La carte blanche de Lise Arricastre : « Merci au rugby, merci pour tout »

Par Lise Arricastre
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    Le carte blanche de Lise Arricastre : « Merci au rugby, merci pour tout » Manuel Blondeau / Icon Sport
Publié le Mis à jour
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Lise Arricastre (Pilier de Lons-Pau et du XV de France) vient d’achever sa carrière internationale par un titre de championne du monde militaire. Elle s’empare de sa plume à cette occasion.

Je me souviens, de ce premier tournoi d’U.N.S.S. juste pour essayer un sport co’ avec M. Debons, de l’euphorie de ce titre de championne de France 2012 avec une équipe de Lons complètement outsider, de l’ébullition des sélections - 20 ans, où les filles n’étaient pas reconnues par la Fédé, où on jouait avec les maillots débrodés des septistes.

Je me souviens de la fierté d’une première sélection dans l’anonymat de Viry-Châtillon contre l’Écosse avec le périple de la famille qui « monte » dans la capitale. De l’engouement nouveau pour le Grand Chelem 2014.

Je me souviens aussi de l’angoisse d’entrer seule sur la pelouse d’un Hameau plein à craquer, chez « moi », pour ma 70e sélection, alors que je me sentais malade, pas dans mon assiette. Où encore de l’immense frustration du Tournoi 2021, isolée des semaines dans une chambre individuelle pour ne pas jouer une minute du Tournoi, être convoquée sur le banc pour un dernier match amical contre l’Angleterre, comprendre que ce dernier quart d’heure sera l’unique occasion de se montrer, et voir le stade s’éteindre, littéralement, juste avant mon entrée en jeu. Se rendre malade pour tout ça. Passer de titulaire à hors groupe durant l’année de report de la Coupe du monde, et comprendre via une visio avec le staff des Bleues en mai dernier, que le haut niveau pour moi c’était terminé.

Pour tous ces moments, les meilleurs comme les plus terribles, je dis merci au rugby. Ils ont contribué à façonner la femme que je suis, plus forte, exigeante, tolérante et plus ouverte. Et puis le karma quoi ! Quand une porte se ferme sur la Nouvelle-Zélande, une autre s’ouvre.

« - Allô Lise ? C’est l’adjudant Laurent Désirat à l’appareil. »
« - Vous faites erreur ! »
« - Non. »

Et me voilà engagée en tant que réserviste, direction Mont-de-Marsan pour un stage de préparation à la Coupe du monde militaire. Au premier entraînement, je me dis : « mais qu’est-ce que je fais là ? Ça va être long ! » Le niveau était hétérogène, le staff débutait… Et puis on apprend à se connaître. Et j’apprends que certaines de ces joueuses, qui m’ont mis sur un piédestal parce que j’étais internationale, font des missions armées à travers le monde, sauvent des vies, et en perdent des chers à leurs yeux. J’ai le privilège d’avoir rencontré ces nanas-là. Nous n’avions pas la meilleure équipe, ni la mieux structurée. Mais humainement on a créé quelque chose. Un supplément d’âme combatif, qui compensait toutes nos carences techniques. Et aujourd’hui ce titre nous lie à vie. Et moi, je passe d’une non-sélection à un titre mondial. Certains m’ont dit : « Pour toi, c’est un petit titre. » Vous ne vous rendez pas compte du bien que ça m’a fait. Les larmes me montent encore régulièrement.

Enfin j’aurais un dernier mot pour mes copines du XV de France féminin. Dans leur préparation, elles ont vécu des moments très sombres, très difficiles. Voir ses amies malheureuses, n’arrivant plus du tout à jouer, c’était peinant. Et depuis quelques jours, elles ont pris les choses en mains, elles se sont ressourcées et ça se voit sur le terrain. Dans cette obscurité, elles peuvent trouver une force. Je les aime tellement, j’y crois. Il ne faut jamais oublier que nous ne sommes pas chanceuses, personne n’est là par hasard. Nous sommes privilégiées. Et il faut savoir en profiter.

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