L'édito : Notre légende

Par Emmanuel MASSICARD
  • Les trophées du Tournoi des Six Nations
    Les trophées du Tournoi des Six Nations PA Images / Icon Sport - PA Images / Icon Sport
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L'édito du vendredi 25 février par Emmanuel Massicard.

Et dire que certains voudraient tout changer. Écrire une nouvelle histoire sur les bases de recettes d’une cuisine à faire saliver un trésorier, ses comptables et leur fonds de pension associé. Tout changer du Tournoi -puisque c’est bien de ce vieux machin dont on cause avec tant de passion- pour accueillir l’Afrique du Sud dans les années à venir avec la promesse de rhabiller la mariée et, surtout, de faire un jackpot financier. Maintenant que CVC est rentré, il n’y a plus de raison de ne pas y penser…

Car l’affaire, vous l’aurez compris, ne doit pas tant à l’intérêt sportif même si les résultats poussifs de l’Italie restent un sacré handicap pour une compétition en quête d’un rayonnement bien plus large. Avec les champions du monde Springboks dans la course au Grand Chelem, ce serait évidemment une autre histoire.

Non, si certains vous parlent avec tant de précaution mais d’insistance -à intervalles de plus en plus réguliers vous l’aurez certainement remarqué- d’un Tournoi des 7 ou 8 Nations (en attendant le Japon ?), c’est avant tout pour des questions financières. Et pas seulement pour permettre à nos amis sud-africains de renflouer leurs caisses. Le club des six de la vieille Europe, lui aussi, aurait son intérêt à développer les affiches et les entrées ; manière de pouvoir assumer ses ambitions et de rivaliser sportivement avec les nations du Sud.

Notre bonne conscience nous dit qu’un lifting du Tournoi serait une occasion unique pour un sport en quête d’universalité, qui souffre éternellement de son fichu complexe d’infériorité. Un sport qui, sans jamais se remettre en question, cherche toujours la solution miracle pour devenir tendance, décupler son audience et capter les jeunes. Au point où ils en sont, ils seraient capables de décrocher leur téléphone et d’appeler JK Rowling, la "maman" écossaise d’Harry Potter. Genre : "Allo JK, comment ça va, toi ? Tu es dispo pour prendre un verre, vendredi soir au Balmoral ? J’ai besoin de te parler et de joindre Harry… Oui, c’est pour des potes qui cherchent la potion magique et qui voudraient transformer leur bousin en machine à cash."

Allez, on peut toujours rêver. La réalité est tout autre : d’aussi longtemps qu’on s’en souvienne le Tournoi a toujours été l’objet de fantasmes et de plaintes à propos de son format éculé, de sa gouvernance, de son arbitrage, de son niveau sportif (quand ça nous arrange) ou encore de son avenir. Parce qu’il est la machine à cash du Vieux Continent, sa plus belle vitrine et l’objet de nos plus doux rêves.

À ce jour, croyez-nous bien, pas besoin d’en rajouter. Même sans Boks, et sans JK ni Harry, la magie opère toujours. Il suffit de se projeter vers Édimbourg pour tenir la promesse du grand frisson, sans attendre les premières notes de cornemuses ; pour ressentir la boule au ventre et notre gorge se nouer, quand le peuple de Murrayfield entonnera "Flower of Scotland".

Fermez les yeux, vous y êtes. Chialez en silence et profitez de la beauté. C’est ici, comme à Cardiff dans quinze jours, à Dublin ou Twickenham l’an prochain, que le rugby nous livre en partage ce qu’il a de plus grandiose. C’est ici, demain, que l’histoire du XV de France va se confronter au présent, à l’histoire et à son avenir. Profitez, c’est notre légende.

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