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Au cœur du volcan rochelais en ébullition après son premier titre européen

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    Au cœur du volcan rochelais en ébullition après son premier titre européen
Publié le Mis à jour
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À Marseille, la fin de match fut sauvage, intense, irrespirable. On vous propose ici d’en revivre les meilleurs moments, au gré des témoignages recueillis, après le combat, auprès des principaux protagonistes : Arthur Retière, Grégory Alldritt, Ihaia West et Jonathan Danty nous plongent au cœur du volcan…

Soudain, le vent a tourné. Sans qu’on sache vraiment l’expliquer, le Leinster « a perdu le contrôle », puisque c’est ainsi que le synthétise Sexton dans l’un des borborygmes qui rythment souvent ses debriefs d’après-match. Mais alors, Johnny ? D’où vous est donc venue l’idée folle de relancer un ballon à l’heure de jeu, depuis votre en-but et porté par vos vieilles canes de quadra ? Et où Thomas Berjon, qui vous cloua d’autorité au sol, trouva-t-il encore l’énergie de se battre, sous ce cagnard infernal et après douze rounds d’un combat de chiens ? Toujours est-il que c’est précisément ici que la finale de Champions Cup bascula dans un univers parallèle, un au-delà où les Leinstermen perdirent leurs nerfs, vomirent des ballons et jouèrent comme des tendrons. C’est à ce moment-là que le Stade rochelais remit en fait ses grosses paluches sur une finale que l’on pensait perdue et qu’aussitôt, ce match de rugby n’eut plus rien d’une récréation de fillettes, d’un passe-temps de damoiseaux…

Le sélectionneur anglais Eddie Jones, présent au Vélodrome pour « étudier les joueurs français », nous disait : « À partir de là, Will Skelton, que j’ai trouvé immense sur ce match, a frappé un peu plus fort qu’il ne le faisait jusqu’à présent et derrière lui, les avants Rochelais ont brisé les structures irlandaises. » Ici, l’entreprise de démolition amorcée une heure plus tôt a alors connu ses premiers effets. « Je savais que la défense de Sexton n’était pas son point fort, racontait Jonathan Danty. Pour me remettre dans le match, j’ai décidé d’aller le chercher deux ou trois fois. Quand je l’ai vu sortir à l’heure de jeu, j’ai eu un petit « smile » et je me suis dit : « t’as bien fait le job ». Car le Leinster n’est plus vraiment le même sans lui, non ? » Sur la ligne de front, alors que le Stade rochelais était encore mené de quatre points (21-17) et que « Quick et Flupke » (Luke McGrath et Ross Byrne) avaient remplacé la charnière de l’équipe nationale irlandaise, les coéquipiers de Gregory Alldritt frappaient la ligne et les corps, ici par un maul pénétrant, là par une interminable séquence de pick and go.

À ce jeu-là, le grand Skelton, si longtemps incertain pour la finale, ne cessait de brasser de la viande, nous prouvant si c’était encore nécessaire à quel point sa présence était samedi capitale. « Les adversaires détestent le jouer », disait d’ailleurs Ronan O’Gara la veille de cette rencontre. Ce à quoi Uini Atonio, avec lequel le colosse australien forme un axe droit pour le moins meurtrier, ajouterait plus tard : « Will était censé être là pour dix minutes et il en a fait 80… Pfff… Il est au-dessus… J’espère que pour les trois ou quatre derniers matchs de l’année, il va continuer à faire ça. » Tu l’as dit, Uini…

Merling : « Javais peur d’un grattage, d’un fait de jeu… »

À Marseille et sous le soleil de Satan, la tonne de barbaque qui sert de huit de devant au Stade rochelais poursuivait coûte que coûte son travail de sape. Le corps las, Tadhg Furlong avait quitté le terrain depuis longtemps. Son collègue de la première ligne, Andrew Porter, aussi. Au Vél’, les réservistes de Leo Cullen avaient sûrement le cuir plus tendre que les « finisseurs » de La Rochelle et, après chaque assaut, les avants du Leinster tardaient toujours un peu plus à se replacer, laissant le seul Van der Flier, 25 plaquages à Marseille et meilleur joueur de la coupe d’Europe, jouer les soldats du feu. Ihaia West, touché par la grâce au Vélodrome (lire page 6), observait tout ça avec un détachement so kiwi : « Je vous jure que j’étais confiant, nous dirait-il peu après. Les gros avançaient tout le temps. Je savais que tôt ou tard, une brèche s’ouvrirait. » Tu parles, Charles. « Ils souffraient et ça commençait à se voir, poursuivait le bon Danty. Ils faisaient des fautes mais Wayne Barnes ne leur filait jamais de carton jaune. Intérieurement, je bouillais… » En tribunes, le président Vincent Merling n’était pas beaucoup mieux : « J’avais peur d’un grattage, d’un incident, d’un fait de jeu. Je me disais : « Ce n’est pas possible. On ne peut pas la perdre, celle-là ! » C’était une sacrée épreuve, croyez-moi. »

Alldritt : « Nous étions possédés »

Qu’est-ce qui poussa alors les Rochelais, eux aussi à bout de forces, à placer un dernier coup de reins ? Le vacarme assourdissant qui venait du virage Sud et secouait l’arène, peut-être ? Ou alors la volonté d’une poignée d’hommes, marqués dans leur chair par les deux défaites de l’an passé ? Grégory Alldritt, capitaine amoché, racontait ceci : « On a tellement souffert, l’an dernier. Sincèrement, la douleur ressentie après avoir vu les Toulousains soulever la coupe ne nous a jamais quittés. On ne voulait plus revivre ça et on a tout donné. Nous étions morts de faim, possédés… »

La suite ? Elle appartient désormais à la légende de la Coupe d’Europe, au même titre que le sprint de Juan Cruz Malia l’an passé, le « une-deux » entre Matt Giteau et Drew Mitchell en 2014 ou la cagade de Finn Russell contre Exeter, voici deux ans. Sur la pelouse du Vélodrome, Arthur Retière, auteur d’une saison quasi blanche à La Rochelle, démarrait donc au ras du ruck, était fauché par un croc-en-jambe, tombait, roulait, parvenait néanmoins à allonger le bras et marquait : « Le travail des gros a été extraordinaire, disait-il ensuite, une médaille d’or autour du cou. De mon côté, j’avais remarqué que les avants du Leinster se replaçaient toujours dans le sens du jeu et suivaient nos avants, laissant leur charnière (Luke McGrath et Ross Byrne) occuper l’espace près des rucks. Pour moi, il était plus facile de passer là plutôt que de taper contre un mur. J’ai voulu tenter quelque chose… » Ce petit « quelque chose » eut sur un stade, un club, une ville et plus encore les répercussions – démesurées, considérables – que l’on connaît tous aujourd’hui, qui font de la magie du sport beaucoup plus qu’une simple lubie journalistique et abandonnent Alldritt à cette cocasse réflexion : « Cette finale, on l’aurait jouée dix fois, on l’aurait peut-être perdue neuf fois. Et vous voulez que je vous dise ? » Oui. « On s’en fout ! »

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