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Top 14 - Morgan Parra (Stade français) : "Je ne suis pas venu à Paris pour donner la leçon"

Par Propos recueillis par Clément LABONNE
  • Morgan Parra sera parisien la saison prochaine.
    Morgan Parra sera parisien la saison prochaine. Photo stade.fr/PB
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Après treize années de fidélité au jaune et bleu clermontois, Morgan Parra a enfilé cet été le rose de Paris. Ce sera une des curiosités de la prochaine saison. Pour autant, le demi de mêlée international (33 ans, 71 sélections) ne compte pas débarquer dans la capitale en touriste. Compétiteur insatiable, il rêve de finir sa carrière sur une belle aventure. Et, dans un coin de sa tête, l’idée d’aller chercher un dernier titre.

Comment se passe la reprise au Stade français ?

Très bien, ma famille et moi sommes arrivés une semaine après la fin du championnat. Pour nous, le but était de s’installer le plus vite possible, vu qu’il y avait pas mal de changements. On est partis en vacances et je suis finalement revenu une semaine avant la reprise. L’accueil de mes coéquipiers a été top, je suis en découverte perpétuelle. J’apprends des uns et des autres à la fois sur le terrain et en dehors.

Quels souvenirs de Clermont avez-vous embarqués dans vos valises ?

Plein, évidemment. Les deux Boucliers, de grands moments vécus au "Michelin"... Tout cela fait partie de mon histoire et même d’une partie de ma vie, mais j’ai fait le choix de découvrir autre chose après m’être longtemps posé la question de prolonger à Clermont. L’ASM entamait une nouvelle phase de son projet avec beaucoup de changements, je pense que c’était le bon moment pour partir.

Une fois que la décision a été prise, aucun regret ?

Aucun. Si c’était à refaire, je le referai sans hésiter. C’était important de vivre autre chose et, pour moi, c’était la dernière occasion dans ma carrière. Je ne pouvais pas la rater. Et quant au choix du Stade français, aucun regret non plus. J’ai essayé de voir où est-ce que je serais le plus utile et Paris m’est apparu comme le meilleur endroit. Le Stade a une équipe compétitive qui se bat pour retrouver son standing.

En plus de votre départ, il y a celui de Lopez et la retraite de Fofana. Mesurez-vous le chemin partagé ?

On est tous de passage, vous savez. Mais c’est quand même mieux de laisser une trace. J’ai la chance d’avoir été deux fois champion de France avec l’ASM, d’avoir vécu des moments de folie et de laisser une trace dans l’histoire du club. Mais je ne suis pas quelqu’un qui regarde derrière. Cette histoire, c’est comme avec l’équipe de France : bien sûr, j’aurais aimé être à la place des jeunes qui ont remporté le grand chelem et de pouvoir vivre une Coupe du monde en France… Sauf que je n’ai aucun regret. J’avance. C’est mon histoire.

Qu’est-ce qui a manqué à Clermont, l’an dernier, pour jouer les barrages ?

De la constance. On n’a pas su saisir notre chance à des moments importants. Tout simplement, on n’a pas été au niveau sur des matchs décisifs. à Perpignan, par exemple… On a laissé trop de chances à d’autres équipes.

Pourquoi avoir signé au Stade français, et pas un autre club offrant peut-être plus de certitudes sportives ?

Je me suis posé la question de vivre une aventure complètement différente, où je pouvais apporter un plus au collectif. Mais je voulais aussi entendre un discours différent, me retrouver dans un contexte où ce serait à moi de m’adapter. Tout est nouveau, ici : la logistique, le fonctionnement du club, la façon de vivre. Je suis un peu dans la peau d’un jeune qui fait ses premiers pas en pro. Je n’ai aucune prétention, je ne fais pas de grandes promesses. Je veux juste essayer de me voir au mieux dans un club et apporter mes qualités. Aujourd’hui, le Stade français me correspond plus, dans énormément de choses.

Vous aviez expliqué votre choix de venir à Paris pour apporter plus de rigueur. Pouvez-vous développer ?

