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Champions Cup - Patrice Collazo : « La dynamique du XV de France va porter les clubs français »

  • L'ancien pilier international se projette sur cette riche parenthèse européenne
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Publié le Mis à jour
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L'ancien pilier international se projette sur cette riche parenthèse européenne, évoque les répercussions du format inédit et analyse les chances françaises dans la compétition.

Peut-on dire que ces 8e lancent vraiment la Coupe d’Europe après une phase de poules tronquée et sans grand intérêt ?

Je ne dirai pas que la première phase a manqué d’intérêt mais d’éthique, du fait des reports, des matchs joués sur tapis vert… En attaquant les phases finales, avec un Covid toujours présent mais à l’impact moindre, on entre de plain-pied dans la compétition. Tout le monde va oublier ce qui s’est passé avant. D’autant plus que toutes les équipes françaises sont qualifiées, à l’exception de Castres, qui, pour le coup, avait disputé toutes ses rencontres et réalisé une belle campagne en perdant de peu à chaque fois. On part en plus sur un modèle inédit en aller-retour. Ça se faisait à une certaine époque en championnat de France mais c’est nouveau pour la Coupe d’Europe.

Que change ce format, à vos yeux ?

Beaucoup de choses. Ça va donner un piment supplémentaire aux confrontations, déjà. Et ça va amener un casse-tête pour les entraîneurs. Un bon casse-tête mais c’est quelque chose que l’on n’a pas l’habitude de maîtriser. Jouer deux fois le même adversaire sur deux semaines, ce n’est pas dans nos codes. Au-delà de la stratégie, la gestion d’effectif sur quinze jours sera unique et primordiale. Dans l’approche, il y a tout de même une différence entre ceux qui affrontent des Anglo-Saxons et ceux qui retrouvent des équipes de Top 14.

Y a-t-il un réel avantage, à votre sens, à recevoir au retour ?

Oui, c’est un avantage... à la condition d’avoir bien voyagé à l’aller. Il ne faut pas que le handicap soit trop grand. L’effet pervers de ce format, c’est que l’attention des joueurs peut se focaliser sur un écart à gérer ou à remonter. La parole des managers sera importante pour bien appréhender cela. Leur rôle sera fondamental. Après le premier match, personne ne va révolutionner son jeu mais il y aura des enseignements précieux à tirer, que ce soit dans l’approche et dans la stratégie, pour conserver ou inverser le rapport de force de la double confrontation.

Les joueurs peuvent-ils se comporter différemment du fait de cette notion de point-average sur deux matchs ?

Dans le feu de l’action, je ne crois pas que les joueurs puissent être dans le calcul. Ça, c’est la tâche des entraîneurs de savoir s'il faut prendre les points ou aller en touche. Dans la globalité, ce sera une situation intéressante avec ce paramètre supplémentaire de l'aller-retour à prendre en compte. Il risque d’impacter toute la préparation et va générer une nouvelle forme de pression.

On l’a déjà ressentie au bord des pelouses la semaine dernière, notamment lors de Bordeaux-Bègles-La Rochelle…

Les doubles confrontations franco-françaises, qui sont même des trilogies, vont avoir un impact déterminant sur la fin de saison. Ceux qui prendront le dessus auront un ascendant psychologique pour la suite tandis que les vaincus risquent d’avoir un contrecoup sur les dernières journées de championnat. Ce qui va se passer en Coupe d'Europe se répercutera sur le Top 14. Je pense que ça fera bouger les 6.

Peut-on dire que La Rochelle a un ascendant sur Bordeaux-Bègles, après les deux succès de la saison passée et celui de samedi dernier ?

Ce qui est sûr, c’est que celui qui n’aura pas la qualification au bout sera marqué physiquement et psychologiquement. Ce sera dur de s'en relever. En plus, c'est une affiche particulière avec deux clubs qui sont rivaux depuis des années et qui prétendent désormais aux titres. Il y a une notion de derby, aussi. Sur la dernière rencontre, les Bordelais ont relevé le défi de la densité extrême de La Rochelle, chose qu’ils n’avaient pas faite lors de leurs dernières confrontations. Mais à quel prix ? Je pense que Bordeaux a d’autres arguments pour faire douter La Rochelle. Christophe Urios et son staff vont devoir trouver comment contourner ce bloc.

La clé sera de trouver une faille dans cette défense intraitable, qui n'a pas concédé de point contre le Racing et aucun essai à Chaban-Delmas…

L’UBB a les armes pour trouver des solutions sur certaines zones de terrain, notamment sur les extérieurs. Bordeaux peut tenir le choc dans le petit périmètre mais ne doit pas oublier le reste. Après, La Rochelle, on connaît : c’est une grosse défense, un rouleau compresseur, une ligne arrière capable de faire des choses… Ce sera des confrontations très serrées, musclées. Et l’impact, encore une fois, sera grand pour la suite. Imaginez si vous perdez quatre fois contre une équipe dans la saison et que vous la retrouvez en phases finales. Ça peut nourrir un complexe.

En parlant de ça, le Stade français, qui a essuyé des désillusions récemment, peut-il surprendre le Racing 92 ?

