parle si souvent ?

Ce n’est pas le pire, franchement... Ils ont quelques types qui aiment brancher, dans leur équipe. Mais chez nous, on en a quelques-uns qui savent aussi leur répondre. […] Quand on les a battus en 2020 et qu’on hurlait de joie dans leur en-but après chaque essai, les Anglais nous ont détestés. Ils devaient penser qu’on faisait trop les beaux. (rires)

Quid du pays de Galles, à présent ?

Le Millennium (aujourd’hui rebaptisé Principality Stadium, N.DL.R.) est mon stade préféré. à l’échauffement, il y a là-bas un vacarme incroyable. C’est brûlant. Tu sens que tout le pays est derrière les Diables Rouges.

N’avez-vous jamais perdu vos moyens, à Cardiff ? Jules Plisson, le demi d’ouverture international du Stade rochelais, nous racontait qu’un jour, les Gallois avaient même lâché un bouc sur le terrain...

Non, c’est juste du rugby... Et leur spectacle d’avant-match, c’est juste un show...

Parlons un peu de l’Ecosse, à présent. Comment faire sortir Finn Russell de son match ?

Lui payer l’apéro la veille pourrait nous aider... (rires) Plus sérieusement, Finn est incroyable dans le sens où il résiste très souvent à la plus intense des pressions. S’il est dans un bon jour, il est presqu’injouable. Le tout, c’est de tomber sur un mauvais...

Ne pouvez-vous pas le cibler ? Il fait à peine 80 kilos...

Je ne l’ai jamais vu s’échapper sur un plaquage. Jamais. Finn a un caractère, une détermination incroyable.

Et les Irlandais, alors ? Sont-ils aussi pénibles à jouer qu’à regarder ?

C’est une équipe très dure à manœuvrer. Johnny Sexton les guide à la perfection. L’Irlande n’est pas la nation dont le jeu fait le plus rêver les gens mais elle est efficace. Et clairement candidate au titre.

Johnny Sexton est-il éternel ?

Personne n’est éternel. Tout le monde tombe un jour. Mais malgré son âge (36 ans), les KO et les commotions, Sexton a gardé un super niveau et l’a d’ailleurs prouvé face à la Nouvelle-Zélande, cet automne.

« J’ai traversé, avec l’équipe de France, de très mauvaises périodes et j’espère que ça n’arrivera plus »

Le Tournoi débutant, vous allez aussi retrouver la bulle sanitaire et ses doux plaisirs. Appréhendez-vous ?

C’est pesant, énervant... On aimerait vivre normalement, voir notre famille, embrasser nos supporters... Mais a-t-on vraiment le choix ?

Avez-vous peur du Covid ?

Non mais j’espère que ça finira un jour... Les jauges partielles, ce n’est pas l’extase... Mon dernier match à l’Arena, je l’ai joué contre Clermont devant 2000 personnes. On ne les sentait même pas.

Récemment, le coach des Wasps Lee Blackett disait avoir clairement constaté la montée en puissance de ses joueurs, dès lors que ceux-ci jouent dans un stade plein. Est-ce vrai ?

 Évidemment. Le seizième homme existe depuis la nuit des temps. Ce n’est pas lui qui marque l’essai mais il y contribue : il te pousse à défendre ta ligne, fait pression sur les arbitres... L’influence du public est capitale.

Quel est le témoignage de fan que vous n’oublierez jamais ?

J’ai traversé, avec l’équipe de France, de très mauvaises périodes et j’espère que ça n’arrivera plus. Alors, le jour où on est arrivé à l’aéroport de Cardiff (février 2020) et qu’une grosse centaine supporters nous attendait pour nous faire une haie d’honneur, j’en ai eu des frissons. Je me disais : « On est peut-être en train d’entrevoir la lumière, qui sait... »

Si Antoine Dupont fut le meilleur demi de mêlée du monde en 2021, qui fut l’an passé le meilleur trois-quarts centre du monde ?

Virimi Vakatawa.

Il semble un peu marquer le pas, ces derniers temps...

Contrairement à beaucoup d’internationaux européens, lesquels se reposent après les grandes compétitions, Virimi enchaîne toujours avec son club. C’est sa fierté mais il y laisse aussi des plumes. En ce moment, il traîne des petits coups, de légères blessures... Mais je ne doute pas une seule seconde du fait qu’il retrouvera son meilleur niveau dans les semaines à venir.

