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Melvyn Jaminet (Toulouse) : « J’avais envie de retrouver de la liberté »

Par Vincent BISSONNET
  • l’arrière international Melvyn Jaminet (23 ans, 12 sélections) s’est confié à nous sur tous les sujets qui le concernent. Sans retenue et avec lucidité.
    l’arrière international Melvyn Jaminet (23 ans, 12 sélections) s’est confié à nous sur tous les sujets qui le concernent. Sans retenue et avec lucidité. Aurélien Delhanduy - Aurélien Delhanduy
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Son intégration toulousaine, ses nouveaux défis, les remous de sa saison dernière, le Mondial, sa réussite au pied : l’arrière international Melvyn Jaminet (23 ans, 12 sélections) s’est confié à nous sur tous les sujets qui le concernent. Sans retenue et avec lucidité.

Comment se passe cette intersaison d’intégration, depuis le jour où vous avez débarqué à Ernest-Wallon ?

Je suis très content. Le Stade toulousain, ce n’est pas un club comme les autres. J’ai beaucoup été dans l’observation pour voir comment ça se passe, sa manière de fonctionner… Quand on vient d’arriver, il est important d’être investi pour prendre ses repères. Je commence à bien assimiler le plan de jeu, c’est assez similaire à ce que je connaissais. Ce sont surtout les annonces qui changent. Dans l’ensemble, ça se passe très bien. J’avais l’été pour prendre mes marques. Après, il faudra être à l’œuvre.

Le fait d’être en équipe de France depuis un an vous a préparé à cette intégration, en un sens ?

Quand on connaît dix ou douze mecs, ça facilite l’intégration, oui. D’autant plus que l’on a vécu des moments très forts ensemble, ça rapproche. Je découvre les autres joueurs et je vois toute la qualité qu’il y a dans ce groupe. On va pouvoir faire de belles choses.

Que représentait le Stade toulousain quand vous étiez minot, vous, enfant de la rade ?

Quand j’étais petit, le Stade toulousain, c’était un peu la bête noire. C’est obligé quand on joue à Toulon (rires). Je me rappelle quand je jouais face à Romain (Ntamack). Je me suis toujours très bien entendu avec lui. Il y avait une petite rivalité entre lui et Louis (Carbonel), d’ailleurs. À l’époque, j’étais le plus petit de l’équipe, j’étais à la mêlée. C’étaient des matchs à part. Il y avait de l’engagement, on s’envoyait à 200 % et c’était pareil de l’autre côté.

Et quand vous regardiez la télé, qu’est-ce que cette équipe vous inspirait ?

Ça jouait de partout, il y avait de très grands joueurs. Cette équipe faisait rêver, au fond, et elle continue de le faire, d’ailleurs. Nous, on ne les aimait pas parce qu’ils étaient forts, tout simplement (sourire). Le Stade a prouvé sa valeur depuis tant d’années et c’est à nous de l’amener encore plus fort.

Plusieurs clubs vous voulaient. Y a-t-il eu une réflexion quant à votre destination ?

Dès que j’ai su que le Stade toulousain était intéressé par moi, ça a été une évidence. Je me voyais jouer dans cette équipe : son jeu, sa vision, ses joueurs. Le discours est intéressant, aussi : c’est à nous de faire le jeu, on n’est pas bridé, la prise d’initiatives est encouragée. C’était tout ce dont j’avais envie. Le choix n’a pas été difficile.

Le fait que ce soit une machine à titres a dû renforcer votre conviction…

Forcément, quand on est compétiteur, on veut ramener des trophées. Je ne dis pas que nous allons gagner toutes les années mais je sais que l’on aura à chaque fois l’ambition de décrocher des titres et que l’on s’en donnera les moyens. C’est comme ça qu’un grand club fonctionne.

En signant à Toulouse, vous saviez que vous auriez Thomas Ramos comme concurrent direct. À quel point avez-vous pris ce sujet en considération ?

Je me suis posé la question. Quand on rejoint un si grand club, on se met inévitablement en danger mais je pense que c’est ce qu’il me fallait. J’ai envie de progresser encore et c’est avec de la concurrence, rien qu’aux entraînements, que j’y arriverai. Ça va nous faire évoluer dans le bon sens, que ce soit pour le club et l’équipe de France. Si chacun joue le jeu, tout se passera bien.