Même s’il manquait des cadres côté parisien, la performance du Racing, le week-end passé, ne doit pas être minorée. Les Racingmen retrouvent leur niveau. Ça paraît être un match déséquilibré sur la feuille mais, ce qui est sûr, c’est que le Stade français est une équipe de coups. Elle est très dangereuse quand elle est un peu aux abois. Alors, oui, c’est un derby et il y a un affront à laver mais il y a surtout moins de pression sur les Parisiens. Gonzalo Quesada a cette faculté à agir sur le mental de ses hommes dans ces situations-là. Et l'on sait qu'un joueur libéré est un joueur qui tente des choses. Il suffit qu'il y ait un peu de réalisme et quelques éléments favorables…

Passons désormais au tenant du titre, le Stade toulousain, qui a hérité de l’outsider de la compétition, l’Ulster. Est-ce un match piège ?

L’Ulster est une des équipes les plus complètes de cette compétition, c'est vrai. Concernant Toulouse, les deux derniers matchs de Top 14 ont servi de remise en jambes et lui ont permis de commencer à retrouver les automatismes en injectant les internationaux à doses homéopathiques. Là, le Stade va changer de disquette. Les joueurs connaissent parfaitement ces échéances et ce 8e va les faire basculer sur les objectifs de fin de saison. À partir de là, le niveau de l’équipe va s’en faire ressentir. D’autant plus que les internationaux sortent d’une période euphorique. Les matchs de phases finales vont amener tout le monde à hausser le curseur. Il y a un statut à justifier, un titre à défendre. Quand il y a le goût du sang, on retrouve Toulouse.

Le Stade reste-t-il le grand favori de la compétition malgré une moins bonne passe pendant les doublons ?

Ça reste le prétendant le plus armé. Toulouse a traversé les doublons comme il a pu. Toutes les formations ont été impactées pendant le Tournoi. Il suffit de regarder l’UBB sans plusieurs de ses joueurs à des postes clés. La baisse de niveau est presque inévitable. Je crois que la dynamique que les mecs ont connue en équipe de France va se répercuter sur les clubs. Ils ont déjà amené de la plus-value et une nouvelle dimension à leur retour. Avec les habituels favoris, le Leinster, La Rochelle mais aussi Bordeaux, désormais, le Stade fait partie des candidats au titre.

Quelles sont les chances de Clermont, ancien ténor de la compétition, dont la saison est marquée par une irrégularité maladive ?

Clermont a une forme d’inconstance en Top 14, c’est vrai. Mais l’ASM a un jeu qui colle vraiment à la Coupe d’Europe. Elle peut trouver la bonne carburation et ça peut la remettre sur les rails, si tant est qu'elle soit en dehors. Ils sont tout de même aux portes du Top 6. Clermont peut trouver les petites certitudes qui lui manquent sur ces deux confrontations. Leicester est intouchable en Angleterre mais on a souvent vu des équipes anglaises en tête de leur championnat rencontrer des difficultés face à des clubs français. Ce sont des rendez-vous particuliers. Les Tigers reviennent sur le devant de la scène, avec Steve Borthwick comme manager, mais attention à l’ASM, donc. En Coupe d’Europe, le rugby est moins haché, moins physique, plus athlétique. Les Clermontois peuvent s’y retrouver.

Plus que jamais, avec cinq matchs à disputer pour l’emporter, le challenge de la Coupe d’Europe paraît dur à relever pour les clubs français, lancés en parallèle dans la course à la qualification…

Oui, il y a potentiellement neuf ou dix équipes qui peuvent encore se qualifier en Top 14. Aller loin en Coupe d’Europe veut dire des matchs en plus, de la fatigue, un enchaînement. Mais il y a aussi l’excitation et des certitudes à aller chercher sur ces rencontres couperet. La double confrontation à venir va générer une énergie incroyable et de la confiance pour ceux qui l’emporteront. La gestion de l’effectif va être déterminante, évidemment, mais, à quelques journées de la fin, les équipes sont avant tout à la recherche d’une dynamique que la plupart ont perdue pendant l’hiver. Plus on joue, plus on renforce ses certitudes pour aller chercher des titres.

Il n’y a peut-être que Montpellier qui a de la marge pour avancer sur les deux tableaux…

Le MHR, qui a un gros défi face aux Harlequins, a une position qui lui permet de voir un petit peu  venir en championnat. Mais la problématique est à peu près la même qu’ailleurs : il faudra voir comment il se sort, physiquement et mentalement, de cette double confrontation. En sachant que personne ne pourra fonctionner avec le même XV type sur trois ou quatre matchs de suite. Il faudra faire évoluer les compositions pour maintenir tout le monde sous pression. Ça va être une mécanique de précision.

Sans vouloir tomber dans la caricature, le format allongé de cette phase finale n'avantage-t-il pas encore plus les franchises irlandaises, le Leinster tout particulièrement, qui a une large avance en tête de URC et peut gérer son effectif à sa guise ?

C’est un format idéal pour eux, oui. Ils sont loin devant dans leur championnat, ont récupéré les internationaux qui ont pu se régénérer… Tous les voyants sont au vert. Ce format de mini-Coupe du monde leur va bien.

Peut-on dire que le doublé sera plus dur que jamais pour les formations françaises ?

C’est tellement dur de mener les deux compétitions de front, en temps normal. Toulouse, La Rochelle et Bordeaux y étaient parvenus l’an passé. Là, c’est encore plus exigeant. Mais je suis convaincu que la dynamique du XV de France et du rugby français en générale va porter les clubs. Les internationaux rayonnent, le Top 14 est très disputé... Cet allant va rejaillir sur tout le monde. Pour le doublé ? Aucun des managers en lice dans ces 8e ne l’avouera mais un entraîneur ne pense qu’à gagner. Donc, chacun a le doublé dans un coin de sa tête.

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