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Entretien - Christian Prudhomme, directeur du Tour de France : « Le rugby et le cyclisme viennent de la terre »

  • Pour Midi Olympique, Christian Prudhomme a pris le temps d’évoquer les liens qui unissent le cyclisme et le rugby.
    Pour Midi Olympique, Christian Prudhomme a pris le temps d’évoquer les liens qui unissent le cyclisme et le rugby. Icon Sport
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Quelques jours avant le lancement du 109e Tour de France, l’ancien journaliste sportif et directeur du Tour, Christian Prudhomme, a pris le temps d’évoquer les liens qui unissent le cyclisme et le rugby. Deux sports à première vue complètement différents, mais pas tant que cela pour celui qui est à la tête de la grande boucle depuis 2007.

Cette année, le rugby sera mis à l’honneur sur la route du Tour… À un an de la Coupe de monde de rugby organisée en France, c’était selon vous le moment idéal pour le faire ?

Cette année, on arrivera lors de la huitième étape à Lausanne, capitale olympique. Nous allons fêter les 30 ans des jeux Olympiques d’hiver d’Albertville. Ce sont d’autres épreuves en perspective. Mais oui, c’était à mon sens la bonne année pour allier rugby et cyclisme à un peu plus d’un an de la Coupe du monde. D’autant plus que je pense que les joueurs du XV de France seront un peu moins libres en juillet 2023 (rires).

Lors de la signature de l’étape reliant Castelnau-Magnoac à Cahors (voir encadré), Pierre Berbizier était à vos côtés. Pourquoi ? Quel rapport entretenez-vous ?

J’ai d’excellents rapports avec Pierre. Déjà, je suis forcément impressionné par sa carrière, d’abord en tant que joueur avec deux grands chelems (1981 et 1987), une finale de Coupe du monde avec un essai en 1987 ; puis en tant que patron du XV de France ; et comme œil avisé et aiguisé sur les Bleus et le rugby en général. Pierre est toujours en toute simplicité. Quand nous avons fait cette signature, nous étions dans la ferme, super bien accueillis par la maman d’Antoine Dupont, son frère, son oncle, et sa famille, et en dégustant bien évidemment du Noir de Bigorre. D’ailleurs, je pense qu’Antoine ne va pas tarder à se moquer de moi, qui suis un gros gourmand, pour ma propension à déguster le Noir de Bigorre. J’espère bien travailler ma réputation dans ce domaine-là lors de notre passage (sourire).

Le Tour de France permet aussi cela : découvrir chaque année un peu plus de la gastronomie française…

Exactement. J’ai d’ailleurs engueulé Thierry Gouvenou, notre patron des compétitions, car dans la foulée de la présentation du Tour de France au mois d’octobre, je suis venu dans les Pyrénées, et à Castelnau-Magnoac avec Michel Pélieu et le maire, Bernard Verdier. J’ai découvert que Spandelles n’était pas seulement un col mais aussi un fromage. Et j’ai donc appelé Thierry Gouvenou en lui disant en rigolant : « C’est une honte, Thierry. Tu ne m’as même pas prévenu que Spandelles était un col que je connaissais, mais un fromage que je ne connaissais pas. »

Une année, il y avait des problèmes pour porter des barrières, Robert Paparemborde est venu avec ses gars, et il n’y a plus eu de problèmes (rires). Quand certains portaient difficilement une barrière, il en portait quatre ou cinq d’un coup.

Quand avez-vous rencontré pour la première fois Antoine Dupont ?

J’ai rencontré Antoine Dupont pour la première fois en 2018, lorsque nous avions un départ d’étape à Trie-sur-Baïse, non loin de Castelnau-Magnoac. Antoine était là, il promettait déjà beaucoup même s’il n’était pas encore titulaire inamovible du XV de France, pas encore meilleur joueur du monde, pas encore vainqueur du grand chelem. Mais bon, on sentait déjà Napoléon percer sous Bonaparte et j’imagine que de tout là-haut le Petit Caporal (Jacques Fouroux, N.D.L.R.) voit ça avec un œil réjoui… Il y a Antoine, mais aussi Clément qui est quand même un chevalier du Noir de Bigorre. Ce que fait la famille Dupont, avec d’autres éleveurs aux alentours, est tout à fait remarquable. En vérité, le vélo et le rugby sont, pour moi, deux sports qui viennent de la terre, avec des valeurs d’humilité, de courage et d’abnégation qui sont essentielles et communes. C’est pour ça qu’on se retrouve et je suis très très heureux qu’on puisse faire cette étape. Qui plus est entre grand chelem et Coupe du monde. Je voudrais pouvoir dire entre grand chelem et… (il marque une pause) mais je n’ose pas le dire par superstition.

Quel regard portez-vous sur le joueur Antoine Dupont ?

C’est une pépite, un talent d’exception. Enfin, c’est Serge Blanco… Nous avons plein d’excellents joueurs depuis, mais pour moi il faut remonter à Serge Blanco pour retrouver trace d’un joueur comme ça qui sort du lot au niveau mondial.

