L'édito : L’autre Antoine

Par Emmanuel Massicard
  • Antoine Dupont sur sa pelouse d'Ernest Wallon
    Antoine Dupont sur sa pelouse d'Ernest Wallon Icon Sport
Publié le
Partager :

L'édito du lundi 11 avril par le rédacteur en chef du Midi Olympique, Emmanuel Massicard.

Antoine Blondin aurait eu 100 ans ce lundi 11 avril. Né à Paris en 1922, le journaliste chroniqueur devenu un très grand écrivain magnifia le sport avec sa plume merveilleuse. Plus délicieusement encore le vélo et le rugby, ses terrains de prédilection. Ils lui doivent tant de leur pouvoir magique, parfois de leur légende.

Cette semaine, Didier Geninasca, lecteur fidèle de Midol, eut la bonne idée de partager avec nous quelques lignes signées par l’oiseau de nuit qui, au gré des débordements de ses troisièmes mi-temps, n’était pas forcément drôle à toute heure. N’empêche, son regard sur le rugby vaut toujours de l’or et nous conduit à l’introspection : «Le fait même que le rugby, à l’inverse du football qui s’en prévaut tellement, ne soit pas un sport universel le désigne précisément comme un jeu de sociétés ou mieux : le jeu d’une société, l’émanation d’un certain mode de civilisation, son reflet définissable et son porte-parole»

On voudrait cette vérité éternelle malgré la patine du temps, la médiatisation et le professionnalisme. Rien ne dit pourtant que Blondin aurait aimé le rugby tel qu’il est devenu, entre autre privé des «verre(s) de contact» - sublime formule - qui rapprochaient les hommes. Ni comment l’ancien Hussard aurait jugé qu’au petit matin d’un grand chelem, un rugbyman argentin, précisément le délicieux Federico Martin Aramaburu, perde la vie sur un trottoir parisien à cause de la furie sourde d’idées nourries par l’extrémisme. Pour nous, c’est clairement insupportable.

Blondin eut finalement raison de tenir son rugby dans un univers si singulier, différent, parfois un brin trop élitiste mais toujours tourné vers l’autre. «L’essentiel n’est pas de jouer contre l’adversaire, mais avec lui.» Son message résonne encore aux confins de notre sport, éternellement tiraillé entre ses modes et le poids de sa culture, le combat et l’évitement, le labeur et l’intelligence, la force du collectif et l’éclat des talents individuels.

Ne jetez rien. Ce jeu doit clairement garder sa liberté, sa gourmandise et son goût pour l’autre, son caractère et ses exigences de conquête, ses principes et sa vision d’avenir. Et nous, tous, devons défendre l’idée que ce sport de rassemblement, s’il n’a pas vocation à chatouiller le football sur le terrain de l’universalisme, a de formidables jours devant lui ; qu’il peut et doit servir de marqueur au cœur d’une société égotiste, au point de se replier sur elle-même chaque jour avec plus de force.

La lumière dorée qui se pose aujourd’hui sur le XV de France est ici une aubaine. Rugby jusqu’au bout des ongles, la génération "Dupont" aurait certainement alimenté la flamme folle de l’autre Antoine. Celui qui rêvait à mots découverts d’un pays où s’avancerait un homme capable de porter un ballon ovale sur la poitrine.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?