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Horizons - Matt Giteau, il était une fois à Hollywood

Par Dorian VIDAL
  • À 39 ans, Matt Giteau a récemment surpris son monde en décidant de prolonger avec les Giltinis de Los Angeles.
    À 39 ans, Matt Giteau a récemment surpris son monde en décidant de prolonger avec les Giltinis de Los Angeles. Photo LA Giltinis
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Matt Giteau est reparti pour un tour. À 39 ans, la légende des Wallabies a surpris son monde en décidant de prolonger avec les Giltinis de Los Angeles. Entraîné par son ami Adam Ashley-Cooper, il vit ses derniers moments sur les terrains de rugby. Plongée dans sa vie californienne.

Dans un rugby en constante évolution, il y a heureusement des choses qui ne bougent pas. Un papa australien blagueur, profitant du soleil de la côte en famille, l’air décontracté, le tout en éclaboussant un championnat de son talent, casque vissé sur la tête… Cela évoque forcément quelques souvenirs.

Car depuis le RCT, le Var et le Top 14, la vie de Matt Giteau n’a pas vraiment changé. Aujourd’hui à Los Angeles, il ose d’ailleurs la comparaison entre L.A. et Carqueiranne, son ancien lieu de résidence, à une quinzaine de kilomètres de Toulon. « C’est joli, le temps est bon, il y a la plage, bref, c’est une superbe ville dans laquelle évoluer. »

Depuis l’an dernier, le natif de Sydney s’est installé en Californie, afin de jouer pour les Los Angeles Giltinis. Et alors que l’on pensait sa carrière terminée une fois le titre de Major League Rugby acquis début août, l’ancien Wallaby a surpris son monde il y a un mois, en prolongeant d’un an son contrat avec la franchise… Et ce, à l’âge 39 ans ! « Je crois qu’avec ce Covid et le fait de rester à la maison, j’ai tout simplement réalisé que lorsqu’on arrête, on arrête pour toujours. Mon corps fonctionne encore assez bien, et j’ai toujours envie de compétition. »

Il faut dire que le bonhomme est toujours affûté. Souvent en vadrouille, le monsieur aux 103 sélections avec l’Australie « ne veut pas [s]’arrêter de bouger », quand bien même une fois rentré chez lui, s’entraîner tout seul commence à « devenir compliqué ». Alors, pour profiter des derniers mois de sa longue carrière (près de 20 ans en professionnel !), Giteau a choisi le soleil. Comment pouvait-il en être autrement… « Je n’aurais jamais pu jouer en Angleterre, sûrement pas non », se marre-t-il.

« Matt, où est-ce que tu as mis ton déambulateur ? »

À Los Angeles, le grand ciel bleu « rend les journées plus faciles ». Dans son logement situé près de la voie côtière « The Strand », bercé par le bruit lointain des vagues, l’ancien des Brumbies profite de la douceur matinale pour enfourcher son vélo, pédalant en bord de mer pour aller s’entraîner.

Sur place, dans l’intimité du vestiaire, une odeur de chambrage flotte dans l’air, rôle de papi du groupe oblige : « J’ai droit à ma blague quotidienne, du type : « Matt, où est-ce que tu as mis ton déambulateur ? » Mais bon, ça ne me pose pas de problème. Dans ma tête, je me sens toujours jeune. »

"Peu importe le pays, le club ou la compétition, j’ai toujours voulu gagner. Ce n’est pas maintenant que ça va changer."

S’il est jeune dans son esprit, le demi d’ouverture n’en reste pas moins expérimenté. Dans l’une des équipes les plus dominantes du continent, il n’est donc pas avare de conseils : « J’essaie de donner quelques bonnes habitudes aux jeunes autour de l’entraînement, des étirements et de la nutrition. » Une âme de coach ? On y reviendra. De compétiteur ? Ce n’est plus vraiment à démontrer. « Peu importe le pays, le club ou la compétition, j’ai toujours voulu gagner. Ce n’est pas maintenant que ça va changer, assure Giteau. En plus, justement parce qu’on a triomphé en 2021, j’ai l’impression que les gars ont encore plus faim. » 

Même dans un championnat moins qualitatif que le Top 14 en matière de jeu, et moins rapide que la Top League japonaise en matière de rythme, dixit Giteau, la vie de rugbyman n’est donc pas de tout repos. La vie de papa, elle, n’est pas en reste non plus. Faites de longues parties de football sur le sable avec ses fils Levi et Kai James, les après-midis du sportif sont suivies de repas à l’états-unienne devant le basket-ball et la NFL, signe d’une acclimatation à la culture locale. Parfois, une sixième assiette s’invite à la table de la famille. Celle du néo-retraité Adam Ashley-Cooper.

"Il y a beaucoup de choses qui me font sentir vieux au quotidien. Le fait qu’Adam m’entraîne en fait partie."