Je ne dis pas qu’il n’y a pas de rigueur au Stade français, loin de là ; ce serait manquer de respect au travail de Gonzalo Quesada, Laurent Sempéré, Julien Arias et tout le staff. Mais avec l’expérience, je sais que les petits détails sont importants. Là, je parle du jeu en lui-même. Pour des jeunes, les détails ne sont peut-être pas importants. Mais, à l’arrivée, c’est ce qui compte le plus. Et seuls les joueurs peuvent les régler, pas le staff. Je veux apporter cette dimension d’exigence à une équipe jeune, qui compte moins d’expérience. Vous savez, en treize ans à Clermont, j’ai acquis une culture de la rigueur ; c’est vrai sur le terrain comme en dehors, avec l’éducation "Michelin". À certains moments, c’était peut-être trop… Alors, si je dois pouvoir apporter cette rigueur à Paris, je viens aussi avec l’idée d’y trouver un peu de folie en dehors du terrain.

Vous êtes au même poste qu’Arthur Coville, bien plus jeune. Comment jugez-vous cette concurrence ?

Nous avons dix ans d’écart, ça me met un coup ! (rires) J’ai été étonné d’être le plus vieux du groupe lors des premiers entraînements... Déjà, la saison dernière à Clermont c’était juste. Mais là, il y a des écarts de 10 ou 12 ans. Ça fait bizarre ! Que ce soit pour Arthur ou James Hall, mon but est de bien travailler avec eux, comme avec le reste des joueurs. Le plus important, c’est que l’équipe tourne. Je ne suis pas là pour leur donner la leçon mais pour échanger et partager nos envies. Arthur, James ou même Joris (Segonds) sont des joueurs avec des registres complètement différents, pleins de talents et qui sont essentiels à l’équipe.

La présence de Gonzalo Quesada à Paris a-t-elle été déterminante dans votre choix ?

Je l’ai connu en tant qu’entraîneur des buteurs, mais pas en tant que coach principal. J’ai beaucoup de respect pour lui, nous avons partagé de grands moments et il n’est pas pour rien dans la réussite que j’ai pu avoir dans l’exercice des tirs au but. Il m’a fait progresser, en adoptant une nouvelle routine pour taper avec mes propres repères. Je me souviens d’avoir changé de "tee" grâce à lui. Depuis, je n’en ai plus jamais changé.

Le hasard du calendrier fait que vous rencontrerez Clermont lors de la première journée...

Le premier match est contre Clermont mais il se jouera à Paris, surtout. J’aurais préféré qu’on se déplace là-bas, pour avoir un peu moins de stress en début de match. Ça restera quand même un moment bizarre ! Mais je ne vais pas me tromper de club, je vais me battre pour le Stade français.

Un mot sur l’équipe de France qui tourne à plein régime, avec de nombreux demis de mêlée talentueux. Diriez-vous que Lucu se rapproche le plus de votre style de jeu, derrière Dupont qui électrise tout ?

Dupont, il n’y en a qu’un dans le monde. On peut me dire qu’il y a des "styles de Dupont", OK. Mais des joueurs comme ça, il n’y en a qu’un. Je n’aime pas comparer, je note juste qu’on a de la qualité. Couilloud est là ; Le Garrec arrive juste derrière ; des mecs "anciens" comme Serin ou Lucu ont de grosses qualités. Mais sur les autres postes aussi, nous sommes bien fournis. Nous avons tout pour remporter la Coupe du monde.

Les Barbarians français sont rentrés d’une mini-tournée aux États-Unis. L’esprit Baa-Baas vous attire-t-il ?

Bien sûr ! C’est un état d’esprit particulier, le plaisir du jeu et le plaisir en dehors. Il n’y a pas de prise de tête. J’apprécie et si j’ai la chance d’être appelé un jour, ce sera avec plaisir !

Comment jugez-vous l’évolution du poste de demi de mêlée depuis vos débuts professionnels, en 2006 ?

J’ai commencé à dix-huit ans ; quand je revois certains de mes premiers matchs, je me rends compte que ce n’est plus du tout le même rugby ! Et mon poste a évolué dans tous les domaines. Avant, il fallait juste que le n°9 gueule derrière son paquet d’avants. Aujourd’hui il doit être bon au pied, faire des bonnes passes, porter le ballon, commander le jeu… Le rugby actuel est plus perfectionniste, plus exigeant sur les dimensions physique et psychologique. Avant, quatre clubs prétendaient au Brennus et, aujourd’hui, il y en a dix. Les joueurs s’entraînent de plus en plus, les staffs sont renforcés et il y a la data. Tout est analysé pour aller plus vite et plus fort. C’est le sens de l’histoire. Avant, encore, on tapait le ballon le plus loin possible ; maintenant, il y a le choix entre mille sorties de camp, mille jeux au pied. Les équipes s’adaptent constamment.

