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Champions Cup - Laurent Labit : « Au centre, à l’arrière ou à l’aile, Antoine Dupont serait toujours aussi bon »

  • Laurent Labit est un des entraîneurs de l'équipe de France
    Laurent Labit est un des entraîneurs de l'équipe de France Icon Sport - Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Laurent Labit (Entraîneur de l’attaque du XV de France) a accepté de livrer son regard d’expert, dimanche, à chaud, sur ce week-end de quarts de finale européens. Riche en enseignements...

Ce fut un week-end fabuleux de rugby, qui nous a définitivement fait oublier tous les tâtonnements liés à la formule de la compétition… 

C’est exactement la réflexion que je me faisais en regardant ces matchs. Ça y est, la vraie Coupe d’Europe est lancée et la qualité de ces matchs a totalement fait oublier tout ce qui s’est passé cet hiver, avec cette formule qui a changé plusieurs fois, ces matchs non joués ou carrément gagnés sur tapis vert… On voulait du rugby de haut niveau, on a été servis. C’est forcément très intéressant pour nous car, dans notre réflexion au sujet de l’équipe de France, ce sont des matchs qui servent. Par leur contenu, leur énergie, par leur dramaturgie, ils renvoient à ce chaos qu’on connaît au niveau international. Tu peux te préparer à tout ce que tu veux, au final, les scénarios des rencontres ne se passent jamais comme prévu.

Comment l’expliquez-vous ?

La première chose est qu’en Champions Cup, on n’est pas dans le rythme du Top 14 où les joueurs peuvent entrer et sortir presque à l’infini. En Coupe d’Europe, comme au niveau international, le règlement ne permet pas les changements permanents et rend les choix de coaching d’autant plus importants. Et puis, la différence fondamentale, c’est qu’on aborde en Coupe d’Europe les matchs de manière plus positive. On a tout à gagner, plutôt que tout à perdre. Et rapidement, on est pris dans ce tourbillon, entre ces règles de changements différentes, cet arbitrage un peu différent également. On a bien vu que même dans un match franco-français, La Rochelle a essayé de mettre beaucoup de rythme lorsqu’ils ont vu que les Montpelliérains faisaient mieux que rivaliser.

À ce sujet, compte tenu de leurs difficultés du moment, la résistance des Montpelliérains vous a-t-elle surpris ?

Clairement. J’étais chez eux il y a une quinzaine de jours et le staff du MHR se posait déjà beaucoup de questions par rapport aux blessures de Reinach, de Serfontein, auxquelles s’est ajoutée récemment celle de Willemse et la suspension de Haouas. Ils étaient pas mal usés, fatigués et je m’attendais honnêtement à ce qu’ils souffrent beaucoup plus que ça, à La Rochelle. Ils ne sont pas, avec Castres, l’équipe la plus régulière du Top 14 pour rien. Ils ont su, malgré leurs difficultés, se nourrir des fautes de La Rochelle. Dommage pour eux qu’il leur ait manqué un peu de carburant sur la fin, mais cela paraissait difficilement évitable.

Passons au Racing. Qu’avez-vous pensé de son match contre Sale ?

Tout d’abord, sur le plan rugbystique, c’était probablement le quart le moins intéressant. On a senti une équipe de Sale coupée en deux, avec un très gros pack mais une ligne de trois-quarts proche du catastrophique. Le Racing a laissé beaucoup d’énergie en mêlée et s’est trouvé en difficulté devant, mais a réussi à exploiter les quelques miettes que Sale leur a offertes, avec deux contre-attaques du champ profond, le récital au pied de Finn Russell et l’exploit de Teddy Thomas.

Quelle sera la clé de cette demie franco-française, Racing-La Rochelle ?

Cette demi-finale a déjà eu lieu l’an dernier en Top 14. La clé, on l’a bien vue. Les Rochelais chercheront à réaliser à peu près le même match que Sale, en rendant moins le ballon. Et ils ont démontré en quarts qu’ils pouvaient aussi proposer autre chose, si d’aventure ils étaient contrés devant.

