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Un jour, une histoire - Il y a 30 ans, le Brennus des minots de Toulon - Pourquoi ce titre est unique...

  • Michel Périé, Pierre Trémouille, David Jaubert brandissent le Bouclier de Brennus mais c’est Éric Champ (à droite) qui l’avait reçu des mains de François Mitterrand. Pour la première fois de l’Histoire, un capitaine en civil a reçu le trophée, dernier avatar d’une saison unique.
    Michel Périé, Pierre Trémouille, David Jaubert brandissent le Bouclier de Brennus mais c’est Éric Champ (à droite) qui l’avait reçu des mains de François Mitterrand. Pour la première fois de l’Histoire, un capitaine en civil a reçu le trophée, dernier avatar d’une saison unique. Photo Archives Midi Olympique - Photo Archives Midi Olympique
Publié le Mis à jour
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Il y a trente ans, Toulon brandissait un bouclier de brennus totalement inattendu et foutraque. Retour sur un parcours hors du commun, le plus étourdissant de l’histoire.

Mouillons-nous ! Le titre de champion de Toulon de 1992 reste à nos yeux comme l’un des plus beaux exploits de l’histoire de notre championnat. La mémoire collective ne lui rend pas toujours justice car Toulon passe pour un club majeur, destiné à brandir souvent le Brennus, mais le parcours de ce RCT-là fut totalement étourdissant. D’autres équipes, ont été sacrées contre tous les pronostics, mais très peu l’ont été dans les mêmes conditions que ce Toulon 92. Nous avons reparlé de cette aventure folle avec Jean-Claude Ballatore, entraîneur au caractère bien trempé. Il avait succédé l’été précédent au mythique Daniel Herrero, totem des années de gloire. Ballatore avait tout pour se planter, il a brillamment réussi. Dieu sait s’il était attendu : « J’étais parti pour Nice en 1971 et j’étais le dernier à être revenu. »

Parce que c’était une équipe « biberon »

À la base de tout, il y a ce fait unique : un club sacré avec huit novices qui disputaient leur première saison dans l’élite. Michel Périé (21 ans) et Marc de Rougemont (20 ans) en première ligne, Gérald Orsoni (19 ans) en deuxième ligne, Yann Delaigue (19 ans) à l’ouverture et Patrice Teisseire (19 ans et un mois) à l’arrière. Plus Franck Chouquet et Ludovic Cornuau, remplaçants. Et Igor Juzon et Philippe Salacrou qui n’ont pas joué la finale. « Il faut comprendre le contexte : le club traversait une mauvaise passe financière. André Herrero venait juste de prendre la présidence. Pour faire face à nos échéances, il avait fallu faire un prêt et demander des subventions exceptionnelles à la mairie de François Trucy et au Conseil Général de Maurice Arreckx. Beaucoup de joueurs de la génération des années 80 étaient partis ou avaient arrêté. Christophe Deylaud était revenu à Toulouse, un espoir comme Christian Califano qui aurait à coup sûr joué avait pris le même chemin. Nous n’avions pu recruter qu’Aubin Hueber et Francis Lagleyze. Je n’avais pas d’autre choix que de faire appel à une génération de jeunes qui avaient des qualités, mais qui devaient travailler. »

Parce que tout avait mal commencé

À la fin de la phase de poules, Toulon n’était que septième sur dix, un classement indigne du statut du club. « Nous avions touché le fond en perdant chez nous le 1er décembre 1991 face à Colomiers, 21 à 15. Un match catastrophique. Je me suis vraiment senti sur la sellette. J’étais très ami avec André Herrero, mais je sais qu’il aurait très bien pu me virer. Ma tête n’a tenu qu’à un fil. Mais j’ai senti une prise de conscience chez les cadres comme Eric Champ, Bruno Motteroz ou Thierry Louvet. Et puis, Yann Braendlin, notre pilier droit, qui avait fait une pause, est revenu et a stabilisé notre mêlée. Il a joué un grand rôle dans notre remontée. Il n’était pas très volumineux, mais il avait une grande souplesse de reins. Il aurait dû avoir une meilleure carrière. Ce fut un moment très dur, je remercie Roger Fabien et Noël Vadela qui accompagnaient l’équipe. Ils m’ont beaucoup soutenu. La saison avait vraiment été chaotique. Le pilier Manu Diaz, 36 ans, légende du club, avait rechaussé les crampons pour nous dépanner. Alain Carbonnel qui était mon adjoint a dû jouer quelques matchs aussi. Ce dernier était d’ailleurs remplaçant pour la finale. »