Auriez-vous pu changer de profil de joueur ?

Non, je ne pense pas. Je n’ai pas les qualités physiques pour. Chaque demi de mêlée est différent, avec quelques ressemblances certes, mais toujours avec des différences.

Pensez-vous que des profils de n°9 comme vous ou Connor Murray sont aujourd’hui en voie de disparition ?

J’espère surtout que le rugby nous gardera encore deux ans ! (rires) Si c’est le cas, je signe tout de suite. Tant mieux si mon style correspond encore. Si tel n’est plus le cas, ce ne sera pas de mon ressort.

Avec le Stade français, vous irez jouer en Afrique du Sud pour la Challenge Cup. Que pensez-vous de l’arrivée des équipes sud-africaines en Coupes d’Europe ?

Je vais être sincère : c’est une belle expérience pour les joueurs qui vont se confronter à ces franchises mais, pour moi, on ne l’appelle plus Champions Cup. Avant, c’était la coupe d’Europe, avec une vraie signification et une histoire, aussi. Je n’ai rien contre l’hémisphère sud mais aujourd’hui, ce n’est plus la Coupe d’Europe. Qu’on l’appelle autrement et qu’on dise que la Coupe d’Europe n’existe plus. Et c’est la même chose pour la Challenge Cup, cela n’existe plus. Pour moi, les deux compétitions ne devraient pas se jouer avec des clubs sud-africains.

Pourquoi n’avoir jamais été tenté de partir dans l’hémisphère sud, pour vivre une expérience différente ?

Je me suis posé la question à la fin de mon contrat à Clermont, mais je n’étais pas prêt à partir aussi loin avec la famille ; j’ai besoin de rester ici pour trouver mon équilibre et me sentir bien chaque week-end. En partant là-bas, tu remets tout à zéro. C’est un choix de vie. J’en ai fait un autre en pesant au rugby, mais aussi aux autres composantes.

Vous êtes coprésident du club de Metz. Pourquoi vous êtes-vous engagé dans cette aventure ?

Le club partait un peu à la dérive et l’ancien président m’a demandé s’il pouvait compter sur moi pour impulser quelque chose de nouveau. J’ai joué de nombreuses années là-bas, mon père et mon oncle ont joué pour Metz. Cela reste mon club de cœur. Je me suis dit que plein de gamins voudraient avoir la chance de vivre une aventure comme j’ai pu le faire en allant à Dijon, Bourgoin, Clermont puis Paris. C’était important que le club ne descende pas de Fédérale 2. Même à distance, j’ai estimé que je pouvais apporter quelque chose. On a essayé de remettre la formation au cœur du projet, de travailler avec les clubs aux alentours et faire en sorte que Metz tourne bien et se maintienne en Fédérale 2. Le but n’est pas d’avoir des objectifs de montée en Fédérale 1, ou en Pro D2. Nous voulons axer ce club vers ses jeunes : permettre à certains de partir viser plus haut et à ceux qui restent de continuer à jouer à un bon niveau.

Déjà, à Clermont, vous interveniez auprès des clubs amateurs des environs...

J’aime ça. Les mecs que j’ai pu entraîner sont maçons la journée et viennent jouer au rugby le soir. C’est le sport que j’ai connu avec mon père et mon oncle. C’est celui que j’apprécie.

Vous disiez n’avoir aucun regret. Mais si vous pouviez changer un résultat, quel serait-il ?

Être champion d’Europe en 2013, avec l’ASM. Quand on est jeune, on regarde à la télé les belles équipes qui soulèvent le Bouclier de Brennus et la Coupe d’Europe. Moi, j’ai vu Brive et Toulouse, alors je voulais être parmi eux... On est passé tellement près, cette année-là… Cette finale m’a peut-être forgé un peu plus, et m’a aussi fait grandir.

Quel premier conseil donneriez-vous au Morgan Parra qui débuterait sa carrière aujourd’hui ?

Garde la notion de plaisir, qui est la base de ce sport. Le rugby m’a permis de vivre de ma passion, de bien gagner ma vie, de faire tant de choses en dehors. Cela n’a pas de prix.

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