XV de France - Shaun Edwards : « Le soutien incroyable du public a un impact sur notre allant défensif »

  • L’Anglais nous parle de la progression du groupe, de ses deux premières années en France, de sa décennie galloise et du défi à venir à Cardiff.
    L’Anglais nous parle de la progression du groupe, de ses deux premières années en France, de sa décennie galloise et du défi à venir à Cardiff. Icon Sport - Icon Sport
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L’Anglais nous parle de la progression du groupe, de ses deux premières années en France, de sa décennie galloise et du défi à venir à Cardiff.

Peut-on dire que la défense a été la clé du succès à Murrayfield ?

Je ne suis pas d’accord avec vous. La défense a eu une part importante. Mais l’attaque, la mêlée et la touche aussi. Je crois qu’une des évolutions les plus notables, sur ce match, tient à l’utilisation de notre jeu au pied, qui a été particulièrement efficace dans la stratégie et pour créer des occasions. Pour en revenir à la défense, au-delà d’avoir gagné la ligne d’avantage dans l’affrontement, je retiendrais les ballons récupérés dans les rucks et la libération de nos sorties de balle. Et l’attaque des ballons aériens a été aussi meilleure. Tout ça fait partie de mon job.

Quel est le secret d’une bonne défense ?

Avoir une agressivité intelligente. Ça part de là. J’attends aussi de mes joueurs qu’ils aient une attitude positive dans leur manière de défendre, qu’ils le fassent avec plaisir. Je suis d’ailleurs convaincu que le soutien incroyable du public a un impact sur notre allant défensif. Les joueurs sont inspirés par l’énergie qui vient des tribunes. Ce n’est pas un mythe. Les supporters français aiment autant la défense que l’attaque. Les voir encourager avec autant de passion et se mettre ainsi à chanter quand nous n’avons pas le ballon, c’est génial pour les joueurs. Et pour moi-même.

D’où vous vient cet amour pour la défense ?

Il faut savoir que, lorsque j’étais joueur, j’étais plutôt considéré comme un joueur offensif. Bon, je tournais tout de même à 25 plaquages par matchs. J’avais même réalisé 36 plaquages une fois, ce qui était beaucoup pour un joueur de mon gabarit même si c’était du rugby à XIII. Il faut relativiser. Après, tout est lié, vous savez. Pour comprendre la défense, vous devez comprendre l’attaque.

La France concède deux essais par match depuis le début du Tournoi. Est-ce trop à vos yeux ?

L’équipe de France prend plus de risques que les autres nations. Moi, j’ai envie que l’on continue à attaquer autant, quitte à prendre des essais. Nous avons une attaque fantastique. En jouant de la sorte, il y aura forcément des occasions pour l’adversaire. Ça peut venir d’une interception, d’un coup de pied… Mais je ne veux pas que l’on réduise nos ambitions, même si ça veut dire que l’on encaissera des points.

Un des points positifs des deux derniers matchs vient de la discipline : sept pénalités sifflées contre l’Irlande, neuf en écosse…

Fabien (Galthié) et Raphaël (Ibanez) sont très forts sur la discipline. Je me rappellerai toujours de l’époque où Bernard Laporte était sélectionneur de la France. Il ne demandait que ça : ne pas faire de fautes, rester discipliné. Cette exigence, il faut la conserver sur la durée pour avoir des succès.

Êtes-vous surpris par la progression de vos joueurs ?

J’avais beaucoup d’offres à la fin de mon contrat avec le pays de Galles. Il y avait au moins quatre nations qui me proposaient de travailler pour elles. J’ai choisi la France car j’avais décelé son potentiel unique pour le futur. Je ne veux pas être irrespectueux envers les autres sélections qui m’avaient contacté en disant ça. Mais je voyais les moins de 20 ans français remporter les titres mondiaux et je me disais que je pouvais aider au développement de ces jeunes joueurs prometteurs. Je voulais que ces grands attaquants deviennent aussi de bons défenseurs.

Vous ne devez pas regretter ce choix…

Attention, nous n’avons encore gagné aucun trophée. C’est ce pourquoi je suis venu : remporter des titres. Si vous regardez ma carrière, j’ai emporté quatre Tournois des 6 Nations avec le pays de Galles, deux Coupes d’Europe et quatre Premiership avec les Wasps. Toutes les équipes dans lesquelles je suis impliqué veulent gagner des trophées.

Cette équipe n’a jamais été aussi proche d’y parvenir…

Depuis le match des All Blacks, comme Fabien l’avait souligné, l’équipe a eu comme un déclic. Elle réussit à mieux gérer ses deuxièmes mi-temps. Nous concédons moins d’essais sur les fins de matchs. C’est vital. La plupart des rencontres internationales se décident dans les dix dernières minutes. Il faut poursuivre sur cette voie.

Comment jugez-vous la performance des Gallois à Twickenham ?