Bien que différents, le rugby et le cyclisme partagent-ils tout de même des valeurs communes ?

J’évoquais la terre, comme racine du rugby et du cyclisme, mais l’âge d’or du cyclisme français, c’est quand nos champions sortaient des fermes. Raymond Poulidor était fils de métayer. Bernard Thévenet a été élevé dans une ferme au nom prédestiné, puisqu’elle s’appelait « Le Guidon », et la ferme d’à-côté s’appelait « La Fourche ». Bernard Hinault a été éleveur. Il y a de vraies valeurs, que l’on ressent dans le courage de ces champions. Ce qu’on retrouve aujourd’hui dans le rugby actuel. Il ne faut pas oublier que le cyclisme est le plus collectif des sports individuels. Quelle que soit la valeur d’un champion, il ne peut pas gagner s’il n’a pas d’équipe. Et je pense que dans le rugby, même si vous avez un génie, il faut toujours qu’il y ait des gens solidaires autour. L’organisation du Tour de France, c’est un peu pareil. On se doit de jouer collectif et d’être solidaire à tout moment. Le Tour est un défi pour les coureurs, mais aussi un défi évidant d’organisation.

Il n’est pas rare de rencontrer plusieurs gloires du rugby français sur les routes du Tour de France…

Il y a des liens d’évidence entre le Tour de France et le monde du rugby. Il y a un certain nombre d’anciens grands joueurs qui sont ou ont été élus. C’est le cas notamment de Jean-Pierre Garuet, de Louis Armary, qui est toujours élu au conseil départemental des Hautes-Pyrénées. Quand Jean-Pierre Garuet est là, Philippe Dintrans n’est pas loin. Didier Codorniou est le premier vice-président de la Région Occitanie. Fabien Pelous, recordman de sélections en équipe de France, vient aussi régulièrement. Denis Charvet viendra nous voir, puisque lui aussi est de Cahors comme Fabien Galthié. On voyait aussi souvent Claude Spanghero sur les routes du Tour. Et puis j’attends tous ceux qui ne sont jamais venus et qui vont venir car je pense qu’autour d’Antoine Dupont, il y aura plein de sélections cette année.

Avez-vous des anecdotes sur le rugby durant le Tour de France ?

Je me souviens d’une arrivée à Laruns en 2020, près du stade Robert-Paparemborde justement où nous avions improvisé quelques passes avec Robert Casadebaig, le maire et ami d’enfance de Robert Paparemborde, et Fabien Galthié. J’avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi il ne nous a pas sélectionnés au sein du XV de France. Je m’en étonne encore. Robert Paparemborde qui, d’ailleurs, a été le représentant sur le Tour de France de Banania, le sponsor du maillot jaune avant LCL (en 1985 et 1986). Une année, il y avait des problèmes pour porter des barrières, Robert Paparemborde est venu avec ses gars, et il n’y a plus eu de problèmes (rires). Quand certains portaient difficilement une barrière, il en portait quatre ou cinq d’un coup.

Quelle est votre relation au rugby ?

J’ai toujours adoré et il se trouve que l’un de mes amis les plus proches se nomme Eric Bayle (Directeur de la rédaction chargé du rugby à Canal +), qui était dans la promotion qui suivait la mienne à l’école de journalisme de Lille. J’ai toujours suivi le rugby et contrairement à d’autres sports que je ne citerai pas, j’ai conservé la même passion, le même amour pour le XV de France. Je me souviens avoir croisé il y a quelques années Jean-François Gourdon, trois-quarts aile du Racing et des Bleus dans les années 70, qui avait fait ses débuts à 19 ans contre l’Écosse et qui était phénoménal avant d’avoir une histoire de licence et de ne jamais revenir aussi fort qu’il était. C’est drôle car je lui dis comme un gamin qui voyait quelqu’un qui me faisait rêver : « Mais vous êtes Jean-François Gourdon ? » Ce à quoi il avait répondu : « Vous savez, pour moi c’est dément, c’est comme si vous parliez à quelqu’un d’autre. » Ça m’avait frappé même si je comprends parfaitement ce qu’il me disait.

Aviez-vous des idoles de jeunesse dans le rugby ?

Max Barrau est le premier demi de mêlée qui m’a ébloui quand j’étais tout gamin avec L’Equipe titrant « Max au maximum » lorsque les Français avaient battu les All Blacks 13 à 6 au Parc des Princes, tout nouveau à l’époque, avec Walter Spanghero comme capitaine, et où Sid Going, le demi de mêlée néo-zélandais avait été mis sous l’éteignoir. Mais il y a aussi eu Jean-Claude Skrela, Jean-Pierre Rives, le XV de France 1977 vainqueur du grand chelem avec huit essais marqués, zéro encaissé. Cette deuxième ligne Palmié-Imbernon, c’était fabuleux ! Jean-François Imbernon que j’ai retrouvé dans les Pyrénées-Orientales grâce au Tour de France et qui m’a offert une photo dédicacée en noir et blanc d’un alignement en touche du XV de France de 77. Ce sont des cadeaux qui viennent du cœur et qui marquent énormément.

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