Le fait que le match se disputera à Lens peut-il avoir une influence ?

C’est un terrain de foot, très large, donc effectivement la capacité du Racing à jouer au pied dans les angles de manière stratégique par Russell ou Gibert peut en être favorisée. Ceci étant, les Rochelais ont des joueurs susceptibles, avec suffisamment de vitesse, de colmater ces espaces sur les extérieurs.

La Rochelle disputera quant à elle sa deuxième demi-finale consécutive de Champions Cup. Pensez-vous que cette équipe a franchi un cap par rapport à l’an dernier, où elle donnait l’impression de ne pas avoir de plan B une fois contrée sur ses points forts ?

La Rochelle continue de monter en puissance. Le staff de Ronan O’Gara apprend, ses joueurs aussi. Ils restent une équipe très physique et pour les battre, il faut d’abord rivaliser avec eux à ce niveau-là. En revanche, quand ils sont contenus sur leur puissance, on les sent aujourd’hui capables de développer un peu plus de mouvement et d’aérer leur rugby, ce qu’ils ont d’ailleurs fait contre Montpellier. De ce point de vue, je ne suis pas inquiet pour eux. La plus grande interrogation, à mon sens, réside dans leur efficacité dans les tirs au but lors d’un grand match. S’ils veulent remporter des trophées, cela passera forcément par là.

Même si son quart de finale s’est plutôt bien passé, les échecs récents de West à Toulouse peuvent-ils l’avoir fragilisé mentalement, avant les prochaines échéances ?

En tout cas, le staff rochelais est conscient qu’il s’agira d’un point crucial. Ils lui ont accordé une grande confiance depuis le début de la saison. Dans leur style de jeu, Ihaia West est leur meilleur animateur. Reste que lorsqu’on parvient dans le dernier carré, et plus encore en finale, il y a des points à mettre qu’il ne faut pas manquer. C’est la plus grande inconnue, les concernant.

Vous nous offrez une transition toute trouvée avec le Stade toulousain, dont le trio Dupont-Ntamack-Ramos a été bluffant de sang-froid lors de sa séance de tirs au but…

Quand on les connaît un peu, on n’est pas forcément surpris. Ils ont ça en eux, cette capacité à amener leurs adversaires très loin dans le bras de fer pour finalement les gagner. Plus ça monte, plus ils montent. On le voyait d’ailleurs à la fin de la première mi-temps des prolongations : les Munstermen étaient dans le rouge depuis longtemps, ils ne savaient plus où ils étaient ni ce qu’il fallait faire du ballon, tandis que Romain Ntamack avait de son côté la lucidité d’envoyer tranquillement le ballon en tribunes. Le seul reproche qu’on peut lui faire sur ce match, c’est qu’il a cru qu’on était encore cinquante ans en arrière, quand les séances de tir au but se réglaient en trois tours (rires).

La Coupe d’Europe est souvent le reflet des résultats du précédent Tournoi, où la France et l’Irlande ont semblé un cran au-dessus de leurs adversaires. De ce point de vue, pouvait-on imaginer un parcours plus compliqué pour le Stade toulousain ?

Imaginez un peu : ils se cognent l’Ulster en aller-retour après avoir pris un rouge au bout de cinq minutes à l’aller, puis se déplacent affronter le Munster et maintenant le Leinster… C’est presque comme enchaîner trois étapes alpestres dans une même journée ! Mais s’ils ont cinq étoiles sur leur maillot, ce n’est pas parce qu’on les leur a données. Les Toulousains sont habités par quelque chose qui les pousse à se sublimer dans ces grands matchs. Ils aiment ces moments-là.

Vous disiez que ces matchs vous servaient pour le XV de France. En Ulster et contre le Munster, Antoine Dupont a été très bien cadenassé à son poste de demi de mêlée, Toulouse trouvant des solutions en fin de match après son passage à l’ouverture. Cela peut-il vous inspirer, à l’avenir ?