Ils ont marqué trois essais à l’Angleterre, ça dit tout de leur potentiel offensif. Pour être honnête, je n’ai pas encore revu le match dans son intégralité. De ce que j’ai lu, ils ont payé cher quelques décisions à des moments clés.

On sait les Gallois affaiblis. Qu’est-ce qui les rend tout de même dangereux ?

Il ne faut pas les sous-estimer : les Gallois ont gagné quatre des dix derniers Tournois et sont les tenants du titre. Cette expérience a de la valeur. Et il y a le facteur Cardiff. Quiconque a déjà été au Millennium un week-end de Tournoi sait à quel point l’atmosphère joue dans la performance. Les Gallois ont un sacré bilan à la maison.

Josh Navidi devrait être de retour. Peut-il résoudre les problèmes gallois dans les rucks ?

C’est un joueur formidable. J’ai beaucoup de respect pour lui. Nous avons travaillé des années ensemble. Ce sera assurément un grand danger dans le jeu au sol, j’en suis conscient.

Alun Wyn Jones a été appelé au sein du groupe, avec qui il est censé poursuivre sa rééducation. Son retour sur les terrains paraît irréaliste, non ?

Et pourquoi pas ? N’est-ce pas irréaliste de compter plus de 150 tests-matchs au compteur ? Et pourtant, il l’a fait. Alun Wyn Jones est tellement spécial. Il n’y a rien d’impossible pour lui.

Est-ce plus simple de préparer un match contre le pays de Galles pour vous qui avait entraîné cette sélection pendant plus d’une décennie ?

Honnêtement ? Non, ce n’est pas plus facile. Certes, je connais un certain nombre de joueurs mais il y a eu tant de nouveaux qui sont arrivés depuis.

Aller à Cardiff vous procure-t-il encore un pincement au cœur ?

Je suis au pays de Galles actuellement. La famille de ma compagne y réside. Je suis passé les voir. Ça fait presque deux ans que ça n’avait pas été possible. J’ai une relation spéciale avec ce pays, notamment avec ses supporters. Ils aiment autant la défense que les Français (sourire).

Qu’avez-vous le plus apprécié de vos onze années passées sur place ?

Le fait de voir des joueurs évoluer sur la durée : j’ai vu des gars changer de dimension sur le plan défensif. C’est ce que j’espère arriver à faire en France aussi. Et puis, il y a les titres, encore une fois avec nos quatre Tournois des 6 Nations.

La vie à Wigan, où vous avez grandi, était-elle similaire à celle au pays de Galles ? Votre père travaillait dans les mines, n’est-ce pas ?

Oui, mon père était un mineur. Comme mes deux grands-pères. Quand j’étais jeune, il y avait les révoltes. Moi, j’étais rugbyman professionnel mais je soutenais leur lutte. L’industrie minière a une part aussi importante dans l’histoire de Wigan que dans celle du pays de Galles. Ce sont des environnements proches. La plus grande différence était que l’on jouait au rugby à XIII à Wigan et à XV au pays de Galles. C’est similaire à ce que je vis maintenant en Catalogne. J’habite à Canet et je vois que Perpignan est partagé entre les deux codes.

Du pays de Galles au sud de la France, ce nouveau décor doit vous changer…

Non, franchement, ça se ressemble. Que je sois à Wigan, Cardiff ou Canet, c’est « rugby, rugby, rugby ». C’est ce que j’aime, donc ça me va. Il y a le même état d’esprit chez les gens.

Voilà deux ans que vous êtes arrivé en France. Votre intégration était un défi. Comment l’avez-vous vécue ?

La barrière de la langue a été un vrai challenge. J’étais d’ailleurs déterminé à montrer mon respect pour la langue française en effectuant ma première intervention devant le groupe en français. Ça n’a pas été simple, ça m’a demandé des heures de travail mais j’y suis parvenu. J’ai progressé depuis. C’est important de bien s’intégrer, de s’intéresser à la culture. Mes filles qui ont 3 et 7 ans vont à l’école française et parlent bien français.

Mieux que vous ?

Je dois reconnaître que oui…

Votre boulot avec le XV de France est-il le même qu’avec le pays de Galles ?
Oui, ça se rapproche. Dans les deux cas, ce que j’apprécie, c’est l’adhésion des joueurs au système. Ils sont à fond dedans. Ils ne voient pas la défense et l’attaque comme des secteurs séparés. Ils défendent comme ils attaquent, avec le même entrain.

Une dernière question, plus personnelle : cela va faire un an que vous avez perdu votre mère, Phyllis, lors de la préparation du match face au pays de Galles…

C’était le lendemain du match en Angleterre (le 14 mars), oui. Effectivement, elle sera dans ma tête. Ma mère était une combattante, comme moi. Quand je serai à Cardiff, je m’efforcerai de garder les idées claires. Mon rôle sera de donner les bonnes consignes aux joueurs afin de leur permettre de l’emporter. Et de se rapprocher encore plus de la victoire dans le Tournoi.

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