Avec le recul des vacances, que retenez-vous de la saison passée, qui a pour le moins été riche en rebondissements ?

Ça a été une autre année d’apprentissage, très différente de ma première saison chez les professionnels. J’ai été sollicité de toutes parts et je sais désormais que l’on peut perdre de l’énergie avec ce qu’il y a autour. Ça peut te faire sortir du cadre de joueur. Je l’ai compris. C’était aussi la première saison où je faisais la navette entre la sélection et le club et ça n’a pas été facile non plus. Pendant que je partais en équipe de France durant deux mois, l’équipe continuait d’avancer et à évoluer. J’ai parfois eu du mal à reprendre les repères, à retrouver les automatismes.

Votre saison en club n’a pas été un long fleuve tranquille…

Il y avait beaucoup d’attentes du côté des supporters. C’est compréhensible, j’étais le seul international français du groupe. Quand j’étais moins bien, quand je loupais une pénalité, ça parlait sur moi : on disait que j’étais déjà parti à Toulouse, que je ne pensais qu’à l’équipe de France… À la longue, c’était pesant. Quand j’ai réussi à faire le vide et me sortir de ça, ça s’est mieux passé. Ce qui m’a fait du bien, c’est la petite blessure que j’ai eue. Pendant trois semaines, j’ai été éloigné des terrains et de l’attention. J’étais très heureux de pouvoir revenir pour le barrage et de disputer mon dernier match avec l’Usap. Je pense que ça s’est vu sur le terrain, j’étais bien.

On imagine votre soulagement de partir en laissant le club en Top 14… La mission était accomplie.

C’est facile à dire maintenant mais je ne concevais pas que ce club descende en Pro D2. Avec ce que l’équipe avait prouvé et produit sur les mois passés, elle méritait de rester en élite. Ce n’est d’ailleurs pas le travail d’une année qui a payé mais celui mené depuis trois ou quatre ans.

Avez-vous coché la date du match à Aimé-Giral ?

C’est à la 25e journée. J’ai le temps de le préparer.

Votre saison dernière a été marquée par votre transfert. Et par tout le battage autour qui vous a affecté…

Au début, ça allait, je lisais, j’entendais. Mais quand je voyais que l’on en parlait tous les mois dans les médias, c’est devenu fatigant. Je prenais sur moi mais j’y ai lâché du jus mentalement.

N’avez-vous pas eu l’envie de couper avec les réseaux pour vous en protéger ?

Mais je n’y allais pas. C’est juste qu’en allumant le téléphone, je voyais que les gens m’identifiaient et je tombais dessus. Je ne voulais pas le voir mais ça me revenait tout de même.

La médiatisation, l’exposition, le statut qui change : était-ce trop pour vos épaules de jeunes joueurs ?

Je m’étais préparé à vivre ça mais ça a été au-delà de ce que je pensais. La difficulté est que tout est arrivé très vite et en même temps : il y a eu mon transfert à Toulouse, la tournée, la victoire contre les Blacks, le grand chelem en suivant. J’ai tout reçu dans la tête. Je n’ai que 23 ans, je n’avais que deux saisons en pro…

Sur le terrain, vous avez semblé plus bridé. Est-ce cette atmosphère générale autour de vous qui vous a freiné ?

Les équipes commençaient à me connaître et savaient que j’aime bien relancer. J’ai été ciblé par les défenses. Et puis, jusque-là, on m’avait surtout vu en Pro D2. L’équipe y était dominante, j’étais plus libre. Je pouvais tenter les coups en sachant que les gars seraient là pour les rattraper si besoin. En Top 14, ça a été un autre style de jeu. À ce niveau, chaque erreur pouvait être fatale pour nous. Du coup, inconsciemment, on relance moins, on a peur de se mettre à la faute. À certains moments, il ne fallait pas prendre de points et le meilleur choix était de se déposséder du ballon. En Pro D2, on va dire qu’il y avait cinq ou six bons coups. En Top 14, il n’y en avait plus qu’un. En signant au Stade toulousain, j’avais envie de retrouver de la liberté. S’il y a des erreurs, on aura de quoi les rattraper.

Depuis que Fabien Galthié avait parlé de vous comme un "ovni", cette appellation vous suit. On parle aussi du nouveau Jaminet quand un jeune perce. N’est-ce pas quelque chose que vous devez assumer ?