Parce que la phase finale fut unique en son genre

Toulon, septième de sa poule, fut condamné à jouer un match de barrage à Montpellier face à Aurillac qui lui, venait du Groupe B. En cas de défaite, le RCT aurait tout simplement été… relégué à l’échelon inférieur. En cas de victoire, il avait droit de jouer les seizièmes. Ainsi, fonctionnait la formule alambiquée de l’époque. Toulon est donc le seul champion à avoir joué un barrage de maintien, un mois et demi avant son titre. « Ce match contre Aurillac, nous l’avons préparé dans une grande tension. Jamais je n’ai eu autant de pression. Roger Fabien et Noël Vadela m’ont vraiment soutenu moralement. Nous savions comment les prendre. Eric Champ a dit récemment qu’on ne s’était pas fait trois passes, c’est à peine exagéré. Je voulais qu’on les domine, qu’on les maltraite et qu’on ne prenne pas de risque. On les avait cassés en deux, disons qu’on avait fait du jeu « groupé ». » Victoire 28-9. Au-delà de la joie du maintien, ce match signifie que le Toulon 1992 fut sacré au terme d’un parcours de six matchs de phase finale. Record absolu.

Parce que le quart de finale fut renversant

S’il ne doit rester qu’un match de cette folle épopée, c’est bien ce quart de finale face à Tarbes, joué à Narbonne. À sept minutes de la fin, Tarbes menait de douze points, 27 à 15. Les Pyrénéens décident alors de faire sortir leur pilier droit. Erreur fatale. La mêlée toulonnaise prend clairement le dessus. Derrière, les Varois décident alors de se lâcher offensivement, des balayages et des relances du bout du monde avec Delaigue et Trémouille au four et au moulin. Elles aboutissent à deux essais Thomas Jaubert, transformés en coin par Jehl et par Teisseire avec un sang-froid de chien de chasse. 27 à 27 à la fin du temps réglementaire. 30 à 30 à la fin des prolongations. Toulon est déclaré vainqueur au nombre d’essais : « J’ai passé la prolongation à tenir la main de Philippe Dintrans (l’entraîneur de Tarbes, N.D.L.R.). »

Parce que l’entraîneur était vraiment amateur

« On m’avait surnommé, l’entraîneur en costard. Certains joueurs utilisaient ce surnom. (On comprend que ce surnom n’avait rien d’amical au début). Toute la journée, j’étais directeur de la Jeunesse et des sports au Conseil Général. J’arrivais à l’entraînement en blazer-cravate, c’est vrai. Je n’allais pas me changer. Je sais que j’étais un entraîneur très exigeant, avec les jeunes notamment. J’aurais pu les choquer. Je pense que maintenant, je serais plus dans l’affectif. Mais il fallait faire progresser tous ces jeunes. Et puis, il y a eu ce dernier match à domicile contre Graulhet. André Herrero n’était pas là, il était en Corse. Je me souviens de lui avoir téléphoné pour lui dire : « Je crois que nous allons pouvoir faire quelque chose. ». »