Il y a dix ans que vous êtes rugbyman professionnel. Avez-vous déjà connu des trous d’air ?

Des tas, bien sûr. On ne peut pas être au top tout le temps et en ce sens, je tire mon chapeau aux mecs qui, à 35 ou 36 ans, jouent toujours en pro. On ne se rend pas compte des sacrifices qu’une telle carrière implique. On ne se rend pas compte, non plus, de l’exigence du public vis-à-vis de ces champions. Moi le premier, quand je vois un footballeur de 32 ans qui dribble moins vite après douze ans de carrière, je me dis : « Il est fini... C’est mort ». Mais c’est le jeu. Le champion doit l’accepter.

Fickou : « Tout ça me fait rire… »

Au jour où Gaël Fickou a quitté le Stade français pour rejoindre le Racing 92, la ligne francilienne fut aussitôt qualifiée dans le milieu de « galactique ». Si cette expression, que combattent par exemple avec acharnement Maxime Machenaud et Henry Chavancy, ne déplaît pas forcément à Fickou, le trois-quarts centre international la nuance néanmoins : « Tout ça me fait beaucoup rire, à vrai dire. Des Galactiques, j’en vois partout dans le championnat : au complet, Toulouse, Lyon, Montpellier ou La Rochelle ont tous une ligne de trois-quarts de dingues… » En s’engageant dans les Hauts-de-Seine, Gaël Fickou a surtout rejoint Virimi Vakatawa, avec lequel il formait si souvent le milieu de terrain des Bleus, aux prémices de l’ère Galthié : « Avec Virimi, nous étions déjà très proches mais cette relation n’a fait que s’amplifier, depuis mon arrivée dans les Hauts-de-Seine : sur le terrain, je sais comment il va défendre, quel angle de course va-t-il choisir. Je commence à le connaître par cœur. » De quoi plaire au sélectionneur…

 

Vous parlez souvent de « sacrifices ». A quoi faîtes-vous allusion, au juste ? De l’extérieur, on pense souvent que vous avez la belle vie...

On a une vie merveilleuse, magnifique. Une vie que n’ont pas 99% des gens sur terre : entrer dans des stades de 50 000 personnes, être idolâtré, bien payé pour jouer au rugby, c’est énorme.

Gaël Fickou sous le maillot du Racing 92
Gaël Fickou sous le maillot du Racing 92 Icon Sport - Icon Sport

Mais ?

Tu ne vois quasiment jamais ta famille, tu voyages en speed, sans découvrir le pays et en rentrant bien souvent à 5 heures du matin le lendemain... Ca, les gens ne le voient pas.

Quelle est l’autre partie immergée de l’iceberg ?

Physiquement, on laisse beaucoup de plumes. Le dimanche matin, tu as l’impression qu’un bus t’a roulé dessus. Le lundi, tu n’arrives toujours pas à marcher. Et puis, il y a les commotions, tout ça...

Le rugby est-il encore plus dur qu’à vos débuts en pro, il y a dix ans ?

Bien sûr.

Pourtant, les joueurs faisaient déjà pour la plupart d’entre eux 120 kg...

Oui, mais il y a beaucoup plus de rythme aujourd’hui. Demandez à Maxime Médard si c’est plus difficile maintenant! Il vous dira que c’est cent fois le cas ! Ce n’est pas prétentieux que de dire cela. [...] Le rugby ne cesse d’évoluer. Aujourd’hui, au-delà d’être costauds, les rugbymen vont très vite. Et puis, il n’est pas rare d’enchaîner huit ou neuf temps de jeu quand dix ans en arrière, on marquait après trois ou quatre rucks.

Certains joueurs, tel l’ancien toulonnais Carl Hayman, ont attaqué World Rugby en justice après avoir considéré que leur sport les avait mis en danger …

Pour l’instant, je n’ai jamais fait de KO dans ma carrière mais certains joueurs auront des séquelles, c’est certain. Les neurochirurgiens le disent et ce ne sont pas des menteurs.

Alors ?

Quand tu fais ce sport, tu sais aussi à quel risque tu t’exposes. Un scaphandrier, qui fait des soudures à des centaines de mètres sous la mer, prend aussi des risques. Quand Fabio Quartararo enfourche sa moto, il sait aussi qu’il peut lui arriver quelque chose.

En clair ?