Quand j’ai entendu ses mots, j’étais très heureux. C’était flatteur. Fabien n’est pas à la tête de l’équipe de France pour rien, il sait ce qu’il dit. Je ne pense pas que ça m’ait mis de pression supplémentaire. Dans l’autre sens, il n’y a rien d’acquis pour autant. Ce n’est pas parce qu’il a dit que j’étais l’ovni sur la saison 2020-2021 que ça change quoi que ce soit. Il faut mériter le maillot pour chaque match. Ça, je l’ai bien assimilé.

Vu le réservoir à l’arrière, aucune baisse de régime n’est de toute manière possible…

Oui, il y a beaucoup de potentiels. C’est ce qu’il faut à chaque poste pour que l’on devienne champions du monde.

Au Stade toulousain, club qui cultive la polyvalence, il est question que vous jouiez à l’aile. Comment l’appréhendez-vous ?

Ailier, je n’y ai jamais joué. Enfin, chez les grands. En catégories jeunes, j’ai eu quelques mauvais souvenirs en étant positionné à l’aile mais c’est loin. Ma polyvalence, elle est plus 10-15. J’étais d’ailleurs arrivé comme ouvreur à Perpignan et je suis passé arrière par la suite. S’il faut dépanner à l’aile, je le ferai mais ce n’est pas un poste naturel pour moi. Je suis encore un peu perdu sur quelques placements. J’ai envie de jouer mais je ne veux pas que ça desserve l’équipe. Je veux être performant pour moi et pour l’équipe. Après, les coachs sont assez lucides pour décider et feront jouer ceux qu’il faut.

Vous avez très peu joué en 10 la saison passée : vous y avez glissé sur quelques bouts de match…

À l’Usap, je le travaillais surtout à l’entraînement. Ouvreur, c’est un poste à responsabilités. Il me faudra prendre des repères car ça fait longtemps que j’y ai joué mais je sais que je peux y évoluer : prendre des initiatives, gérer les annonces, j’y suis prêt. De là à dire que je pourrai être titulaire en 10 sur la durée, je ne crois pas.

Dans treize mois, il y aura la Coupe du monde. Quelle place cette échéance occupe-t-elle dans votre esprit ?

Comment pourrais-je ne pas y penser, d’autant plus que ça se déroulera en France et que ce sera magique ? J’y pense. Mais je n’ai pas envie d’être obnubilé par ça non plus. Je viens d’arriver à Toulouse. Mon objectif premier est d’être performant avec le Stade toulousain et de gagner des titres avec ce club. La Coupe du monde, ce sera plus tard. À la fin de cette saison, j’espère que je serai à 200 % dans l’aventure avec le XV de France. Il y aura les tests de novembre, avant. Chaque liste est un examen de passage.

Comment s’est passée votre tournée au Japon ?

J’étais arrivé fatigué physiquement et mentalement. Les entraîneurs l’ont ressenti : ils l’ont vu sur les entraînements et sur le premier test. Avant le match, j’ai même craint de ne pas jouer. J’ai eu une mauvaise sensation musculaire. Après la rencontre, les coachs sont venus me voir et m’ont dit qu’ils me trouvaient fatigué, surtout mentalement. Avec tout ce qui s’était passé ces derniers mois, ma situation en club, ma blessure au genou… Ils ont été intelligents et m’ont annoncé : "Melvyn, tu ne joueras pas." Ils préféraient mettre un joueur en pleine forme. Ça m’aurait desservi moi le premier. Après, même si c’était le bon choix, j’ai dû prendre sur moi. En tant que compétiteur, ce n’est pas facile de rester sur le bord. Sur la fatigue mentale et physique, cette petite remise en question m’a servi.

Pour finir, un petit mot sur votre jeu au pied. Sur l’année 2021, vous tourniez à 91,9 % en Bleu. Cette année, le pourcentage a baissé. Comment le vivez-vous et l’expliquez-vous ?

Je le vis comme lorsque ma réussite était élevée : avec du recul. Avant, ça se passait très bien, là, le taux a baissé pendant le 6 Nations. C’est un tout, il y a eu les conditions… Ce ne sont que des statistiques à un moment donné. Ce serait une grosse erreur de vouloir tout changer. Je m’entraîne juste encore plus.

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