C’est quelque chose qu’on a déjà évoqué, bien sûr. On avait même cette option lors des tests de novembre et pendant le Tournoi. Comme nos avants ne sont pas vraiment formatés en Top 14 pour tenir 80 minutes, nous évoluons nous aussi souvent en 6-2 sur le banc. On doit donc réfléchir à toutes les éventualités. Un joueur comme Antoine est capable de jouer en 10, mais s’il passait au centre, à l’arrière ou à l’aile, il serait toujours tout aussi bon. En ce moment, à son poste de demi de mêlée, il est particulièrement surveillé de par son statut. Il faudrait qu’il parvienne parfois à faire évoluer son jeu et à prendre moins de choses à son compte pour essayer de se faire oublier, encore qu’il est aujourd’hui difficile pour un défenseur d’oublier Antoine Dupont. Du coup, le fait de passer à l’ouverture sur les fins de match lui offre un peu plus d’espaces, de libertés, de temps de réflexion et cela permet au Stade toulousain de trouver des solutions par ses qualités d’appuis, de puissance ou de jeu.

On imagine aussi que l’entraîneur de l’attaque que vous êtes a dû applaudir des deux mains, au vu des deux essais inscrits en première main par Toulouse.

Quand tu prépares ça et que ça se passe à la perfection, c’est énorme. En tant qu’observateur, tu ne peux qu’apprécier, notamment sur le deuxième essai de Lebel. Il y a bien sûr le talent de Matthis qui fait la différence, mais pour le mettre en situation de jouer son duel sur Zebo, tout s’est déroulé de manière absolument parfaite. C’était du grand rugby.

Toulouse affrontera le Leinster en demi-finale. Stratégiquement, on aurait tendance à dire qu’il s’agira d’une opposition de la trempe des précédentes, servie par les meilleurs joueurs…

On sait que les provinces travaillent plus que jamais autour de leur équipe nationale. C’est encore plus frappant pour le Leinster, puisque 12 ou 13 de ses titulaires le sont aussi avec la sélection. Ce qu’ils font, tous les week-ends, c’est répéter ce qu’ils pratiquent au niveau international. Leur jeu a un peu évolué, tout de même : on les voit par exemple essayer de se passer le ballon après contact, ce qui était formellement interdit il y a encore quelques années. Mais je crois que Toulouse a l’expérience et le jeu pour encore déjouer ce piège.

C’est-à-dire ?

Contre les Tigers qui sont leaders du championnat d’Angleterre, le Leinster a livré une masterclass lors de la première demi-heure. C’était vraiment parfait. En revanche, cette équipe reste vieillissante et je suis sceptique sur sa capacité à tenir 80 minutes à ce rythme. On a vu Cian Healy quitter la pelouse blessé, Johnny Sexton et Tadhg Furlong sortir assez tôt. Je pense que les Toulousains ont les moyens de passer, s’ils parviennent à tenir le bras de fer et à mieux réussir leurs entames.

Un mot pour conclure au sujet du Challenge européen : peut-on se diriger là aussi vers une finale franco-française ?

Bien sûr que Lyon comme Toulon en ont les moyens, d’autant qu’ils joueront leur demie à domicile ! Après, la problématique des deux équipes sera la même, puisqu’il y aura en suivant la qualification en Top 14 à assurer. Même si le RCT doit jouer un gros morceau avec les Saracens, il a peut-être un petit avantage puisqu’il reçoit la semaine suivante Pau, qui n’a plus grand-chose à jouer. Lyon doit se déplacer à l’UBB et accueillir La Rochelle. Comme programme, c’est copieux, d’autant que les Wasps ne sont pas les premiers venus. Ceci étant, on rêve évidemment de finales dans la continuité du grand chelem du XV de France. Quatre clubs en finale à Marseille, ce serait évidemment fabuleux pour le rugby français.

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