Aujourd’hui entraîneur des lignes arrières de L.A., l’ancien trois-quarts wallaby reste très proche de son ancien partenaire. Ce dernier ironise : « Je dois faire attention. Si je dis quelque chose de mal sur lui, je ne joue plus au rugby ! […] Il y a beaucoup de petites choses qui me font me sentir vieux quotidiennement. Le fait qu’Adam m’entraîne en fait partie. »

Au moment d’évoquer cette complicité qui dure, Matt Giteau ne peut s’empêcher d’esquisser un nouveau sourire. « Si Adam a arrêté avant moi, c’est parce qu’il a bu plus de bières tout au long de sa carrière, glisse l’ex-Toulonnais. Il y a quelques jours, il est venu dîner et il y avait une bière sur la table. Je lui ai donc dit : « Coach, c’est bon ? J’ai le droit de prendre un verre ? » »

Espiègle, le numéro 10 le reste également lorsqu’il est question de faire un choix entre les deux franchises de basket divisant les fans de la ville : « Ici, il y a vraiment beaucoup de supporters des Lakers. Donc, comme tout le monde supporte les Lakers, eh bien moi, je supporte les Clippers ! »

Aux côtés des Dodgers (baseball) ou des Rams (football américain), ces formations éclipsent par ailleurs le rugby de la Cité des Anges, la discipline n’étant déjà que très peu intégrée à la culture sportive américaine. « On ne peut pas y faire grand-chose. Honnêtement, on ne boxera jamais dans la même catégorie que les Lakers ou les Dodgers », martèle l’ouvreur. Et d’ajouter : « En revanche, si on peut juste avoir 5 000 personnes de plus qui viennent nous voir jouer… Une fois que les gens ont compris les règles, lorsqu’ils viennent au stade (le Mémorial Coliseum, N.D.L.R.), ils passent un bon moment. »

Toujours attaché à Toulon… et un jour entraîneur ?

S’il apprécie pleinement son temps aux « States », Giteau n’en reste pas moins attaché à ses anciens clubs. Toulon en tête. À plus de 9 000 km de l’Hexagone, il échange encore régulièrement avec certains noms de la période dorée, tels que Sébastien Tillous-Borde ou Jocelino Suta. « Je parle également avec  « Papa Laporte » ! », ajoute-t-il. « Récemment, je suis tombé sur une photo où il portait un t-shirt à manches courtes. Je lui ai dit que lorsqu’on a des bras tout fins, il vaut mieux mettre des manches longues ! (rires) »

Trêve de plaisanteries, à l’image de Bakkies Botha (lire notre édition du 18 février), le fantasque Australien s’avère touché par la situation de son ancien club. « C’est dur, grimace-t-il. En tant qu’ancien joueur, je tiens à ce club. Et je le sais aussi, le peuple de Toulon veut qu’on l’impressionne… Dans la boulangerie locale à laquelle je me rendais, après chaque match, on me disait tout ce que j’avais fait de mal. Mais ces gens sont passionnés de rugby, c’est le sport de toute la ville. Donc ils ont le droit de faire ça. » Une telle situation durant les années Laporte ? Presque inimaginable pour lui : « La séance vidéo avec Bernard aurait été compliquée. »

Or, si la situation l’affecte, l’Australien est aujourd’hui loin de ses soucis, lui qui profite de ses derniers moments sur le rectangle vert de l’autre côte de l’Atlantique. Au début de l’été, Giteau devrait en effet annoncer sa retraite sportive. Non sans craindre la « petite mort » : « J’en ai peur. Mais chaque rugbyman traverse ça à un moment donné. Je n’essaie pas de l’éviter, c’est impossible. Le rugby a constitué une part importante de ma vie. Mon défi va être de trouver autre chose de passionnant à quoi me consacrer. Quand viendra le temps où je ne pourrais plus jouer, ce sera triste. Mais ce qui est important, c’est d’avoir autre chose à faire dans sa vie. »

« Autre chose à faire », comme rejoindre ses anciens compères Frédéric Michalak et Pierre Mignoni au RCT ? « J’adorerais entraîner Toulon », souffle-t-il, ajoutant avec un brin d’humour qu’il pourrait « aider les trois-quarts ». Séduit par la vie californienne, Matt Giteau assure ainsi avoir quelques idées pour l’après-rugby… Sans trop en dire non plus. Il faut bien garder un peu de mystère.

Digest

Matt GITEAU, ouvreur de Los Angeles

Né le : 29 septembre 1982 à Sydney (Australie)

Mensurations : 1,78 m, 84 kg

Poste : Ouvreur ou centre

Clubs successifs : Brumbies (2003-2006), Western Force (2007-2009), Brumbies (2010-2011), Toulon (2011-2017), Suntory Sungoliath (2017-2020), LA Giltinis (depuis 2021)

Sélections nationales : 103, en équipe d’Australie

Palmarès : Coupe du monde (finaliste en 2003 et 2015), Super 12 (2004), Coupe d’Europe (2013, 2014 et 2015), Top 14 (2014), Rugby Championship (2015), Top League (2018), Major League Rugby (2021).

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