Parce que son capitaine… ne jouait pas

Ce titre de 1992 fut aussi marqué par un événement unique. C’est un joueur en civil, Éric Champ qui a reçu le bouclier. Pourquoi ? Parce que Toulon en plus de toutes ses galères, avait perdu son capitaine. On parle ici d’un troisième ligne à quarante-deux sélections, Chelemard et finaliste d’une Coupe du monde. Éric Champ avait été suspendu après une bagarre en demi-finale du Du Manoir contre Agen et Abdelatif Benazzi. Il manqua donc le huitième, le quart, la demie et la finale. « Jusqu’au bout j’ai espéré qu’il serait requalifié, que la FFR nous ferait une fleur, comme elle en avait fait une au Racing en 1990 pour Jean-Pierre Genet. Cet espoir a été déçu, mais je le reconnais nous étions portés par une telle dynamique que nous sommes passés outre… » Par-dessus le marché, en demi-finale face à Castres, Yvan Roux, deuxième ligne d’expérience, champion en 1987, fut expulsé pour un coup de poing. Lui aussi fut privé de finale. Gagner sans ces deux guerriers, avec un effectif en théorie limité, il fallait vraiment le faire. « Ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de faire monter Éric Champ en civil pour recevoir le Bouclier. Je ne me serais pas permis par respect pour ceux qui avaient joué. Celui qui a pris cette décision, c’est le centre Pierre Trémouille, devenu capitaine. C’était un joueur exceptionnel, notre Philippe Sella. J’ai été marqué par ce geste d’une rare noblesse, caractéristique de l’homme. »

Parce que Périé pétillait

Un sacre, ce sont des images fortes qui s’impriment dans les mémoires. Le sacre de 1992 est aussi incarné par ces visions d’un pilier gauche quasi débutant, Michel Périé, 21 ans qui en finale retourne un monument comme Pascal Ondarts, 36 ans et quarante-deux Capes. En quart, il avait fait de même avec le Biterrois Philippe Gallart, sacré client lui aussi. S’il doit y avoir un porte-drapeau à ce titre, c’est bien ce Périé, inconnu en début de saison. « Il avait compris la mêlée, il aimait la mêlée. Il me rappelait mon propre parcours, puisqu’il avait débuté comme troisième ligne avant de prendre le maillot numéro 1 comme je l’avais fait dans les années 60. Je l’ai fait monter sans aucune hésitation. Mais je mentirais si je disais que je m’attendais à une telle facilité. Il a pu exprimer sa force, parce qu’il avait acquis une très bonne technique au cours de cette fameuse saison. »

Parce que Éric Melville jouait

Le discours de Jean-Claude Ballatore se voile d’émotion : « Mettez l’accent sur le numéro 8 Eric Melville (décédé brutalement en 2017). C’était un homme extraordinaire. Quand Éric Champ a été suspendu, il s’est littéralement dédoublé. Il était unique, d’une résistance vraiment unique… » Éric Melville, sud-africain de naissance avait joué six fois en équipe de France.

Parce que toute la France parlait de Biarritz et de Blanco

« Il faut se souvenir que c’était la Blancomania. Nous étions en finale face à Biarritz que personne n’attendait non plus, mais Serge Blanco devait arrêter sa carrière sur cette finale. Toute la France voulait qu’il soit champion. Avant le match, j’ai vu l’arbitre Alain Ceccon. J’ai voulu lui parler tête à tête. Je lui ai dit : « Je joue ma vie, je veux le droit, rien de plus. ». » Jean-Claude Ballatore craignait un coup fourré ou un arbitrage sous pression, même inconsciemment. On parlait beaucoup de ça, à l’époque. Le discours du coach se fait plus allusif. Il avait trouvé les mots simples qu’il fallait. M. Ceccon resta un simple juge de paix. Une partie peut se gagner ainsi, ou en tout cas ne pas se perdre.
 

Les champions

P. Tesseire ; P. Jehl, P. Trémouille (cap.), C. Repon, D. Jaubert ; (o) Y. Delaigue, (m) A. Hueber ; Th. Louvet, E. Melville, L. Loppy ; B. Motteroz, G. Orsoni ; Y. Braendlin, B. Dasalmartini, M. Périé (M. De Rougemont 65e). Remplaçants : Carbonnel, Gruarin, Chouquet, Cornuau, Casalini. Éric Champ et Yvan Roux n’ont pas joué la finale. F. Lagleyze, I. Juzion, Ph. Salacrou, A. Carbonnel, M. Diaz, Rebbadj ont aussi joué.

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