Quand tu vas au rugby, tu t’exposes à quelque chose mais tu l’as choisi. On a signé pour ça et on est content de le faire. (il marque une pause) Et puis, notre sport a beaucoup évolué vis-à-vis des commotions cérébrales. A l’époque où j’ai démarré, le mec qui était KO revenait sur le terrain cinq minutes après. De nos jours, il sort et c’est fini.

Votre jeu a-t-il évolué ces dernières années ? On vous jurerait moins flashy qu’à vos débuts à Toulouse...

Avant, je faisais beaucoup de coups d’éclat mais je n’étais pas aussi performant pour l’équipe.

Gaël Fickou a joué plusieurs saisons sous le maillot de Toulouse
Gaël Fickou a joué plusieurs saisons sous le maillot de Toulouse Manuel Blondeau / Icon Sport - Manuel Blondeau / Icon Sport

Et désormais ?

Aujourd’hui, je pense être utile à mon équipe. J’ai changé mon style de jeu parce que des coups d’éclat, tu ne peux pas en faire tous les week-ends. J’essaie d’être plus complet en défense, plus complet en attaque. Je sens d’ailleurs que j’ai progressé. Je me sens bien dans mon jeu.

Le crochet intérieur qui a si souvent pris vos adversaires à défaut marchera-t-il encore longtemps ?

Mais il marche encore, je vous jure ! (rires) Le truc, c’est que je ne le sors pas tous les week-ends parce que les adversaires me chassent et que je n’ai pas envie de me faire couper en deux par un flanker. Ils regardent la vidéo, les mecs... Ils me connaissent, à force...

Quel est l’adversaire que vous détestez affronter ?

Au rugby international, il n’y en pas. Je suis toujours content de jouer ici ou là. En championnat, en revanche, il y a des endroits qui me réussissent moins bien, des stades où mon jeu n’est pas forcément efficace...

À Castres ou à Brive, c’est ça ?

Je ne vais pas les citer, ce serait mal interprété. Mais il est des endroits vraiment hostiles, en Top 14...

Si vous réalisez le Grand Chelem, que ferez-vous ?

Une belle soirée, déjà. Parce que c’est tout ce qu’on retient, plus tard !

Comment ça ?

Quand on se retrouve entre joueurs, on parle du match deux minutes puis on refait la soirée qui a suivi en long, en large et en travers. C’est d’ailleurs dans ces moments-là que l’on crée vraiment quelque chose.

Les rugbymen font-ils encore la bringue ?

Evidemment. Il faut le garder, ça. C’est trop important. C’est ce qui fait que les gens d’une même équipe parviennent à s’aimer, un jour.

Etes-vous bringueur ? Vous semblez si sage...

J’adore ça ! J’aime la vie, je profite à fond. S’il n’y avait pas cette dimension humaine et festive, le rugby ne m’intéresserait pas. Je ferais autre chose.

Digest

✭ Né le 26 mars 1994
à La Seyne-sur-Mer
✭ Taille : 1,90m.Poids : 104 kg
✭ Poste : trois-quarts centre
✭ Surnoms : « Gawes », « Gatchou »
✭ Clubs successifs : La Seyne (2003-2009), Toulon (2009-2012), Toulouse (2012-2018), Stade français (2018-2021), Racing 92 (depuis 2021)
✭ Sélections : 64
✭ Première sélection : le 16 mars 2013 contre l’Ecosse (23-16)

L'entretien, le making of...

Au départ, Gaël Fickou ne se rêvait pas forcément rugbyman. « Je voulais être footballeur professionnel, raconte-t-il aujourd’hui. J’ai d’ailleurs démarré par ce sport : je jouais défenseur central et ne me débrouillais pas trop mal. En ce temps-là, mes idoles s’appelaient Patrick Vieira ou, plus près de nous, Sergio Ramos. Et puis, j’ai découvert le rugby… » Trop longtemps considéré comme l’enfant prodige de l’ovale français, Gaël Fickou a récemment quitté le costume de l’éternel espoir de la balle ovale pour devenir un élément central de l’équipe de France, le patron de la défense tricolore et l’un des plus grands trois-quarts centre de la planète… Mi janvier, le Racingman nous a donc reçus au centre d’entraînement du Plessis-Robinson. Une heure durant, Gaël Fickou (28 ans) a parlé du Tournoi, des avant-matchs au Millennium de Cardiff, de l’essai litigieux de Maro Itoje, des entraînements à haute intensité de Fabien Galthié, du titre d’Antoine Dupont, de la forme de Virimi Vakatawa ou même du prochain départ de Teddy Thomas… C’est à vous, maestro…

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